Si, à l’école, l’année se divise en quatre trimestres, à la maison il y a deux périodes scolaires : la semaine de rentrée, puis toutes les autres. Quelques indices pour savoir si vous êtes dans l’une ou l’autre.
Le réveil
La semaine de la rentrée : vous glissez un visage attendri dans la chambre du petit. Il a déjà les yeux ouverts, et s’étire tel un petit chat trop mignon. Vous l’embrassez et lui murmurez des mots doux (vous avez eu le temps de vous laver les dents), puis vous allez ouvrir les volets ensemble pour dire bonjour au soleil. C’est votre nouveau petit rituel du matin.
Toutes les autres semaines : vous vous réveillez encore en hurlant « bordelàqueue », parce que vous n’avez pas entendu votre réveil et que vous êtes déjà à la bourre. L’enfant se lève en pleurant parce qu’il va être en retard. Et en plus, à force, il croit que Bordelàqueue c’est son prénom. Bref, c’est encore une belle journée qui s’annonce.
Le petit-déjeuner
La semaine de la rentrée : il y a des œufs brouillés (pour les protéines), du jus d’oranges pressées (pour les vitamines), et des flocons d’avoine (pour les bobos). Vous mangez tranquillement en vous racontant vos rêves, vous riez beaucoup, surtout quand vous racontez que vous avez rêvé que vous parcouriez le ciel à bord d’une coquille de noix bio.
Toutes les autres semaines : il n’a pas faim, le temps que vous réussissiez à le convaincre d’avaler trois céréales votre café est froid, vous n’avez pas le temps de parler et ça tombe bien, cette nuit vous avez rêvé que vous étiez poursuivie par des pénis-criteriums qui se rétractaient quand on appuyait sur la gomme.
L'arrivée à l'école
La semaine de la rentrée : vous êtes là avant l’ouverture de la porte, avec les autres parents parfaits. Vous adorez ces quelques minutes volées au quotidien. Regarder votre enfant interagir avec ses camarades, c’est un bien meilleur carburant que le café.
Toutes les autres semaines : c’était peut-être pas une très bonne idée de demander à votre enfant de sauter de la voiture en marche, mais ce n’est pas de votre faute si vous vous êtes tapés le bus qui avance pas, le camion poubelle, et que le connard derrière ne veut pas que vous vous arrêtiez.
Le goûter
La semaine de la rentrée : il est parti avec une banane dans une boîte en plastique en forme de banane spécialement conçue pour les bananes, un petit yaourt à boire maison et quelques petites douceurs sucrées, parce que la vie est une fête.
Toutes les autres semaines : et merde, il a oublié de prendre le morceau de saucisson de samedi soir que vous aviez mis exprès dans la boîte à banane sans couvercle.
Les devoirs
La semaine de la rentrée : vous n’êtes pas peu fier de ce petit coin bureau aménagé spécialement pour lui à proximité de la cuisine, pour superviser ses devoirs pendant que vous préparez la soupe de saison. « Tiens-toi droit, et taille ton crayon, les bons outils font les bons…? » « ARTISANS ! », il répond de son beau sourire édenté, avant de se mettre au travail en tirant la langue pour mieux s’appliquer.
Toutes les autres semaines : il est allongé par terre en train de manger ses crottes de nez. Vous êtes au bord des larmes après 45 minutes passées à lui expliquer une putain de leçon sur les points d’interrogation. Dans un dernier effort, vous dites : « Donc, qu’est-ce qu’on met à la fin d’une phrase interrogative ? ». Il hésite, puis répond : « tive ? »
Vous hésitez entre le considérer comme un génie ou un crétin, mais vous avez quand même votre petite idée sur la question.
Le dîner
La semaine de la rentrée : il est 19h, la soupe aux poireaux est prête, ça sent un peu comme le H&M de Châtelet un samedi après-midi mais on s’en fout, ça se voit pas sur Instagram. Les enfants accourent, « Ouais, de la soupe aux poireaux ! », ils ont mis leur peignoir et leurs cheveux sont lavés. Chacun votre tour, vous décrivez les trois plus jolis moments de votre journée.
Toutes les autres semaines : vous avez raté votre purée en sachet, ça mérite presque une standing ovation. Vous leur avez servi des tomates cerise, pour la caution « légumes ». Il y en a un qui a failli s’étouffer avec, et vu que c’est celui qui avait répondu « tive » vous avez presque pensé que c’était bien fait. Vous avez l’impression d’être un monstre, vous ouvrez une deuxième bouteille de vin. Bouchonnée, putain.
Le coucher
La semaine de la rentrée : les habits pour demain sont prêts, ça évite de courir le matin. Pipi, les dents, au lit, vite vite, il est bientôt 20h mais avant, on dit au revoir au soleil, puis on ferme les yeux quelques instants pour dire « Merci » à la vie.
Toutes les autres semaines : tant pis pour les dents, de toute façon elles vont tomber, et il est déjà 21h34. C’est trop tard pour l’histoire aussi, vous embrassez votre petit génie, et en refermant la porte de sa chambre vous êtes pris d’une montée de culpabilité.
Vous retournez le voir dans son lit pour lui dire que ça ira mieux demain : il dort déjà. L’enfant s’adapte vite aux semaines post-rentrée. Ça mérite bien un dernier verre.