Avec les années qui passent, le souvenir le plus marquant que l'on garde de nos années d'université est très certainement l'une des Assemblées Générales qui ont rythmé nos plus belles grèves d'étudiant. Des centaines de jeunes dissipés qui investissent un amphi ou un bout de campus, des votes à main levée et des grèves systématiquement reconduites, c'est aussi pour ces moments de démocratie douteuse et de bonne humeur qu'on aime la fac.
- Le syndicaliste professionnel
Il est étudiant depuis hyper longtemps mais ne compte pas entrer un jour dans le monde du travail. Son objectif : attendre un gros mouvement étudiant, être interviewé par toutes les chaines info et être repéré par la Parti Socialiste, comme Bruno Julliard en 2006. Le meilleur moyen de rentrer en politique, c'est de s'autoproclamer leader d'un mouvement né à Rennes 2. - Le punk à chien de 40 ans
Il n'est manifestement pas étudiant (ni prof d'ailleurs) mais il a senti que ça contestait dans le quartier, alors il est venu voir. Après quelques 8.6, il proposera la mise en place d'un espace auto-géré sur le campus, un truc basé sur le partage, histoire de bien niquer le système. Et si on pouvait commencer par le dépanner de quelques clopes, ce serait déjà un bon début. - La fille en charge des scrutins à main levée
Boulot plutôt simple : on parle fort dans le micro pour demander aux gens pour la poursuite du mouvement de blocage de l'université de lever la main, on fait semblant de compter, et on annonce que la grève se poursuit sans se soucier du fait qu'il y a pas mal de gens qui ont levé le bras qui n'ont absolument rien à voir avec la fac. En général, on profite de l'enthousiasme général pour voter d'autres trucs, comme l'abandon du projet de Notre-Dame des Landes et la démission de Manuel Valls, ça ne coûte rien. - L'étudiant qui se rappelle qu'il a des examens en juin
La révolution, le grand soir, tout ça, il trouve ça super, mais là, en ce moment, ça ne l'arrange pas, parce qu'il a un Master à valider dans quelques mois. Il pense que chacun est libre de faire grève mais qu'il faut aussi respecter les gens qui veulent bosser. Et surtout, il adorerait pouvoir dire ça plus fort pendant l'AG. - Les militants-paranos
Ils sont là, mais sentent que cette union contestataire est fragile. Ils soupçonnent tous les gens de plus de 22 ans d'être des RG infiltrés, ils accusent les médias de véhiculer des contre-vérités (quand ils ont dit par exemple que la grève a débuté dans une fac voisine, par exemple, les enfoirés!) et craignent plus que tout la récupération politique. Les incidents? Encore un coup de CRS en civils qui ont noyauté les manifs. Classique. - La fille qui assure la trésorerie
Une bonne AG doit compter quelques buvettes improvisées, en général une table avec des tréteaux sur laquelle trône une cafetière. Et là, il y a en général quelqu'un qui vous propose un gobelet plastique et vous demande deux euros "pour soutenir le mouvement". Où va ce fric ? A quoi sert-il ? En tout cas, n'essayez pas de le déduire de votre décalaration d'impôt comme "donation", ça ne marche pas. - Le prof qui vient s'encainailler au coeur de la contestation
Pour lui, c'est tout bénef' : pas de cours, mais il n'y est pour rien, donc il est toujours payé, et les étudiants le voient sur le terrain manifestement aux prises avec les problèmes de la jeunesse. Quand les cours reprendront, on dira de lui "il est trop cool le prof". Bien joué. - Les mecs en charge de la logistique
Ils sont chargés de barricader les salles de cours avec du mobilier, tables, chaises, et assurer qu'aucun casseur de grève n'ouvrira une breche dans ce beau dispositif. Il dispose en dernier recours d'un réserve de chewing gum pour condamner les serrure, même s'il ne souhaite pas en arriver là. Mais parfois, on n'a pas le choix. - Des jongleurs
Y'a toujours des gens en sarouel avec des bolas et des djembés qui s'incrustent dans les Assemblées Générales. C'est apparemment indispensable pour creer une ambiance "alternative" sur un campus, et tout mouvement étudiant crédible doit être accompagné de spécialistes de la jonglerie sentant le tabac à rouler. C'est comme ça. - Des étudiants-touristes, le sourire aux lèvres
Il n'ont pas spécialement de conscience politique, il ne savent même pas pourquoi il y a un grève, mais putain, ils sont HYPER contents de ne pas avoir cours ! Toujours bloqués sur la règle du lycée : "si tout le monde fait grève, ils ne peuvent pas nous noter absents", ces badauds semblent ravis d'être là, ici et maintenant, et pense déjà à l'avenir, quand ils diront à leurs enfants "on y était!"
Et vous, vous aimez les votes à main levée ?
Source : Rennes 2