Il n’y a pas si longtemps (plus d’un siècle tout de même), quand on évoquait le grand paris, c’était une autre histoire que l’actuelle. Il s’agissait d’annexer à la capitale ses villages et faubourgs qui disposaient de leur identité propre, de leur histoire singulière. Vous me direz, c’est tout à fait ce qu’il risque de se passer aujourd’hui avec la petite couronne, mais l’industrialisation moins avancée à l’époque faisait que les villages de Ménilmontant ou de Charonne qui s’apprêtaient à rejoindre la ville étaient d’une certaine manière moins insérés que ne peuvent l’être nos banlieues actuelles. Et c’est tout un pan d’histoire que l’urbanisation à gogo a en partie fait disparaître.
Montmartre - le plus connu
Allez envoyez les flonflons. Montmartre a été une commune indépendante de la Révolution jusqu’en 1860, quand l’enceinte de Thiers a séparé plus ou moins la commune en deux pour en intégrer une bonne part à Paris (l’autre correspondant à une partie de l’actuelle Saint-Ouen). Situé sur les hauteurs, le village a été pour ainsi dire entièrement détruit lors des grandes rénovations de la fin du XIX° siècle et les petites cahutes ont laissé place à de grandes avenues aux immeubles haussmanniens. Il faut imaginer Montmartre comme une commune presque rurale, avec son moulin (devenu le Moulin rouge mais détruit en réalité entre temps), sa place du Tertre où on trouvait déjà des cafés et ses 35.000 habitants à tout casser au moment de l’annexion. C’est de Montmartre, alors intégrée à Paris depuis peu, qu’est née la Commune de Paris.
Belleville - sur les hauteurs
L’intégralité de la commune de Belleville a été incorporé à Paris en 1860, pour s’intégrer dans les XIX° et XX° arrondissement. Elle se divisait déjà à l’époque en deux villages : Belleville et Ménilmontant, qui ont finalement donné naissance à deux quartiers différents mais similaires en bien des points lors de leur rattachement. Les vieux hameaux de Ménilmontant accueillaient un certain nombre de vignerons qui faisaient du vin avec les moyens du bord alors que l’actuel quartier de Belleville avait une vocation plus justement ouvrière. En 1860, Belleville comptait 70.000 habitants (notamment en raison de l’exode rural et de la demande de main d’oeuvre ouvrière à Paris), ce qui en faisait la deuxième commune de la Seine et la treizième plus grande commune de France. Belleville attirait aussi les noceurs car ses bars et guinguettes proposaient des vins moins chers que Paris. Il est à noter que le quartier est l’un de ceux qui a été le plus touché par la folie travaux des années 70 à Paris. A cette époque, des pans entiers du patrimoine bellevillois ont disparu au profit de grandes tours et de grands axes dégueulasses.
Charonne et son cimetière
La commune de Charonne comportait autrefois deux ensembles principaux : le grand Charonne, lequel correspond plus ou moins au nord-est de l’actuel quartier (rue de Bagnolet, rue Saint-Blaise) et le petit Charonne, plus central, qui longeait l’actuelle rue d’Avron pour aboutir à la place de la Nation. C’est à Charonne que l’on a construit le cimetière du Père-Lachaise pour soulager le territoire parisien. La ville était avant tout prisée pour ses lieux de villégiature et de promenades. On sait que Rousseau y venait plus souvent qu’à son tour et profitait du calme de ses grands espaces. Contrairement à Belleville, la commune était petite et ne comptait que 12.000 habitants lors de son rattachement intra-muros.
Auteuil et la Révolution industrielle
Le village d’Auteuil correspond à une bonne partie de l’actuel XVI° arrondissement, même si une partie de son emplacement d’antan a été réattribué à Boulogne. Auteuil intégrait jusqu’alors le quartier de Billancourt, qui a été l’un des centre névralgiques de la Révolution industrielle dès ses premiers frémissements. C’est également sur le territoire de la commune qu’a été construit le tout premier pont suspendu au monde, entre la ville et l’île Seguin. Rapidement, la plaine s’enrichit : les riches parisiens y construisent de belles baraques, on vient y goûter des eaux thermales et le comte de Monte-Cristo himself s’y réfugie dans le roman de Dumas. Bref, ça n’a pas beaucoup changé.
