Isaac Asimov est un des pères de la science-fiction, et aussi un de mes écrivains préférés. Il est tout simplement un des génies du roman d’anticipation. D’une part parce que son écriture est fine, que ses récits surprennent toujours et qu’ils sont en plus assez drôles. D’autre part, parce qu’il a réellement su anticiper un tas de choses qui se sont produites bien après qu’il les a imaginées. Dans ses bouquins ou lors d’une entrevue de 1964, il a annoncé plusieurs trucs qui se passeraient 50 ans plus tard. Le mec aurait pu être scénariste pour Black Mirror, et à côté de lui Nostradamus était un petit joueur.
"En 2014, seuls des vaisseaux sans équipage humain auront atterri sur Mars, même si une expédition humaine sera en préparation et une colonie martienne déjà imaginée"
En 2012, le robot Curiosity s’est posé sur Mars pour explorer la planète, ce n’est pas le premier projet du genre mais c’est un vrai succès. Et pendant ce temps-là on pense bel et bien à envoyer un équipage sur Mars, même qu’il y a déjà eu des candidatures et des sélections de potentiels explorateurs. Hop, un point pour Asimov.
"Les robots ne seront pas très communs ni très performants, mais ils seront bien là."
Les robots sont très chers à Asimov, qui en a (entre autres) fait tout un cycle de livres, se posant des questions qu’on commence à se poser aujourd’hui, du genre : si un robot ressemble à un humain et pense au moins aussi bien qu’un humain, qu’est-ce qui justifie qu’on se comporte avec lui comme s’il était une simple machine ? Mais si les robots de ses livres sont très évolués, il avait conscience qu’on serait en 2014 entourés de machines qui n’auraient pas encore atteint ce stade.
"Pour des courtes distances, des "trottoirs roulants" feront leur apparition dans les centre-villes".
Cette idée-là est très présente dans ses livres, comme dans Les Cavernes d’acier (3e tome du Cycle des robots) où les personnages se déplacent sur des tapis roulants à différentes vitesses, sautant de l’un à l’autre pour aller de plus en plus vite. Alors oui, les tapis roulants existaient déjà depuis l’exposition universelle de 1893 à Chicago, mais il y en a eu très peu pendant tout le siècle suivant, sauf à la fin où ils ont commencé à se démocratiser un peu partout. Celui de la gare Montparnasse en était un bon exemple puisqu’il allait à 11km/h, mais finalement tout le monde tombait donc on l’a remplacé pour un tapis plus lent.
"Grâce à des satellites planant dans l'espace, il sera possible de vous connecter en ligne directe à n'importe quel endroit sur la Terre, y compris les stations météorologiques de l'Antarctique."
Quand Asimov a prononcé ces mots, les scientifiques de l’époque avaient déjà compris depuis quelques années que les satellites pourraient servir aux télécommunications et le premier avait déjà été lancé. N’empêche qu’il était difficile de prévoir que la couverture serait quasi totale comme elle l’est aujourd’hui, alors qu’à l’époque on en était très très loin.
"On se focalisera de plus en plus sur les moyens de transport qui ont le moins de contact avec le sol."
Il faut comprendre par-là des transports dont les frottements avec le sol sont réduits pour permettre davantage de vitesse. Et en effet, avec le train à sustentation magnétique japonais ou l’Hyperloop (un projet de rame en suspension dans un tube à basse pression qui foncerait à plus de 1000 Km/h) on est en plein dedans.
"Des écrans muraux viendront remplacer les télévisions ordinaires, mais apparaîtront des cubes transparents sur les angles desquels chacun pourra voir une image différente."
Pour les écrans muraux, on va pas chipoter, ça existe bien. Nos écrans plats étaient déjà une grosse révolution par rapport aux énormes écrans cathodiques de l’époque d’Asimov. Pour ce qui est du cube avec plusieurs faces diffusant des images différents, on n’y est pas, mais en 2012, la marque Philips a créé une technologie d’écran sur lequel deux personnes peuvent voir chacune une image différente de celle de l’autre, à condition de porter des lunettes spéciales. Fallait l’imaginer, ça.
"Les communications seront à la fois visuelles et auditives. Vous pourrez à la fois voir et entendre la personne à qui vous téléphonez. Les écrans serviront non seulement à communiquer, mais aussi à consulter des documents, lire des livres, regarder des photos."
Qu’est-ce qu’on peut ajouter à ça ? Les ordinateurs, les téléphones portables, les livres numériques, les lecteurs audio… On a tout ça depuis un moment et ça nous paraît normal, mais si on se met deux minutes à la place d’un homme des années 60, on comprend que c’était pas du tout évident à l’époque.
"Les appareils électriques n'auront plus besoin de câbles électriques, bien entendu."
On n’est pas encore totalement débarrassé de tous nos fils électriques mais on sait désormais qu’il sera probablement bientôt possible de les faire disparaître et de tout alimenter à distance. On sait même recharger les téléphones par simple contact, et beaucoup de machines fonctionnent par batterie, alors la prédiction est déjà en partie réalisée.
"Des repas entiers, semi-préparés, pourront être stockés au frigo et prêts à être consommés. Les équipements de cuisine pourront préparer des 'repas automatiques', chauffer l'eau et en faire du café."
Aujourd’hui, la preuve est bien présente dans nos supermarchés. Et vous allez me dire : « Oui mais on cuisine toujours à côté ! » Eh ben Asimov ne l’avait pas exclu. « J’imagine tout de même qu’en 2014 il sera toujours envisageable d’avoir un petit coin de cuisine où les repas pourront être préparés à la main, spécialement lorsqu’on recevra de la visite. » qu’il disait. Il avait peut-être un peu grossi le trait vu que beaucoup cuisinent toujours, même lorsqu’ils sont seuls, mais il n’était pas si loin du compte.
"Beaucoup d'efforts auront été investis pour créer des véhicules avec des "cerveaux-robots" [...] qui pourraient agir sans interférer avec les lents réflexes du conducteur humain."
Google et Tesla font rouler leurs voitures autonomes depuis 2015, même si on se pose encore des questions éthiques sur les décisions qu’elles doivent prendre lors de gros dilemmes (si la voiture n’a pas le choix, il vaut mieux qu’elle écrase le piéton ou qu’elle se jette avec les passages dans le fossé ?) Aujourd’hui il faut encore qu’un conducteur se trouve derrière le volant au cas où, mais on imagine bien qu’un jour ce temps sera révolu.
(Bonus) Dans le Cycle des robots, les robots adoptent un nouveau langage plus rapide lorsqu'ils se parlent entre eux
Il y a effectivement eu un exemple de robots qui inventent leur propre langage pour converser entre eux sans y avoir été invités par des humains. Ça serait flippant si on ne connaissait pas les trois lois de la robotique d’Asimov.