On sait que le cinéma n’est pas une grande famille, un monde où tout est beau et tout le monde est ami. Ça on le sait. Ce qu’on sait moins c’est que parfois des acteurs et des actrices ont carrément mis leur vie en danger pour un rôle : c’est même presque une tradition dans les films qui ont marqué l’histoire de 7eme art. Et attention on ne parle pas de mise en danger en promo parce qu’il n’y a plus de champagne mais bien d’acteurs qui se sont sacrifiés sur un plateau, ou qui ont subi des sales coups de la part de la production : qu’est-ce qu’on ferait pas pour décrocher un César ou un Oscar hein ?
Martin Sheen dans "Apocalypse Now" (1979)
Enfermé dans sa chambre d’hôtel avec des caissons d’alcool pour se mettre pleinement dans la peau de son personnage, le père de Charlie-la-déglingue fait tellement bien qu’il détruit littéralement la vitre de son miroir (Coppola souhaite interrompre le tournage, ce que l’acteur refuse). Mais surtout, il est victime d’une grave attaque cardiaque en plein tournage, en même temps que toute l’équipe contracte la malaria, la dysenterie ou la pneumonie. Ne souhaitant pas laisser Francis Ford dans la mouise, l’acteur limite au minimum son repos (un mois) pour revenir sur le plateau (le bourbier plutôt), et n’accepte une véritable guérison qu’une fois le film tourné. Ça valait bien une petite Palme d’or à Cannes toutes ces tuiles. Et encore, il reste pas mal de trucs de fous qui se sont passés sur le tournage d’Apocalypse Now à voir.
Natalie Wood dans "The Green Promise" (1949)
Une histoire bien connue des cinéphiles : pour les besoins du film de William Russell, la pré-ado doit traverser un pont de fortune sous une pluie diluvienne. Toute l’équipe sait que le pont a été conçu pour s’effondrer à mi-chemin, à l’exception de la principale intéressée. Après une violente chute, Natalie se pète le poignet, et l’enfant-star ne peut même pas protester : sa cruelle mère lui a interdit de parler, de peur que l’histoire ne fasse du bruit et que le réalisateur ne la renvoie. Des accents (déjà) bien tragiques pour l’actrice, qui sera retrouvée noyée sur la Côté Californienne en 1981, dans des circonstances encore bien troubles aujourd’hui…
Patrick Dewaere dans "Série Noire" (1979)
Patrick Dewaere était connu pour ne pas lésiner sur la drogue et la bouteille, ce qui ne l’empêchait pas d’être un grand professionnel sur les plateaux. En pleine déprime pendant le tournage du chef d’oeuvre d’Alain Corneau, l’acteur s’est laissé aller, pour l’un de ses plus beaux rôles, à littéralement s’exploser la tête contre le capot de sa voiture dans une scène mémorable. Le tout sans protection ni doublure, évidemment. On se demande bien quel acteur pourrait rééditer la chose aujourd’hui, à l’heure où la moindre petite starlette de pacotille dispose d’une loge douze fois trop grande pour elle sur n’importe quel plateau… Intense jusqu’au bout
Charles Vanel dans "Le salaire de la peur" (1953)
A vrai dire, c’est toute l’équipe qui a dégusté sur le tournage du formidable road-movie de Clouzot. Pour la fameuse scène du demi-tour sur la plateforme, le réalisateur choisit de filmer la séquence sur un vrai pont : l’assistant en charge de conduire le camion ne s’arrête qu’à 35 cm du précipice, et les planches cèdent véritablement sous le poids du véhicule. Outre la vraie nitroglycérine qui fait exploser le rocher, et qui passe pas loin d’éclabousser toute l’équipe de débris, le réalisateur fait subir d’autres calvaires à ses comédiens : pour la scène finale du puits à incendie (une flamme qui monte à hauteur de 50 mètres et qui inquiète tous les pompiers de la région), seul Charles Vanel, à l’inverse de tous les figurants, accepte de s’approcher de la fournaise. Et encore, on vous passe les moments où Clouzot lui a fait prendre des bains de mazout… De quoi justifier la place du film dans les films français les mieux notés sur IMDB.
