Dans la série des rois qui s’appellent Louis, c’est peu dire que le bien nommé Louis « croix bâton Vé » a marqué durablement l’histoire de son pays. Peut-être parce qu’il a été le roi avec le plus long règne de l’histoire de France. Peut-être parce qu’il a hérité du trône dès l’âge de 5 ans. Peut-être parce qu’il est à l’origine d’un des palais royaux les plus somptueux de la planète. En tout cas, de nombreuses idées reçues subsistent à l’égard du roi soleil comme l’explique l’ouvrage de Yves-Marie Bercé Le Roi absolu: idées reçues sur Louis XIV. On a décidé d’en déconstruire quelques-unes en nous reposant sur sa fine analyse.
La cour était un milieu complètement ricicule
On a vite fait de regarder les us et coutumes de la cour avec nos yeux d’aujourd’hui et de n’y voir que des pratiques ridicules faites de minauderies, d’hypocrisie et d’excès de cérémonie. Mais la cour est un lieu bien plus riche qu’il n’en a l’air (et je parle pas de pognon).
Beaucoup de courtisans avaient leur demeure à Versailles, certains au sein même du palais tout comme les gens de service qui logeaient au château (qui pouvait accueillir 3000 habitants). Comme nous l’explique Yves-Marie Bercé : « la cour était comme un résumé brillant de la société où se retrouveraient toutes les fonctions, depuis les gens de peine jusqu’aux ministres et au prince ».
D’ailleurs le château était tout à fait accessible et tout le monde pouvaient y entrer du moment qu’il respectait son rang. C’est justement cette concentration de responsables et de personnes fortunées qui permettait à Louis XIV d’exercer sa politique plus aisément. Par ailleurs, les artistes et autres gens de lettres pouvaient aussi ramener leur fraise histoire de trouver un mécène.
Bref ça peut sembler risible aujourd’hui, mais attention à ne pas caricaturer un modèle qui faisait parfaitement sens il y a quatre siècles.
Louis XIV était un gros crado
On a vite fait de croire qu’à Versailles, les gens faisaient leurs besoins derrière les rideaux. C’est oublier que Versailles était au contraire à la pointe de l’hygiène et disposait de latrines plutôt luxueuses (et de toilettes publiques, bien qu’en nombre insuffisant par rapport au nombre de visiteurs) ainsi que de l’eau potable. D’ailleurs, Louis XIV avait même exigé que chaque maison parisienne dispose de toilettes privées. Alors non, on ne peut pas tout à fait dire que ça sentait la chiasse à la cour.
Le roi était inaccessible
Pas vraiment. Comme on l’a déjà évoqué, on imagine Versailles comme un lieu coupé du monde réservé à l’élite de la cour mais c’est pas aussi simple que ça. Les jardins et le château étaient accessibles à tout un chacun, il est d’ailleurs arrivé (rarement) que quelques miséreux se retrouvent même dans la chambre royale. Bref, ça circulait à tout va là-dedans et on pouvait facilement se trouver physiquement proche du roi.
Le roi captait pas à quel point Molière se foutait de sa gueule
On adore se dire que les artistes sont de grands incompris mais ce cliché ne correspond pas le moins du monde à Mr Poquelin, encore moins en ce qui concerne son travail au sein de la cour. Le roi était parfaitement conscient du ton piquant et des critiques de la société dénoncées par les pièces du dramaturge. D’ailleurs, le soutien du roi à l’égard de la troupe de Molière n’a jamais faibli, il a même demandé à être le parrain de son fils Louis et fit enterrer Molière dans une chapelle de la paroisse Saint-Eustache. Deux vrais larrons ceux-là.
Il a eu un frère jumeau qu'on a caché derrière un masque de fer
L’homme au masque de fer relève plus de la légende et de la propagande contre le roi que du véritable fait historique. Popularisé entre autre par Alexandre Dumas qui en fit le récit dans Le Vicomte de Bragelonne, les rumeurs sont allées bon train.
De nombreux noms ont été évoqués derrière ce masque dont on n’a jamais connu la véritable identité, y compris cette hypothèse très farfelue et relayée entre autre par Voltaire selon laquelle il s’agissait du frère jumeau du roi (thèse illustrée dans l’abominable nanar américain L’homme au masque de fer qui relève l’exploit d’être une insulte à Alexandre Dumas, à l’histoire de France mais aussi à tout le 7eme art).
Le chantier de Versaille a ruiné le pays
On ne va pas se mentir, le chantier a coûté bonbon. Mais n’oublions pas que le siècle des lumières qui a suivi Louis XIV, et la Révolution Française qui en découlé ont été l’occasion de grossir quelque peu le trait quant aux dépenses du roi Soleil. L’heure n’étant plus au faste, on dénonçait volontiers les sommes pharaoniques investies dans le palais durant le grand siècle.
En réalité, les archives comptables ont permis aux historiens d’évaluer l’investissement dans le chantier de Versailles inférieur à 3% des dépenses annuelles de l’Etat ce qui équivaut peu ou prou à 83 millions de livres (soit 1, 245 milliards d’euros). Une dépense évidemment conséquente, mais qu’il faut étaler sur 54 ans comme le rappelle cet article.
Le roi prenait tous ses repas en public
Parmi les protocoles un peu fantasmés de la cour, on peut en effet citer les « grands couverts ». Une tradition héritée de Henri III que le roi Soleil a moins respecté, s’offrant plutôt des « petits couverts », plus intimes dans sa chambre, le plus souvent avec ses maîtresses. A la bonne franquette quoi. (Source)
Il était sur les dents
MDR. Alors ça non. Saviez-vous que Louis XIV a eu la particularité de naître avec deux incisives ? Ce petit bout d’homme avait dès la naissance de quoi croquer la vie à plein dents. A tel point qu’il a fallu alterner les nourrices qui l’allaitaient tant elles avaient les mamelons en sang.
Ouais bon c’est pas vraiment une idée reçue, et cette info ne vient pas du livre de Yves-Marie Bercé mais je trouvais que ça valait le coup de vous en parler.
Et saviez-vous que le concept d’absolutisme ne date que du XIXe siècle ? Je parie que non.