Voir Passy et mourir
Autre grand quartier de l’actuel XVI°, Passy a, comme les autres villages cités jusqu’alors, été intégré à Paris en 1860. Il correspondait à un territoire important allant en gros des Ternes à la Muette en passant par la Porte Dauphine. C’était un territoire assez florissant et très calme malgré une forte implantation de manufactures. Nombre de personnalités avaient établi leur maison à Passy (Balzac, Rossini, Pissaro) et on devait s’y emmerder un peu. Là encore, l’ambiance n’a pas tellement changé.
Vaugirard
Des petites maisons avec jardins, des séminaires et des églises en-veux-tu-en-voilà, des petits châteaux… On se la coulait douce à Vaugirard. Je n’ai pas grand’chose à dire sur Vaugirard. Il faut dire qu’il n’y a pas grand’chose à dire sur Vaugirard. Même aujourd’hui, je veux dire, qu’est-ce que vous voulez dire sur Vaugirard ? Je pose la question. Je la pose. Je pose la question.
Grenelle, les marais
Créée en 1830 suite à une scission avec le village de Vaugirard, la commune de Grenelle partait des Invalides pour aboutir aux marais de Javel. Il était quasiment impossible d’y faire pousser quoi que ce soit, ce qui explique le peu de population qui s’y massait. C’est marrant de savoir que la scission est née d’un désaccord quant à l’installation d’éclairage public par les autorités de Vaugirard. Bref. En tous les cas, Grenelle était une sorte de morne plaine délabrée jusqu’à ce que des travaux de réhabilitation donnent naissance au quartier du beau Grenelle, devenu aujourd’hui le pire centre commercial du monde.
La Villette, place forte industrielle
Ancienne « Villette aux pauvres », le village appartenait autrefois à des moines et accueillait des malades. C’est à compter du XVIII° qu’il prend de l’importance : plusieurs bourgeois parisiens s’y construisent des maisons de campagne et, au XIX°, la construction du canal dynamise la bourgade essentiellement agricole. La Villette devient un chemin fluvial essentiel à l’approvisionnement parisien, raison d’ailleurs pour laquelle les abattoirs s’établiront en premier lieu à la Villette. La Villette devient une place forte industrielle et compte plus de 30.000 habitants lors de son intégration à Paris.
Bercy, rien à voir avec Bercy Village
Bercy est le berceau de la présence romaine sur le territoire actuel de Paris, mais son nom n’a rien à voir avec cette affaire puisqu’il s’agit d’un dérivé étymologique de « bergerie ». Au Moyen-âge et pendant la Renaissance, le village accueille des nobles et des bourgeois qui s’y font construire des maisons. La proximité de la Seine attire. Cette même Seine, et l’installation du mur des Fermiers généraux imposant une barrière d’octroi aux portes de Paris, va changer la destinée du village. Les tonneaux acheminés par vois fluviale sont débarqués sur le quai de la Râpée pour éviter de payer le péage et, assez rapidement, Bercy devient le principal port de Paris et de nombreux entrepôts de vin commencent à pulluler.
La Chapelle
Situé entre les deux collines de Montmartre et de Belleville, le village de La Chapelle était le lieu de passage des armées royales quand elles s’en allaient guerroyer. Il fallait y passer pour sortir de Paris vers le Nord. Autour de cette route principale, on retrouvait essentiellement des champs et des moulins qui alimentaient Paris en denrées premières et en vin (les vignerons de la Goutte d’Or y étaient pour beaucoup). Jusqu’à la Révolution, le village dépendait de l’abbaye de Saint-Denis. Les guinguettes y étaient nombreuses et très prisées des soldats et Parisiens en goguette. Après l’annexion du village, la Révolution industrielle, et notamment la construction des lignes menant à la Gare du Nord, ont complètement bouleversé l’organisation de la Chapelle qui n’a plus rien à voir aujourd’hui avec ce qu’elle était autrefois.
C’était le bon temps. .
Sources : Monsieurmadame, Wikipédia