Souvent accompagnés par un lot de fantasmes, les services de sécurité des différents pays sont souvent le centre d’intrigues de diverses oeuvres de fictions. En France, la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), aussi souvent appelée la Sécurité Intérieure (SI), est en charge d’effectuer et de centraliser les recherches des renseignements sur la sécurité nationale et les intérêts de la nation. Les opérations ne sont que rarement rendues publiques afin de ne pas exposer certaines méthodes de travail et d’infiltration mais on connait quelques-unes de ces affaires et il est intéressant d’y jeter un œil afin d’y voir un peu plus clair sur son fonctionnement.
L'attentat déjoué par l'infiltré "Ulysse"
Le « cyber-patrouilleur » au nom de code « Ulysse » a déjoué en décembre 2016 au moins un attentat de l’État Islamique qui visait un lieu symbolique parisien (les Champs-Élysées, le siège de la DGSI ou le 36 quai des orfèvres auraient été des cibles potentielles). C’est trois hommes qui ont été arrêtés à l’époque et dont le procès commençait en ce début du mois de février 2021. C’est sur l’application Telegram qu’Ulysse se fait passer pour un contact susceptible de trouver des armes aux trois hommes. Les acheteurs le préviennent alors qu’il pourra trouver l’argent en liquide caché dans la fente d’une tombe du cimetière Montparnasse mais la police ne parvient pas à identifier la personne qui dépose l’argent. Les armes démilitarisées sont alors cachées dans une forêt de la région parisienne et la DGSI attend patiemment l’arrivée des acheteurs. Ensuite un membre de l’EI contacte directement de Syrie trois personnes pouvant organiser l’attentat que la police identifie et arrête, trouvant sur une clé USB cryptée cachée chez l’un d’entre eux les coordonnées GPS des armes transmises par Ulysse. Une entreprise qui demande de la patience mais finit par payer.
L'attentat déjoué contre Emmanuel Macron
C’est en 2018 que le groupuscule proche de l’ultradroite « les Barjols » avait été soupçonné de préparer une opération visant Emmanuel Macron. Quatre personnes ont été interpellées le 20 janvier 2021 et leurs domiciles fouillés, dans lesquels on a trouvé un nombre important d’armes dont la plupart étaient détenues légalement. L’enquête devra montrer s’ils sont en lien avec ceux qui avaient alors prévu de s’attaquer au président en 2018 dans « un projet, imprécis et mal défini à ce stade, d’action violente contre le président ». Pour rappel, près de six personnes avaient été soupçonnées à l’époque avec des profils qualifiés de proches de l’ultradroite, « carrément nazi » et « survivalistes » par des sources proches.
La mère de famille qui allait partir en Syrie
Une mère de famille de 30 ans a été interpellée par la DGSI en Isère alors qu’elle était soupçonnée de partir pour la Syrie et est visée par une enquête du parquet antiterroriste. Lors de la même opération, les enquêteurs de la DGSI ont également arrêté un homme d’une trentaine d’années pour possession d’arme. Bien que la Kalachnikov retrouvée chez lui soit factice, de nombreuses munitions (réelles) ont été saisies. Il a par ailleurs expliqué qu’il louait la fausse arme pour des clips de raps. Assez louche quand même.
L'affaire "Haurus"
Lors d’un contrôle banal sur le darknet, des enquêteurs le l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière découvrent un internaute du nom d’Haurus qui vend sur plusieurs forums des informations confidentielles (factures téléphoniques, données GPS, doublons de permis de conduire et de pièces d’identité..) ainsi que des RIB, des faux chèques, des cartes de crédit gold… Des choses de natures assez intrigantes qui révèlent qu’il s’agirait soit d’un hacker ayant réussi à infiltrer la DGSI, soit l’un de ses employés (et les deux possibilités ne sont pas rassurantes). C’est finalement la deuxième supposition qui est vraie car les enquêteurs trouvent finalement son identité et il s’agit d’un agent de la DGSI. L’homme qui a été mis en examen en 2018 après la découverte de son trafic a cependant été remis en liberté après son jugement. Il ne travaille plus pour la DGSI aujourd’hui.
