Les violences policières, aussi appelées « brutalités policières », sont définies par Amnesty International comme désignant « les diverses violations des droits humains imputables à la police. Il peut s’agir notamment de coups, d’injures racistes, d’homicides, d’actes de torture ou du recours aveugle aux forces antiémeute lors de manifestation. » Nous en parlerons au point 10, mais la France est actuellement secouée par l’Affaire de Nahel, un jeune homme de 17 ans tué par un policier il y a quelques jours, à Nanterre. Ce drame marque la France, tout comme ces autres violences policières dramatiques l’ont marqué aussi.
Malika, 8 ans, tuée par des gendarmes en 1973
Le 24 juin 1973, Malika Yezid joue dehors, dans la Cité des Groux à Fresnes. Des gendarmes arrivent et interrogent les habitants : ils cherchent le frère de Malika, accusé de vol. Elle prend peur, et décide de rentrer alerter son frère. Les gendarmes la suivent. Elle arrive à prévenir l’accusé, qui s’enfuit aussitôt. Les gendarmes n’arrivent pas à le rattraper.
Furieux, ils regagnent l’appartement de la jeune fille. L’un d’eux l’enferme dans une chambre pour « l’interroger ». Il la frappe. Elle hurle. Il continue. Elle s’évanouit. Ils la laissent sur le sol, saccagent l’appartement, et s’en vont. Malika décède à l’hôpital 4 jours après, des suites d’un traumatisme crânien résultant de ces coups. Elle n’avait que 8 ans. Malgré les preuves, la justice prononcera un non-lieu.
Cette histoire horrible n’est malheureusement qu’une parmi bien d’autres cette année-là. Dans la droite lignée de la colonisation de l’Algérie, la police française sème la terreur auprès des habitants d’origine algérienne. Les ratonnades racistes sont régulières, l’année 1973 est particulièrement meurtrière. Quelques années plus tôt, en 1961, plusieurs dizaines de manifestants algériens pacifistes, demandant simplement leur indépendance, ont été tués par la répression policière.
Lahouri Ben Mohamed dit "Houari", 17 ans, tué en 1980 par un CRS
Le 18 octobre de cette année-là, Lahouri est en voiture, dans les rues de Marseille avec son frère et deux autres personnes. Un CRS, un banal contrôle de routine, et puis… Deux balles dans la tête. Sans raison. Quelques minutes avant, l’homme en uniforme avait déclaré « Attention les jeunes, je ne sais pas si c’est le froid, mais ce soir, j’ai la gâchette facile. ». Le criminel n’est jugé que 7 ans plus tard. Sa peine, pour un homicide volontaire ? 10 mois de prison, dont 4 avec sursis.
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Malik Oussekine, 22 ans, tabassé à mort par un policier en 1986
Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, une manifestation se tient contre un projet de réforme des universités. Les « voltigeurs », des policiers à moto, sont chargés de disperser la foule par la force. Malik était un étudiant français, d’origine algérienne. Ce soir-là, il a été victime de la brutalité de ces « gardiens de la paix » (un drôle de nom pour des gens qui tabassent). Pourtant, il n’avait rien à voir avec le mouvement : il sortait simplement d’un concert de Jazz. Au mauvais endroit, au mauvais moment : il se retrouve face à des policiers armés de bâtons. Ils le poursuivent. Il essaie de se réfugier dans le hall d’un immeuble de la rue Monsieur-le-Prince à Paris. Il y sera battu à mort. Les policiers écopent de cinq et deux ans de prison avec sursis. En d’autres termes : ils ne mettent jamais les pieds dans un centre pénitencier. En 2022, une série retraçant l’histoire de Malik est sortie. Elle s’appelle « Oussekine », et vous pouvez la regarder pour mieux connaitre son histoire.
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L'"Affaire Selmouni contre France", qualifiée "d'acte de torture" par la Cour européenne des droits de l'homme, 1991
Ahmed Selmouni est arrêté et placé en garde à vue le 25 novembre 1991 à 20h30, dans le service départemental de la police judiciaire de Bobigny, pour une affaire de trafic de stupéfiants. Il en ressort 4 jours plus tard, le 29 novembre, à 19h. Il affirme alors avoir été frappé, agressé sexuellement et violé, par des policiers du commissariat.
Le témoignage est difficile à soutenir : il aurait reçu des « coups de poing, de pied, de matraque, de batte de base-ball», aurait été « tiré par les cheveux, obligé de courir dans un couloir le long duquel des policiers se plaçaient pour le faire trébucher », aurait été contraint de faire une fellation à un policier avant que ce dernier ne lui urine dessus, puis l’un d’entre eux le « viole avec une petite matraque » après l’avoir menacé avec une seringue et un chalumeau.
Ahmed écope de treize ans de prison pour trafic de stupéfiants. Ces agresseurs s’en sortent avec des condamnations de 2 à 4 ans de prison ferme, ensuite réduite par la cour d’appel de Versailles à seulement 12 à 15 mois avec sursis.
8 ans plus tard, le 28 juillet 1999, par l’arrêt « Selmouni contre France », la Cour européenne des droits de l’homme considère que la France a violé : l’article 3 et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, et retient la qualification d’acte de torture.
