On utilise quotidiennement des expressions parfois un peu vieillies, mais dont l’origine est mystérieuse. Qu’est-ce qu’une sellette ? Pourquoi est-on saoul comme un Polonais ? Dans son ouvrage Faire la tournée des grands-ducs et 99 autres expressions héritées de l’Histoire de France, Hélène de Champchesnel explique l’origine historique de ces proverbes et expressions qui font le sel de la langue française.
Saoul comme un Polonais
Dans l’armée napoléonienne, on trouvait de nombreux mercenaires polonais. Lors de la campagne d’Espagne, ceux-ci se distinguèrent par leur courage et leur audace lors de la bataille de Somosierra, permettant au reste de l’armée d’avancer sur Madrid. Certains généraux français, jaloux de la postérité des mercenaires, insinuèrent que leur courage était dû à leur ivresse. On leur répondit qu’ils n’avaient qu’à être saouls comme des Polonais.
Compter pour des prunes
En 1148, les croisés partirent de Jérusalem pour essayer de prendre Damas. Ils installèrent leur siège mais furent bientôt repoussés dans les vergers avoisinants, tenus finalement de battre en retraite avec pour seul butin les quelques prunes ramassées dans les vergers. Ils s’étaient donc battus « pour des prunes ».
Se faire limoger
Au début de la guerre de 14, de nombreuses erreurs stratégiques entraînèrent un important remaniement du commandement militaire. Pour se débarrasser des vieux officiers supérieurs incompétents, le général Joffre en muta une grande partie dans le 12ème régiment militaire, basé en partie à Limoges. Et voilà comment ces gradés-là se firent limoger.
Faire tout un laïus
L’expression vient du milieu estudiantin quand, en 1804, les élèves de polytechniques durent suivre une chaire de belles lettres. Plutôt habitués aux études scientifiques, ils furent assez ennuyés de devoir suivre une présentation sur le roi Laïus, père d’Oedipe dans la mythologie grecque. De cet ennui naquit l’expression « faire un laïus », désignant tout exposé long et rébarbatif.
Epater la galerie
Au XVI° siècle, alors que le Jeu de paume rencontrait un succès très important en France, on fit construire des galeries au-dessus des terrains pour permettre aux spectateurs d’admirer les prouesses sportives des joueurs. Et ces derniers voulaient en envoyer plein les yeux des heureux spectateurs en les épattant, c’est-à-dire en leur coupant les pattes, le mot ayant perdu son deuxième t plus tard. Et voilà comment on épatait la galerie à l’époque.
Faire la tournée des grands-ducs
Les grands-ducs désignaient la famille royale de Russie qui, visitant la France à la fin du XIX° siècle, s’adonnèrent aux plaisirs de la fête parisienne sans retenue. Leurs virées héroïques faisaient les choux gras de la presse mondaine et l’expression resta pour désigner des activités festives et excessives.
La Cour des miracles
L’expression, notamment immortalisée par Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris, désignait ces lieux de perdition où les voyous côtoyaient les bossus et le vice le jeu. Si la dernière Cour des miracles a été fermée à la fin du XVII°, l’expression est restée pour désigner un lieu où l’on croise des personnages étonnants et inquiétants.
Travailler au noir
Au Moyen-âge, l’expression s’appliquait aux travailleurs des champs tenus de retourner la nuit au turbin par leur seigneur. Habituellement, les paysans avaient droit au repos nocturne, mais la règle était souvent contournée, la raison du plus fort étant toujours la meilleure. Aujourd’hui, l’expression désigne le fait de travailler sans être déclaré.
Payer en monnaie de singe
Au XIII° siècle, Saint-Louis décida d’imposer un péage pour franchir le Petit pont qui relie la rue Saint-Jacques, à Paris, à l’île de la Cité. Tout le monde devait s’acquitter du droit de péage, sauf les forains avoisinants, qui pouvaient franchir la Seine sans débourser un centime, à condition de faire faire quelques cabrioles à leurs animaux, souvent des singes. Et l’expression resta.
Être sur la sellette
La sellette désignait le petit tabouret sur lequel les accusés étaient positionnés pour faire face à leurs juges dans une position d’infériorité. L’utilisation de la sellette fut abolie en 1788.
Tout est histoire.