Margaret Hamilton, alias la méchante sorcière du "Magicien d'OZ" (1939)
Le drame se produit lors d’une explosion qui doit normalement voir la méchante sorcière de l’Ouest disparaitre sous un épais nuage de fumée. Mais le maquillage de l’actrice, fait à base de pétrole, va très mal réagir à l’implosion. Résultat : brûlures au 3e degré sur les bras, au 2e degré sur le visage, conjuguées à une hospitalisation et six semaines d’arrêt de travail. Le bilan est lourd, certes, mais en même temps, ça reste l’un des films les plus vus de toute l’histoire du cinéma américain, alors on comprend que l’actrice n’ait jamais attaqué les studios (sympa la Margaret).
Isabelle Adjani dans "Possession" (1981)
A la fois un grand film sur l’enfer de la vie conjugale et une parabole limpide sur l’enfer monstrueux du communisme, « Possession » vaudra une double récompense de prestige à Isabelle Adjani (prix d’interprétation à Cannes + César de la meilleure actrice). Pourtant, cette prestation reste l’un de ses pires cauchemars, un rôle qu’elle dit aujourd’hui regretter : comme son personnage saisi par la transe, l’actrice goûte elle aussi aux « joies » de la folie sur le plateau (on se demande même si elle n’a pas vraiment copulé avec la bête). D’ailleurs, on ne la reverra – hélas – jamais aussi convaincante dans la suite de sa longue carrière.
Eli Wallach dans "Le Bon, la brute et le truand" (1968)
Petit rappel: pour se défaire du cadavre de caporal auquel il est menotté, Tuco place le corps sur les rails, afin que le train coupe la chaine au passage. Seulement voilà : personne dans l’équipe du film ne semble remarquer que des petites strates métalliques ressortent des wagons du train. En d’autres termes, si Eli Wallach, non alerté, avait redressé la tête de 30 petits centimètres lors du tournage de la séquence, il aurait probablement fini décapité. Et le chef d’oeuvre de Leone ne serait jamais advenu, à part peut être dans les manuels recensant les tournages catastrophes de l’histoire ou les films inachevés. On n’est pas passé loin du drame.
Ellen Burstyn dans "L'exorciste" (1971)
Jeune tête brulée du Nouvel Hollywood, Billy Friedkin a toujours montré un perfectionnisme proche de la déraison, qui le mènera d’ailleurs au calvaire dominicain de Sorcerer (1977), son terrible échec public. Plus tôt dans sa carrière, pour L’exorciste, « Hurricane Billy » fait déjà preuve d’une très grande mégalomanie, et se fiche bien de l’état de santé de ses acteurs. Impuissante face à sa fille possédée (Linda Blair), Ellen Burstyn est violemment projetée en arrière à l’aide d’un harnais attaché à sa taille pour les besoins d’une scène, et la comédienne se cogne violemment le coccyx à sa réception sur le parquet. L’actrice tentera en vain de faire supprimer la séquence (elle n’obtiendra jamais gain de cause), mais surtout, elle se plaint encore aujourd’hui de la douleur causée par la perfidie du bonhomme. On comprend mieux pourquoi ces deux là – deux immenses talents du cinéma américain – n’ont plus jamais tourné ensemble…
Véra Clouzot dans "Les diaboliques" (1955)
Etre la femme du cinéaste n’est pas forcément la garantie d’un traitement de faveur sur un plateau. Dans le cas d’Henri-Georges Clouzot, c’est même carrément l’inverse : souffrant déjà d’une grave insuffisance cardiaque en 1955, l’actrice d’origine brésilienne va subir tous les caprices de son démiurge de mari sur le tournage du film culte (ce qui veut par exemple dire rejouer 57 fois la même scène). Victime de nombreuses pertes de connaissance sur le plateau, plongée dans un état physique et psychique alarmant, la pauvre Véra succombera bel et bien d’une crise cardiaque cinq ans plus tard, à presque 47 ans. Les histoires d’amour finissent mal en général.
