Être avocat, ce n’est pas marrant marrant. Du moins dans les pays où les droits de l’Homme ne sont pas nécessairement considérés comme des choses qui vont de soit. Parce que pour peu que tu décides de défendre des personnes torturées ou des femmes ou des opposants politiques ou des avocats qui ont eux-mêmes été condamnés pour avoir défendu ce genre de choses, et bah tu te retrouves au mieux en prison, au pire criblé de balles dans la rue.
Nasrin Sotoudeh, avocate des droits des femmes en Iran
Cette avocate, déjà condamnée à 5 ans de prison, a vu sa peine alourdie à 10 ans supplémentaires (sans compter les 148 coups de fouets qui s’y ajoutent) pour « incitation à la débauche ». En réalité, elle a été condamnée à 33 ans de prison pour 7 chefs d’accusation, mais la loi iranienne ne cumule pas les peines : seule la plus longue s’applique. Quant aux coups de fouet, ils font office de bonus parce que l’avocate de 55 ans s’est présentée au tribunal sans voile. La raison de tout ça ? Elle avait défendu des femmes qui avaient ôté leur foulard islamique en public. Voilà.
Evidemment, la communauté internationale s’indigne, et à raison.
Wang Quanzhang, avocat des droits de l'Homme en Chine
Reconnu coupable en janvier 2019 de subversion de l’Etat, Wang Quanzhang a été condamné à 5 ans de prison et de déchéance de ses droits civiques (déjà qu’ils sont pas nombreux, les droits civiques, en Chine…). Dans sa carrière, il avait notamment défendu des minorités persécutées et des paysans dont les terres avaient été spoliées par l’Etat. Arrêté en 2015 en même temps que 200 autres avocats et militants des droits humains, il était placé au secret depuis 2016. Fun.
Intigam Aliyev, avocat des droits de l'Homme en Azerbaïdjan
Le mec a pris 7 ans de prison en 2015 après un an de détention provisoire. Mais le pouvoir azerbaïdjanais s’est montré plus malin que ses homologues chinois ou iranien ; il a poursuivi l’avocat sur la base de fausses accusations d’évasion fiscale, de détournement de fonds et d’abus de pouvoir. Aliyev avait porté 200 cas concernant des violations des droits de l’homme en Azerbaïdjan devant la CEDH et en avait gagné un bon dixième. Le plus marrant, c’est que l’avocat de l’avocat est lui aussi harcelé par les autorités désormais.
L'intégralité du barreau engagé de Turquie
En novembre 2011, la Turquie a organisé une bonne petite raflounette d’avocats. 46 d’entre eux ont été détenus arbitrairement pendant 2 ans et demi pour avoir défendu Abdullah Öcalan, à la tête du PT kurde, une organisation considérée comme terroriste par la Turquie, les USA et l’UE. Et ce qui est marrant, c’est que, pour défendre les 46 avocats, et bah il a fallu faire appel à 22 autres avocats, lesquels ont été à leur tour arrêtés en 2013. Deux ans plus tard, en 2015, le bâtonnier de Diyarbakir, une ville à dominante kurde, a tout simplement été abattu. Au total, en Turquie, à la fin de l’année 2017, 570 avocats été incarcérés, 1470 étaient poursuivis et 79 condamnés à plus de 5 ans de prison. En 2018, une centaine d’avocats supplémentaire ont été arrêtés. Erdogan, ça vous gagne.
Eren Keskin, avocat des droits de l'homme en Turquie
Le 30 mars 2018, Eren Keskin, avocate et militante contre les abus sexuels subis par les femmes lors de leurs gardes à vue, a été radiée de la profession par le barreau d’Istanbul, saisi par le pouvoir turc. Elle avait auparavant été poursuivie pour avoir fait paraître des tribunes considérée comme de la propagande terroriste par l’Etat turc.
Najet Laabidi, avocate des droits de l'Homme en Tunisie
Le 11 mai 2017, l’avocate Najet Laabidi a été condamnée à 6 mois d’emprisonnement par le tribunal correctionnel de Tunis pour de prison pour en gros diffamation envers un membre de la fonction publique. Son tort était d’avoir défendu des victimes de torture devant le tribunal militaire de Tunis dans le cadre de l’affaire Barraket Essahel au cours de laquelle 244 militaires ont été arrêtés, torturés et condamnés pour une tentative de putsch dans une procédure entachée par les irrégularités et les pressions du pouvoir alors détenu par Ben Ali.
Felix Nkongho, avocat militant pour la reconnaissance du caractère biculturel du Cameroun
Cet avocat, président d’une association militant pour la reconnaissance du caractère bijuridique et biculturel du Cameroun, a été arrêté en janvier 2017 suite à l’interdiction de son association pour soupçons d’actes de terrorisme, de conspiration contre la patrie et d’autres conneries du genre. Maître Nkongho a longtemps été actif au sein des Nations Unies et a fondé le Centre pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique.
Jiang Tianyong, avocat des droits humains à Pékin
En novembre 2016, Jian Tianyoing disparaît des radars ; en réalité, il vient de se faire arrêter, une information qui ne sera officialisée que 2 mois plus tard par les autorités chinoises qui le soupçonnent d’incitation à la subversion du pouvoir d’Etat. Encore une fois, son crime a été de défendre des opposants persécutés.
Mohammed Abdullah Al-Roken, avocat émirati engagé dans la promotion des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux Emirats arabes unis
Arrêté en 2012 pour avoir défendu les droits des prisonniers politiques aux Emirats arabes unis, Mohammed Abdullah Al-Roken a été condamné à 10 ans de prison à l’issue d’un procès évidemment inéquitable.
Buzurgmehr Yorov, avocat des droits humains au Tadjikistan
En deux ans, de 2013 à 2015, quatre avocats ont été arrêtés de manière arbitraire au Tadjikistan simplement parce qu’ils exerçaient leur profession en défendant des prévenus considérés par le régime comme des dissidents ou des opposants. Parmi eux, on trouve donc Buzurgmehr Yorov, accusé d’avoir pris en charge la défense de cadres d’un parti islamique d’opposition.
Ca me déprime.
Source : Barreau de Paris