Si le cinéma a bien véhiculé UN cliché, c’est la capacité hors norme des Chinois à parler en image. Outre la fausse modestie qui leur est systématiquement prêtée, on leur accorde aussi la palme d’or de la métaphore permanente pour dire des choses simples. C’est évidemment en grande partie exagéré, mais il faut reconnaître que certaines expressions chinoises ont le sens de l’image et ne feraient pas de mal à notre langue française par trop cartésienne.
Qù guàng shangdiàn = Tourner en rond dans les magasins
Ce qui correspond à faire du lèche-vitrine mais est beaucoup plus imagé. Parce que c’est vrai qu’en période de Noël, on en a passé du temps à faire des cercles concentriques dans des rayons divers pour ne strictement rien acheter et repartir bredouille. Marche aussi quand tu es magasinier et que ton chef te demande d’aller chercher un truc sans t’indiquer où il se trouve.
Juiao ni sheng haizi mei pigu yan = Que ton enfant naisse sans anus
Equivalent français de « va bien te faire enculer sale fils de pute ». Mais c’est vrai que c’est davantage dérangeant de naître sans anus que de se faire enculer parce que la question se pose de l’endroit par lequel transiteront les étrons. Et je ne parle pas d’un film des années 80 ou d’un ancien ministre podophile de Nicolas Sarkozy.
Tiao tiao da lu tong beijing. = Tous les chemins mènent à Beijing
C’est vrai que cette histoire des chemins qui mènent à Rome est un peu usurpée, surtout depuis que des petits malins se sont mis en tête, en fin de soirée de répéter mille fois « tous les chemins mènent au rhum. » Au moins, Pékin, ça a le mérite d’être une plus grande mégalopole et surtout d’appeler au voyage.
Má què sui xi?o, wu zàng jù quán = Malgré sa petite taille, le moineau a tous ses organes vitaux
Je crois qu’il n’existe pas réellement d’équivalent de cette expression pour le moins mystérieuse en français, mais ce qui est sûr c’est qu’elle ne veut un peu rien dire, si ce n’est qu’on a beau jouer dans Joséphine Ange Gardien, on est quand même capable de pisser comme tout le monde. L’interprétation est libre.
Ér xíng qian li mu dan you = Lorsque l'enfant voyage mille li, la mère est inquiète.
Enfin, on pourrait aussi dire que lorsque l’enfant voyage même une demi-li, la mère est inquiète. Le problème, avec les enfants, c’est qu’on est pas rassuré rassuré quand ils partent à l’autre bout du monde ou même au coin de la rue avec tous ces pédophiles qui traînent de mon temps, ma petite dame, c’était une autre limonade, hein, et puis sincèrement quelle idée de partir à Cholet quand on a 7 ans ?
Jun zi zhi jiao dan ru shui = L'amitié d'un homme de bonne éducation est aussi insipide que l'eau
Ou autrement dit « tu me fais chier avec tes bonnes manières et ton ton condescendant ». Ou autrement dit : « Ca commence à être assez désagréable tes manières de me demander de pas mettre mes coudes sur la table ». Ou encore : « Si tu pouvais éviter de me poker sur Facebook pour m’inviter à tes rallies, ce serait sympa, parce que ton amitié tu peux te la mettre au cul espèce de gros bourge. »
Chényúluòyànyan = Belle à faire se noyer les poissons et à faire pleuvoir les oies
Ca a quand même plus de gueule que « t’es la plus bonne bonne bonne bonne bonne de mes copines » en matière de drague. Après c’est vrai que, par contre, si la meuf parle pas chinois, ça marche moins bien. C’est ça aussi la linguistique, une affaire de mystère et de contrastes.
Yuánmùqiúyú = Ca revient à grimper dans les arbres pour choper des poissons
Se dit d’un truc impossible, qu’il n’est pas même nécessaire de tenter. Par exemple, convaincre votre oncle bourré qui hurle que les Arabes, ce sont pas tous des terroristes. Ou encore expliquer à votre prof que votre chien a VRAIMENT mangé votre copie.
Zìtaokuchi = Réclamer de la nourriture amère
Ou encore plus simplement « chercher la merde ». Mais faut reconnaître que quand on s’apprête à se battre, demander à quelqu’un s’il réclame de la nourriture amère, c’est plus imagé et joli que de demander s’il cherche la merde.
Huashétianzú = Peindre un serpent avec des pieds
Ce qui revient en réalité à « en faire trop ». Et c’est vrai que si Dieu avait foutu des pieds aux serpents, on n’en aurait pas fait tout un pataquès chez les mayas et à Poudlard, des serpents, et Indiana Jones ne s’en porterait pas plus mal. Il faut savoir s’arrêter, dans la vie.
Et encore, ce n’est que du mandarin pour le moment.