Denis Lavant dans "Les Amants du Pont-Neuf" (1991)
Probablement le tournage le plus galère de l’histoire du cinéma français, et pas que pour Juliette Binoche, l’ex-compagne du réalisateur qui en a elle aussi bavé : en réparant une semelle de chaussure, Denis Lavant se sectionne accidentellement le pouce, ce qui entraine une interruption du tournage durant un mois (on filme malgré tout quelques scènes « statiques » pendant cette pause). Avec des galères comme celle-ci (dépassements de budgets, reconstitution pharaoniques de Paris…), on comprend facilement pourquoi Leos Carax est aussi discret depuis plus de 25 ans. Et pourquoi plus aucun producteur français ne daigne lui confier un budget digne de ce nom.
Janet Leigh dans "Psychose" (1960)
Jouer avec le maitre du suspens peut s’avérer douloureux et Janet Leigh en a fait les frais sur le tournage de Psychose. Et c’est évidemment la fameuse scène de la douche qui a marqué à vie l’actrice, obligée de rejouer un nombre important de fois la scène pour que ce bon vieil Hitchcock obtienne ce qu’il souhaitait. Le résultat ? Leigh a développé une phobie des douches et a préféré prendre des bains avec les rideaux de douche ouverts pour une grande partie du reste de sa vie, évidemment avec fenêtres et portes verrouillées.
Isla Fisher dans "Insaisissables" (2013)
C’est lors du tournage d’une séquence mettant en scène le fameux tour de la femme dans le caisson d’eau qu’Isla Fisher a frôlé la mort. De base le tour est dangereux puisque la personne a les mains enchaînées et tente de se libérer avant de se noyer (un poil sadique quand même). La chaîne s’était alors bloquée et la pauvre femme avait été sauvée in extremis par un coordinateur de cascades qui était le seul sur le plateau à réaliser que l’actrice s’agitait quand même un peu trop sous l’eau, genre en essayant de tirer la chaîne à sa base pour se libérer.
Viggo Mortensen dans "Le seigneur des anneaux : les deux tours" (2002)
Puisqu’on est là tranquillement à parler de noyade, c’est le brave Viggo qui a également failli connaitre un funeste destin similaire. L’idée de la scène était qu’Aragorn devait tomber en avant dans une rivière après avoir pris une flèche dans le dos. Jusqu’ici pas vraiment de soucis sauf qu’on avait pas forcément mesuré qu’avec le courant de la rivière et son armure cela pourrait être difficile pour l’acteur de se relever. Et c’est arrivé. Heureusement le bonhomme a été secouru, le film est toujours aussi génial et Aragorn est toujours l’un des meilleurs personnages du seigneur des anneaux.
Malcolm McDowell dans "Orange mécanique" (1971)
Éternel classique de Kubrick, « Orange mécanique » a été le centre de bien des débats depuis sa réalisation. Sa violence visuelle et son propos restent imprégnés dans la rétine de ses spectateurs pendant longtemps, ce qui me donne une transition toute faite sur le fait que l’acteur Malcolm McDowell avait failli perdre la vue suite au tournage. La cause était le nombre de séquences tournées ou le personnage d’Alex se trouvait avec les yeux écarquillés par une machine lui obligeant à voir certaines images. Le truc avait bien entaillé la cornée de l’acteur qui avait alors souffert d’une perte passagère de la vue. Bon après Kubrick n’était pas réputé pour être un tendre sur les tournages. Ce qui n’excuse rien, effectivement.
Johnny Depp dans "Las Vegas Parano"
Le film complètement déjanté du non moins déjanté Terry Gilliam avait coûté à Johnny Depp pas mal d’énergie. Afin de se mettre au mieux dans le rôle du personnage de Hunter S. Thompson, Depp était tout simplement allé s’installer chez lui pendant plusieurs mois. Une bonne idée sur le papier, beaucoup moins bonne dans les faits puisqu’entre le rythme de vie complètement décalé de Thompson et sa consommation de drogues effarantes, Depp a été obligé de se faire une grosse cure de désintoxication après le tournage. De là à dire que ça va trop loin, à vous de voir, mais sans ça on aurait pas pu avoir les meilleures répliques de Las Vegas Parano, ça aurait été con.
Et vous sinon, ça va? la forme ?
Sources : Allociné, Télérama, Blossom, CheatSheet.