Alors ok, ok, depuis la loi du 4 mars 2002, dite Loi Kouchner, le patient doit donner un consentement libre et éclairé à tout professionnel de santé auquel il a affaire, pour tout acte diagnostique ou thérapeutique le concernant, sauf s’il est mineur, majeur protégé, ou cas d’urgence extrême. Ca veut dire que les docteurs doivent tout bien lui expliquer, et qu’au final, c’est le patient qui dit « voui » ou « non » pour prendre le médoc, en gros. C’est une super idée, et c’est essentiel de placer le patient au centre de sa prise en soins, mais des fois, mesdames et mesdames les patients, vous nous filez du fil à retordre pour arriver à vous soigner correctement…
"Oh ben non ! Je prends déjà deux médicaments tous les jours, je vais pas en prendre un troisième !"
Ben en fait, si. Tu as ton médicament contre l’hypertension, celui pour pas avoir trop de cholestérol et là, comme tu as un risque de faire des AVC et des infarctus, je te donne un troisième médicament pour pas faire de caillot dans tes artères. Mais si tu veux pas, fais-toi plèz, augmente tes facteurs de risque, et tartine du beurre sur tes cigarettes en mangeant de l’alcool.
"Le traitement par antibiotiques, il m’a graaaaaaave fatigué !"
Non meuf, c’est l’infection, qui t’a fatiguée. Toutes ces petites bactéries àlakon étaient en train de te détruire à petit feu. Alors, on dégaine les antibios, sans lesquels ton corps tout seul n’aurait pas réussi à se débrouiller. Du genre on déclare la guerre. Et la guerre, ça fatigue. Dans le même style, quand Buffy a appelé ses copines potentielles pour dégommer tous les Turok-Han dégueulasses.
"Hors de question que je me fasse vacciner contre la grippe : la dernière fois, ça m’a donné la grippe !"
Alors non, brave personne. Le vaccin contre la grippe ne donne pas la grippe. Il existe plein plein de virus ou de bactéries qui donnent le nez qui coule, la toux, les courbatures, la fatigue, ou le malalagorge… Mais le virus de la grippe, gentiment appelé myxovirus influenzae, est le seul qui donne La Grippe pour de vrai, et qui peut être dangereux, surtout si tu es un enfant, une personne âgée, ou une personne fragile (qui souffre de maladies chroniques comme le diabète, l’asthme, le HIV, etc), ou si tu n’as pas de bol.
"Mais pourquoi qu’on doit se revacciner tous les ans contre la grippe ?"
Il y a des gens, ils aiment jouer à la Playstation, d’autres, ils aiment compter le nombre de feuilles sur les arbres. Les virus, eux, ce qu’ils aiment, c’est muter… changer un petit peu leur programme génétique pour que notre système immunitaire ne les reconnaisse plus. Et pour la grippe, il fait ça une fois par an, le temps de faire le tour du Monde. Du coup, pouf ! Le vaccin de 2016, il marche pas sur le virus 2017. Un peu comme si tu voulais faire marcher tes logiciels de Windows 3.1 sur Windows 10…
"Je toussais, alors j’ai pris du sirop contre la toux. J’ai bien fait ?"
En fait, ça dépend de ta toux. Par exemple, là, tu as une bonne grosse bronchitasse, et tu glaires du pus. En prenant ton sirop, tu empêches tes glaires de sortir, et paf, tu enfermes pépouze ton infection bien au chaud dans tes poumons. Du coup, sans traitement rapide et adapté, tu te diriges droit vers une pneumopathie ou une pneumonie, et surtout vers le service des urgences…
"J’ai mal à la tête et le nez qui coule, alors j’ai pris du doliprane, et puis du Fervex, et puis de l’Humex, de l’Efferalgan et aussi de l’Actifed…"
Alors déjà tu vas immédiatement te calmer, et appeler le 15 ou le 112… Toutes ces spécialités contiennent (entre autres) du paracétamol, qui est une molécule parfaite pour traiter les douleurs et la fièvre, mais dont le surdosage est mortel. En gros, tu viens de demander à ton foie de bosser 72h par jour pendant 350 ans, sans aucun RTT. La soluce ? Les urgences dans les 6 à 8 heures maxi.
"Oh non ! Pas de piqûre, j’aime pas !"
Bon, alors déjà, macaille, tu vas me dire qui aime bien les piqûres. En général, c’est une passion pour personne. Ensuite, si je te prescris un traitement injectable, c’est certainement parce que c’est la meilleure voie d’administration pour soigner ton problème, ou bien c’est parce qu’il n’existe pas d’autre forme de ce médicament, ou bien c’est parce que je suis un doc sadique qui aime faire du mal aux gens et qui brise par la même occasion le Serment d’Hippocrate.
"Ça allait mieux, alors j’ai arrêté les antibiotiques."
Tu as donc permis aux dernières petites irréductibles bactéries qui restaient de reprendre des forces, de se réorganiser, de se reproduire, de se renforcer, éventuellement de muter un peu, et de faire réapparaître la maladie, peut-être même plus résistante qu’avant… Bravo.
"Olala, Docteur, ça a l’air sérieux… J’ai besoin d’antibiotiques !"
Non, pas forcément. Tu as besoin d’antibiotiques si tu as une infection bactérienne. Et pour le seul exemple de l’angine, elle est virale dans 50 à 90% des cas. Et le rhume, c’est aussi un virus. Notre corps sait parfaitement le combattre, donc, il y a besoin de repos, de rester un peu au chaud, et hop, on est guéri !
"Vous m’embêtez avec toutes vos questions… Dites-moi juste ce que j’ai."
Si je te pose toutes ces questions, c’est parce que je dois recouper plein de renseignements pour justement savoir ce qui t’arrive. La médecine, c’est un peu comme une enquête policière. Il faut que je sache plein de trucs de ta vie pour trouver comment te soigner aujourd’hui. Et ça passe par l’anamnèse, c’est-à-dire un interrogatoire précis, et ta franchise absolue dans tes réponses. Promis, je dirai rien au FBI.
"Il faut faire une prise de sang et un scanner ? Mais vous n’êtes même pas capable de me dire ce que j’ai ? Vous êtes incompétent."
Je suis peut-être incompétent, mais surtout je ne suis pas devin… Si j’ai demandé ces examens complémentaires, c’est parce que le simple examen clinique ne peut pas suffire à savoir ce que tu as. Alors à moins d’avoir la vision à Rayons X de Superman ou la boule de cristal du Professeur Trelawney, tu vas faire tes examens, tu reviens me voir, et là, je saurai. Oui, c’est chiant, je sais.
En définitive, le patient au centre de sa prise en charge, c’est super. Mais les pharmaciens ont fait 6 ans d’études, les médecins entre 8 et 14 ans. Sauf merdouille, ils savent un peu de quoi ils parlent, alors essayez de suivre un peu leurs conseils, de temps en temps… Ils ne racontent pas que des conneries (des fois).