La nouvelle édition du Guide Michelin est disponible. Si vous vendez des sandwiches américains près de la gare ou si vous tenez un bar qui réchauffe des Paninis dans une rue commerçante, vous pouvez allez vérifier, mais on va vous faire gagner du temps : il est peu probable qu'on vous ait filé une étoile cette année. Si selon la communication officielle du Guide, seule l'assiette compte, quelques dispositions peuvent aider à parvenir à la consécration. Avec ces bons conseils, normalement, c'est l'étoile assurée l'an prochain (mais ne négligez pas pour autant la maitrise des cuissons et le mariage des saveurs...)
- Embauchez au delà du raisonnable
Des commis, des serveurs, des gens qui marchent vite avec une oreillette et une liste bidon de réservations et un mec un peu plus vieux qui passe de table en table pour demander si "tout va bien Messieurs-Dames?...", le lieu doit avoir l'air bouillonnant d'activité, le fameux "coup de feu", même si il n'y a pas un seul client. - Trouvez des noms à rallonge pour vos plats
Si vous avez du melon et du jambon et un peu de laitue, appeler ça une "Chiffonade de Cantalupo sur son lit d'Astéracées". Vous passerez plus de temps à pondre des noms qu'à cuisiner, mais les gens veulent du rêve. Au pire, faites appel à André Manoukian. - Embauchez un chef qui a déjà la cote
La prétendue objectivité des inspecteurs de chez Michelin est tombée comme une merde le jour où ils ont attribué des "fourchettes" à un restaurant qui n'avait pas encore ouvert, juste parce que le chef avait un bon CV. - Chargez la déco
"Seul ce qu'il y a dans l'assiette compte". Conneries. Les établissements de luxe ont bien plus facilement des étoiles que les auberges de campagne. Allez-y franchement, des couverts en or, des assiettes en os d'animal protégé (on s'en fout, tant que c'est cher) que vous balancez à la fin de chaque plat, embauchez des stars pour des fonctions subalternes, Rihanna au vestiaire et Brad Pitt à la plonge. Vous n'allez pas gagner d'argent, mais vous aurez cette saloperie d'étoile. - Misez sur la "cuisine exotique"
Après des décennies de conservatisme idiot, le Guide apprécie désormais les "invitations au voyage" dans la gastronomie. Alors soyons clairs, quand on dit "exotique", on pense "asiatique", inutile d'essayer de refiler une préparation africaine de riz ou des haricots rouges. L'inspecteur de chez Michelin veut juste une once de soja et une pointe de wasabi dans son assiette. Diversité, ok, mais pas de nourriture du tiers-monde. - Augmentez vos prix
Statistiquement, une étoile augmente les tarifs de plus de 25%. Sachant que les prix sont déjà, à la base, au dessus de la moyenne. Du coup, montrez que vous êtes prêt à accueillir cette distinction en prenant les devants. Une bonne inflation dans votre carte montrera votre ambition. Si vous trouvez ça malhonnête, regardez les prix auxquels sont vendus les sushis dans votre quartier, vous vous sentirez d'un coup moins coupable. - Annulez votre participation à Cauchemar en Cuisine
A priori, les enseignes qui ont appelé Philippe Etchebest à la rescousse n'ont pas récupéré d'étoile dans la foulée. Ça peut paraître étonnant tant les conseils du chef-rugbyman, lui-même étoilé, semblent avisés ("faites des tartines", "Ne servez pas des trucs encore congelés"...). - Pensez "traçabilité"
Si un inspecteur passe chez vous, et l'air de rien, en sirotant un digestif, vous demande d'où vient la viande de vos lasagnes, ne répondez pas que c'est un cousin à vous qui a quelques relations chez les éleveurs qui gravitent autour des hippodromes. Soyez précis, soyez "traçabilité", dites juste que votre viande est d'origine française, de la région d'Auteuil ou de Vincennes, ça suffira bien. - Ne prenez pas vos clients pour des cons
En faisant par exemple une "terrine du chef" le vendredi pour liquider vos restes de viande. Ou en proposant des desserts maison sous prétexte qu'ils ont été fait dans une "maison", c'est-à-dire un bâtiment avec des murs et un toit, avant d'être congelés puis acheminés par une centrale d'achat. Ça commence à se voir, les gars. - Repérer les inspecteurs (et leur réserver un traitement de faveur)
Problème, ils sont anonymes. Un seul moyen : stalker tous vos clients et identifier leur métier dès leur entrée dans le restaurant. Dans cette optique, employer un ancien agent des RG peut être un investissement intéressant. - (BONUS)Apprenez à cuisiner
En France, nul besoin d'un quelconque diplôme pour ouvrir son restaurant. Il vous faudra une solide formation pour devenir coiffeur, boulanger ou boucher. Mais pour nourrir quotidiennement des gens, vous pouvez avoir tout foiré dans les grandes largeurs au cours de vos études, tant que vous tenez votre établissement à peu près propre, personne ne vous empêchera d'exercer. Mais soyons honnêtes, les gens du Michelin vont systématiquement avoir une préférence pour les cuistots correctement formés. Et on ne peut pas leur en vouloir.
Alors c'est pour quand l'étoile ?