A l’occasion de la Journée mondiale de la presse le 3 mai dernier, Reporters sans frontières (RSF) publie pour la première fois sa liste des "100 héros de l’information", des hommes et des femmes qui ont pour beaucoup dû passer par la case prison pour défendre leur métier et qui méritaient bien un petit hommage topitesque.
- Najiba Ayubi (Afghanistan)
Journaliste, activiste et directrice du Killid Group, premier réseau de médias en Afghanistan avec les très populaires Killid Weekly et Mursal Weekly, Najiba Ayubi a été inquiétée de nombreuses fois, notamment en raison de son sexe. Loin d'avoir la pétoche (même quand des groupes armés lui rendent visite à son domicile), elle continue de se battre pour la liberté d'expression. Ça lui a valu en 2013 le prix du courage journalistique décerné par l’International Women’s Media Foundation. La grosse classe. - Assen Yordanov (Bulgarie)
Gonflé par le manque d'objectivité des médias existants dans son pays, Assen Yordanov fonde en 2010 le site bivol.bg (comprenez "le buffle") où il publie des enquêtes exclusives sur la corruption, les failles du système judiciaire et le crime organisé. Depuis il a fait copain-copain avec Julian Assange de WikiLeaks qui lui refile régulièrement ses infos concernant la classe politique bulgare. - Claudia Duque (Colombie)
On le savait déjà, mais la Colombie n'est pas tout à fait le petit le plus safe pour les journalistes d'investigation. Spécialiste sur les questions du recrutement d'enfants soldats et des disparitions forcées, Claudia Duque a été enlevée (une fois en 2001), mise sur écoute, et évidemment moult fois menacée de mort. Du coup, elle s'est exilée à plusieurs reprises avant de finalement revenir au pays pour continuer ce qu'elle avait commencé. - Dawit Isaac (Érythrée)
L'Érythrée n'étant pas tout à fait the place to be en matière de droits de l'homme, cela fait treize ans que nous sommes sans nouvelles de Dawit Isaac, journaliste emprisonné pour avoir écrit un article sur un groupe de quinze membres du gouvernement qui exigeaient des réformes démocratiques. Sur les nombreux journalistes et politiciens emprisonnés en même temps que lui, dix sont morts dont l'ancien ministre des affaires étrangères Mahmud Ahmed Sherifo. Ça ne rigole vraiment pas en Érythrée. - Peter John Jaban (Malaisie)
Surnommé "Papa Orang Utan", Peter John Jaban est le fondateur d'une radio libre basée à Londres et diffusée auprès des communautés de la jungle de Bornéo, Radio Free Sarawak. Victime des brouillages et des cyberattaques des autorités, Radio Free Sarawak continue tout de même de diffuser des infos exclusives notamment sur la corruption des politiques malaisiens. - Ali Anouzla (Maroc)
On aurait tendance à se dire que le Maroc est un pays libre et plutôt sympatoche qui sent bon le thé à la menthe et la fleur d'oranger, et bah non : au Maroc, comme dans pas mal d'endroits, on n'a pas le droit de dire du mal du roi. Directeur du site marocain Lakome, il s'est spécialisé dans la critique du roi Mohammed VI et de son régime qu'il qualifie de "mur de la peur". Ça donne beaucoup moins envie d'aller passer son week-end à Marrakech. - Anabel Hernández (Mexique)
Journaliste pour Proceso et Reporte Indigo, Anabel Hernández est notamment connue pour avoir publié le livre Los señores del narco, best-seller vendu à plus de 100 000 exemplaires dans lequel elle pointait du doigt les rapports un peu trop étroits entre les cartels de la drogue et les puissances politiques et militaires du pays. Menacée de mort, elle vit aujourd'hui sous protection policière permanente. Une protection pas géniale géniale puisque plusieurs de ses sources ont déjà été assassinées. - Muhammad Bekjanov (Ouzbékistan)
Rédacteur en chef du journal Erk et farouche opposant au régime du président Islam Karimov, Muhammad Bekjanov est en prison depuis 1999. Passé aux aveux sous la torture, il a écopé d'une peine de quinze ans de prison qui a été aimablement réduite à treize en réparation pour les séances de torture. Alors qu'il devait sortir en janvier 2012, Bekjanov a été à nouveau condamné à 4 ans et 8 mois supplémentaires pour "refus d’obtempérer aux exigences de l’administration pénitentiaire". - Mazen Darwish (Syrie)
Avocat et militant des droits de l'homme, Mazen Darwish a été poursuivi pour terrorisme en raison de son engagement pacifique en faveur des libertés d’expression et d’information. Plusieurs fois arrêté par la police de Bachar Al-Assad, il est incarcéré à la prison centrale de Damas depuis février 2012, dans l'attente d'un énième procès. Il a été, en 2012, le lauréat du prix de la liberté de la presse. - Eric Topona (Tchad)
Le 3 mai 2013, lors de la journée mondiale de la liberté de la presse, Eric Topona déclarait que la liberté de la presse se portait de mieux en mieux au Tchad. Trois jours plus tard, il était arrêté et jeté en prison. Après cent jours d'une détention pour le moins précaire, il sera condamné à trois ans de prison avec sursis. À nouveau en liberté, il s'est exilé en Allemagne.
Tout bien réfléchi, en France on est pas si mal...
Source : "100 héros de l’information" par RSF