Quelques jours après la présentation de la réforme des retraites, plusieurs centaines de milliers de Français prévoient de se mettre en grève et de descendre dans les rues battre le pavé demain, jeudi 19 janvier 2023. Si vous faites partie des grévistes, si vous hésitez, ou bien si vous êtes un non-gréviste curieux de vos droits et des droits de vos collègues, voici quelques points à connaître pour faire grève correctement, dans le respect de votre droit et de ceux des autres !
Est-ce que tout le monde peut faire grève ?
Eh non ! La grève est un droit, mais certaines professions passent entre les gouttes ! Les fonctionnaires de police, les surveillants de prison, les CRS et les magistrats judiciaires ont le droit de manifester, mais pas le droit de cesser leur activité. Les militaires, eux, ne peuvent faire ni l’un, ni l’autre.
Enfin, certains professionnels ont accès à un droit de grève limité : l’activité ne peut en aucun cas être complètement à l’arrêt, et donc seulement une partie du personnel peut se mettre en grève, pendant que les autres mettent en place des organisations particulières. C’est le cas des contrôleurs aériens, des employés de l’audiovisuel public, du secteur nucléaire, du personnel hospitalier ou des employés dans le transport.
Est-ce qu'on est payé quand on fait grève ?
Généralement, non. Lorsque vous faites grève, votre contrat de travail est suspendu, et votre salaire aussi. Attention, il existe quand même quelques exceptions ! Si la grève a lieu pour « manquement grave et délibéré de l’employeur à ses obligations » ; si vous devez travailler pour assurer un service minimum imposé par votre employeur ou si un accord prévoyant un maintien de salaire a été signé : vous devrez être payé également pour la période de grève.
(Source)
Peut-on faire grève sans préavis ?
On a tendance à entendre partout « Ah nan, mais on ne peut pas faire grève sans déposer de préavis, hein ! ». Eh bien… Ce n’est pas totalement vrai, ce n’est pas totalement faux.
Dans le secteur privé : il n’y a pas besoin de préavis de grève ! Dans le privé, le mouvement peut être déclenché à tout moment, sans avertissement ou tentative de conciliation préalable. En revanche, au moment où elle débute, l’employeur doit connaître les revendications professionnelles des salariés. Enfin, le gréviste n’est, en aucun cas, obligé d’informer son employeur de son intention d’exercer son droit de grève.
Dans le public : sauf rares exceptions, la grève doit être précédée d’un préavis. Cette information écrite, transmise par une ou plusieurs organisations syndicales à l’administration employeur, averti de la grève envisagée. Il précise les motifs de recours à la grève, son champ géographique, son heure de début, et la durée limitée ou non du mouvement envisagé. Il doit être émis 5 jours francs avant l’heure de début.
Exception : dans les entreprises de transport terrestre de voyageurs, privées ou publiques, la grève nécessite un préavis et ne peut intervenir qu’après une négociation avec l’employeur.
A partir de quand, la grève est-elle "valable" ?
Pour être légalement reconnue comme une grève, 3 conditions doivent être respectées :
1) Il faut un arrêt total du travail, sur le temps de grève, que ce soit 10 minutes ou 5 semaines.
2) L’arrêt de travail doit être collectif à l’ensemble des salariés grévistes.
3) Le mouvement doit inclure des revendications professionnelles (salaires, conditions de travail, défense de l’emploi,…).
Où s'arrête le droit de grève ?
Dans certains cas, la grève n’est pas valable, et donc illégale.
Dans le secteur privé : la grève perlée (en raison d’un travail troublé par des conditions volontairement défectueuses par le salarié), les grèves limitées à une obligation du contrat de travail, les actions menant au blocage de l’entreprise sans arrêt collectif et concerté de cette dernière et les grèves fondées uniquement sur des motifs politiques, sont considérées comme illicites. Les salariés s’abandonnant à un de ces mouvements ne sont plus protégé par le droit de grève et peuvent être licenciés.
Dans le public : si la grève n’est pas collective et concertée, si elle n’a pas pour objet la défense des intérêts professionnels, elle est illégale. De la même manière, les grèves tournantes (Cessation du travail par roulement des différent(e)s secteurs/catégories d’un(e) même administration/service, afin que les effectifs ne soient jamais au complet pour ralentir le service.), les grèves politiques non justifiées par des motifs professionnels et les grèves sur le tas avec occupation et blocage des locaux, sont illicites.
Est-ce qu'on peut faire grève solo ?
Non ! La grève est un droit individuel qui s’exerce collectivement. Pour être qualifié comme tel, le mouvement doit être suivi par au moins 2 salariés. Seules exceptions où le salarié d’une entreprise peut faire grève seul : s’il accompagne un mouvement national, ou s’il est l’unique employé de l’entreprise.
Combien de temps maximum peut durer une grève ?
Une éternité ! Il n’existe aucune durée légale, tant minimale que maximale. La grève peut aller de quelques minutes à plusieurs mois. Elle peut également être répétée : on peut, par exemple, faire grève 10 minutes par jour, tous les jours, pendant des semaines.
A-t-on le droit de bloquer l'accès à un site pour manifester son mécontentement ?
Non ! Comme brièvement abordé au point 5, les grévistes se doivent de respecter le droit des non-grévistes, puisque « l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits » (Art. 4, DDHC). Dans le respect du travail d’autrui, les grévistes ne peuvent donc pas bloquer l’accès à un site ou occuper les locaux si l’intention est d’empêcher l’exercice du travail des non-grévistes. Idem pour la dégradation du matériel. Ces actions illégales peuvent être condamnées pénalement.
Peut-on se faire virer pour avoir fait grève ?
Absolument pas. Selon l’article L. 1132-2 du Code du travail, « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice normal du droit de grève ». Un exercice légal du droit de grève ne peut entraîner aucune sanction disciplinaire. Un licenciement pour grève en absence de faute lourde est nul de plein droit. En cas de grève illicite (point 5), en revanche, les salariés ne sont pas reconnus comme grévistes, et ne sont donc plus protégés par le droit de grève.
Les grévistes peuvent-ils être réquisitionnés ?
C’est un peu plus compliqué qu’un simple « oui » ou « non ». En réalité, que ce soit dans le privé ou dans le public, seul le préfet peut réquisitionner des travailleurs en grève, et les obliger à reprendre leur travail. Elle doit être prise par un arrêté préfectoral, devant de remplir plusieurs mentions légales et obligatoires, et a obligation d’être justifiée par une urgence et une atteinte à l’ordre public. Elle ne peut s’opérer que s’il n’existe aucune autre alternative. Dans tous les cas, la réquisition ne peut jamais venir directement de votre employeur, ou même d’un juge judiciaire.
Si vous ne voulez pas partir à la retraite trop vieux, la grève est une bonne façon de faire connaître votre opposition. Mais bon… Il y a quand même de sacrés avantages à taffer jusqu’à 80 balais ! Hâte de recruter mes arrière-arrière-petits-enfants en stage de troisième, pas vous ?
Sources : Service Public France (pour le secteur du privé et de la fonction publique), CFDT, la CGT