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Habib Ould Mohamed, 17 ans, abattu puis laissé pour mort par la police en 1998
Ses amis le surnommaient « Pipo ». Dans la nuit du 12 au 13 décembre 1998, vers 3h30 du matin, Habib essaie de voler une voiture sur le boulevard Déodat-de-Séverac, à Toulouse. La police essaie de l’arrêter. Il tente de s’évader au volant de la voiture. Les policiers ouvrent le feu. Ils tirent à plusieurs reprises. Puis le brigadier Henri Bois ouvre la porte du conducteur. Il le saisit, et lui tire une balle dans l’abdomen. Habib arrive à s’échapper et fait quelques mètres. La brigade rentre au poste, et ne dit pas à son supérieur qu’ils ont ouvert le feu. Touché aux poumons, et faute de secours, il meurt, étendu sur un trottoir, d’une hémorragie interne. Ce drame débouchera sur 9 jours d’émeutes d’une rare violence. Le brigadier, lui, sera jugé pour homicide volontaire, et écopera de 3 ans de prison avec sursis. C’est tout.
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Abdelhakim Ajimi, 22 ans, étouffé par des policiers en 2008
Le 9 mai 2008, à 14h45, Abdelhakim Ajimi est interpellé par une dizaine de policiers suite à une altercation avec son banquier. Il est menotté, aux pieds et aux mains. Normalement, c’est suffisant pour que la personne soit incapable de présenter quelconque menace pour les policiers. Pourtant, il est maintenu par terre, face contre le sol, étranglé, pendant de longues minutes par les agents. Pendant qu’un policier lui fait une clé de bras, un autre s’agenouille sur son dos. Il gémit qu’il étouffe, mais rien ne change.
Il est relevé, traîné par les pieds jusqu’à la police secours, alors qu’il semble déjà inconscient, d’après les témoins. Il meurt avant son arrivée au commissariat, sans même que les policiers ne s’en rendent compte. Les rapports d’expertise médicale concluent que sa mort est liée à une lente asphyxie mécanique, suite à une compression thoracique et une clé d’étranglement au cou. 5 plus tard, les trois agents sont reconnus définitivement coupables d’homicide involontaire par la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Ils écopent de peine de prison avec sursis, sans même être révoqués de la police.
Un drame qui nous en rappelle malheureusement un autre outre-Atlantique : le meurtre de George Floyd par des policiers américains.
Rémi Fraisse, 21 ans, tué par un tir de grenade en 2014
Rémi était botaniste. Dans la nuit du 25 au 26 octobre, il manifeste contre le projet de barrage de Sivens, dans le Tarn. Des affrontements violents explosent entre les militants et les forces de l’ordre. Vers 2h du matin, le corps sans vie du jeune homme est retrouvé : il est tué par l’explosion d’une grenade offensive tirée par un gendarme. Pourtant, en 2014, une enquête administrative écarte toute faute professionnelle des gendarmes, jugeant que les gendarmes n’ont pas enfreint la loi. Un non-lieu en faveur du gendarme auteur du tir de grenade est confirmé en appel par la Cour de cassation en 2021. En novembre de la même année, le tribunal administratif de Toulouse a tout de même reconnu « la responsabilité sans faute de l’État pour le décès de Rémi Fraisse ».
Amadou Koumé, 33 ans, mort après une arrestation violente en 2015
Le 5 mars 2015, il est dans un bar, proche de la Gare du Nord, à Paris, et souffre de troubles psychiques importants. Il est en proie à une crise de démence, et les policiers sont appelés pour le maîtriser. Ils appellent un policier de la BAC en renfort. Ce dernier pratique 2 clés d’étranglement sur Amadou, avant de le maintenir au sol, menotté. Un autre policier appuie son genou sur ses lombaires et sur son bras. Il succombe quelques minutes après. L’expertise médicale affirme qu’il est mort d’une « asphyxie mécanique lente », due à un « traumatisme cervical et laryngé » entraîné par la clé d’étranglement et par son immobilisation prolongée au sol. Les trois policiers ont été condamnés à 15 mois d’emprisonnement avec sursis.
Cédric Chouviat, 42 ans, meurt suite aux blessures causées par son interpellation en 2020
Cédric Chouviat était un livreur en scooter. Le vendredi 3 janvier 2020, il est interpellé lors d’un contrôle policier, sur le quai Branly, dans le 7e arrondissement de Paris, parce qu’il téléphone en conduisant. L’interpellation dégénère, Cédric essaie de filmer la scène, les policiers s’agacent, et le père de famille est plaqué au sol, avec son casque sur la tête. Il est maintenu au sol ainsi, et subit une clé d’étranglement. Il est conduit à l’hôpital, et y décède 48h plus tard des suites d’une fracture du larynx et d’un arrêt cardiaque. Alors que les policiers réfutent avoir entendu ces gémissements, la vidéo capturée par Cédric ce matin là sort deux ans après les faits. On l’entend répéter clairement « J’étouffe » à 9 reprises.
Nahel, 17 ans, tué par balle par un policier après un refus d'obtempérer
Le 27 juin 2023, Nahel est au volant d’une Mercedes. Il roule à vive allure à Nanterre, et des policiers en moto lui demandent de s’arrêter. Il poursuit sa route. Les policiers mettent pied à terre, se positionnent à hauteur du conducteur, et pointent leurs armes dans sa direction. Nahel repart. Un des policiers tire. Il reçoit la balle dans la poitrine, et décède. Pour se défendre, les forces de l’ordre déclarent que l’adolescent leur avait foncé dessus. Des dizaines de vidéos sortent : elles démentent largement la version avancée par la police. Depuis le 27 juin, des émeutes d’une rare violence explosent partout en France.