L'affaire de la clé USB avec l'identité des agents de la DCRI
C’est en avril 2017 qu’une jeune femme fichée S est entendue par des enquêteurs qui décident de creuser son interrogatoire. Elle leur confie avoir hébergé et aidé une amie également fichée S en 2016 qui était privée de son passeport après avoir tenté de rejoindre la Syrie à deux reprises. En allant perquisitionner le domicile de la jeune femme, ils trouvent sur son ordinateur plusieurs discussions sous pseudonymes au cours desquelles elle échange avec des djihadistes. Mais leur véritable découverte est une clé USB sur laquelle se trouve des documents de police et l’identité de 2626 agents des services de renseignement. La liste datait de 2008 et comportait des informations comme le nom, les affectations et le matricule des différents agents. Malgré la sensibilité de ces données, elles étaient partagées pour toutes les personnes des administrations concernées et des syndicats. En remontant le fil on a réalisé que la jeune femme hébergée était la fille d’une agent de police et qu’elle aurait pu récupérer ces données en lui volant la clé USB (selon plusieurs sources des renseignements). Une fuite de données assez dramatique qui démontre une perméabilité des informations potentiellement dangereuse.
L'affaire de la convocation des journalistes
Il ne s’agit pas d’une affaire déjouée, mais le sujet a fait du bruit suite à la convocation par la DGSI de la journaliste Ariane Chemin qui avait révélé l’affaire Benalla ou la journaliste de Quotidien Valentine Oberti qui travaillait sur un sujet de ventes d’armes. Au total près de huit journalistes ont été entendus pour diverses affaires liées à une consultation de documents classifiés. L’affaire remettait en question la « liberté d’informer » et avait fait réagir de nombreux journalistes se défendant en disant « le secret-défense ne saurait être opposé au droit à l’information, indispensable à un débat public digne de ce nom, ni servir d’épée de Damoclès pour dissuader les journalistes d’enquêter ». Le syndicat national des journalistes s’inquiétait d’ailleurs à l’époque : « La DGSI va-t-elle se mettre à convoquer tous les journalistes qui révèlent des informations qui ne plaisent pas au pouvoir en place ? » Une question que le gouvernement avait rapidement balayé par le biais de sa porte-parole de l’époque, Sibeth Ndiaye : « nul justiciable en France n’est en dehors de la loi », faisant référence à la consultation de documents dits « secrets-défense ».
L'affaire de l'ancien militaire d'extrême droite
En 2020 un homme a été interpellé après s’être répandu sur les réseaux sociaux en glorifiant les tueries de masses. Âgé de 36 ans, l’ancien militaire qui ne se cachait pas d’être antisémite a été placé en garde à vue par les agents de la DGSI car il était soupçonné de préparer un attentat contre une mosquée. L’homme en question était un admirateur du terroriste australien d’extrême droite qui avait tué une cinquantaine de personnes dans des mosquées de Nouvelle-Zélande. Les agents ont retrouvé dans le domicile de cette personne adepte de la théorie du « grand remplacement » des explosifs artisanaux et des armes blanches. Le but de l’arrestation était bien de déterminer s’il était capable de passer à l’acte au travers d’une garde à vue et d’interrogatoires préventifs.
L'infiltration de la mosquée de Torcy
Le journaliste Alex Jordanov, a qui on doit le livre « Les guerres de l’ombre de la DGSI », a travaillé en collaboration avec plusieurs agents pour recueillir leurs témoignages sur différentes affaires. Il y raconte notamment l’infiltration de la mosquée de Torcy par un des agents, appelé Yanis et qu’il décrit comme ceci : « Ils sont un certain nombre d’agents comme Yanis, un cercle fermé de spécialistes de l’islam, a avoir prié dans à peu près tout ce que la France compte de mosquées qualifiées de salafistes par le gouvernement, c’est-à-dire plus d’une centaine ». Grâce à cette infiltration, la cellule d’enquête avait découvert une réserve d’arme dans un immeuble de quartier dans lequel étaient stockées des kalashs, des bombes cocotte-minute, des armes de poings… À l’intérieur de la mosquée, l’infiltré décrit la présence d’un brouilleur, l’empêchant de communiquer avec les autres membres de l’opération une fois entré ainsi que certaines personnes qui « prient tout en étant armées ». L’enquête s’était d’ailleurs terminée par la reconduction à la frontière de l’imam de la mosquée de Torcy dont on avait découvert la radicalisation.
Un sujet qui peut être vraiment intéressant bien qu’assez secret. Si vous voulez rester dans le thème, vous pouvez aller voir les policiers les plus sympas du confinement et les meilleurs tweets sur la police, y’a des belles perles là dedans.