Les villes sont comme Timothée Béranger en sixième B : elles copient. Elles se copient les unes les autres dans l’idée de récupérer chez les concurrentes des bonnes idées qui leur donneront l’occasion de briller et de devenir attractives. Et pour attirer le chaland et devenir un modèle, elles ont parfois de très belles inspirations – et parfois des inspirations un peu plus discutables, comme quand Buenos Aires a décidé d’importer des pigeons dans l’idée saugrenue de ressembler davantage à Paris.
Buenos Aires a importé des pigeons pour faire comme Paris
Le pigeon biset est le pigeon que l’on retrouve généralement dans la plupart des villes du monde, mais il va de soi qu’il n’était pas présent sur tous les continents partout dès le départ. Le truc, c’est qu’on utilisait les pigeons pour manger et faire passer des messages : assez rapidement, on s’est donc retrouvé avec tout un tas de pigeons qui s’accouplaient et se reproduisaient puis on a lâché l’affaire. Mais la ville de Buenos Aires, fondée en 1536, aurait probablement pu s’éviter pareille nuisance si ce n’était pour Torcuato de Alvear, premier intendant de la capitale fédérale et qui se vivait comme un Haussmann local. Pour que la ville puisse rivaliser avec les grandes métropoles européennes, il lance d’immenses travaux, dont la construction de l’Avenida de Mayo et importe des pigeons, pour faire comme à Paris. Super idée.
Les neuf villes chinoises qui copient les villes européennes
Un des grands problèmes de la Chine, c’est la surpopulation de ses mégalopoles. Pour un peu désengorger Shanghaï, le gouvernement a donc lancé un immense projet de construction de banlieues. Et pour que ces banlieues soient attractives, il a été décidé de leur donner l’apparence de villes européennes. On trouve ainsi Thames Town, simulacre de ville anglaise avec petites cabines téléphoniques rouges, pubs et fish & chips, architecture victorienne et tout le toutim sur le site de Songjiang. La ville peut accueillir 10.000 habitants. Plus loin, il y a Anting (50.000 habitants), basée sur le modèle d’une ville allemande moderne entre bauhaus et éco-quartier. Et puis bien sûr Gaoqiao, une copie de ville hollandaise avec moulin. Et enfin le quartier de Tiandu Cheng avec une reproduction grosso modo de la Tour Eiffel et du quartier du Champ de Mars : c’est Paris ! Outre le côté un peu mauvais goût kitchissime de la chose, la manoeuvre est intelligente puisque le gouvernement chinois espère pouvoir canaliser les envies d’ailleurs de ses classes moyennes en leur offrant la possibilité de visiter le monde sans sortir de chez eux.
L'Opéra de Hanoï, copie de l'Opéra Garnier lui-même inspiré du grand théâtre de Bordeaux
Construit au tout début du XX°, à l’époque où Hanoï, c’était la France, l’opéra (totalement disproportionné par rapport à la ville) présente une architecture très proche de celle de l’Opéra Garnier. Et ce qui est marrant, c’est que l’opéra Garnier a lui-même été plus ou moins inspiré/copié sur le Grand théâtre de Bordeaux. Donc au final on ne cesse de se copier les uns les autres.
Kairouan, un plan inspiré de Bagdad
Kairouan, quatrième ville sacrée de l’islam à 150 bornes de Tunis, est classée à l’UNESCO depuis 1988. Mais la fondation de la ville, autour de 670, avait déjà de hautes ambitions. Dès le départ, le plan a été pensé pour que les artères principales de la ville s’échappent toutes de la grande mosquée, dessinant ainsi une organisation urbaine circulaire inspirée directement par Bagdad que l’on surnommait la ville ronde.
Le plan Cerdà de Barcelone et l'exemple américain
A la fin des années 1850, la ville de Barcelone se rend compte qu’il lui faut entreprendre d’immenses projets de rénovation urbaine si elle veut prendre le virage de la modernité à l’instar des autres capitales européennes. Un appel à projets est monté et c’est Ildefons Cerdà qui le remporte. Entre autres recommandations, il souhaitait édifier une ville régulière avec des blocs uniformes de 11,3 mètres en lignes droites et de grands carrefours permettant d’obtenir une visibilité optimale. Je ne rentre pas dans les détails techniques, mais cette architecture du nouveau Barcelone, poursuivie et amplifiée avec les JO de 1992, est directement inspiré des techniques mises en oeuvre aux Etats-Unis où la ville de New York commençait à prendre une importance considérable.
Pierre le Grand voulait que Saint-Petersbourg soit une ville européenne
Il imaginait la ville comme un mélange de Paris, de Venise et de villes hollandaises et définissait sa construction comme une « fenêtre sur l’Europe ». Dès lors, les architectes en charge du projet ont puisé des inspirations un peu partout dans les places fortes de l’Europe du XVIII°, faisant de Saint-Petersbourg une ville unique en son genre en Russie à l’époque. Soucieux de faire vivre la ville, il impose aux grandes familles de Moscou de déménager à leurs frais, instaure une police municipale ainsi qu’un système d’éclairage nocturne dans le centre-ville la nuit.
On ne peut pas toujours tout inventer.