C’est pas un secret, la fiction s’inspire bien souvent de l’Histoire pour se construire, parce que ça reste quand même la meilleure source. Depuis quelques années existe une licence de jeu vidéo bien célèbre et lucrative, Assassin’s Creed, mais connaissez-vous vraiment les véritables faits historiques dont elle s’inspire ? Autant vous dire tout de suite que c’est assez mystérieux mais on sait quand même quelques trucs sur cette confrérie bien particulière qu’on vous propose de découvrir tout de suite.
Un courant religieux d'une branche du Coran à l'origine de la confrérie
C’est entre le 11ème et le 13ème siècle au Moyen-Orient (en Perse exactement) qu’ont existé les nizârites, une communauté islamique chiite. Pour simplifier énormément, l’Islam est divisé en deux gros courants : le chiisme et le sunnisme (aujourd’hui le chiisme correspond à 15% des musulmans) et ces deux courants sont eux-mêmes divisés par plusieurs sous-courants (eux-même divisés en branches). Les nizârites étaient des chiites pratiquant l’ismaélisme, un sous-courant du chiisme qui prône une lecture du Coran libre à l’interprétation, beaucoup plus axée sur l’ésotérisme que sur une lecture littérale du livre saint.
"La paix entre les Hommes par l'exaltation du libre-arbitre"
Les nizârites étaient un courant de croyance très minoritaire dans la Perse de cette époque, même chez les chiites. Leur vision de l’Islam prônait « la paix entre les hommes par l’exaltation du libre-arbitre », soit un mode de vie basé sur une lecture très interprétée des textes saints. Pour eux, une lecture littérale du Coran empêchait d’en saisir les sens cachés et les messages mystiques, tout comme l’utilisation de psychotropes, de l’hypnose et du spiritisme aidait à atteindre un degré de compréhension supérieur, notamment la consommation de hashish qui donnera une fausse interprétation du nom à la confrérie : les Hashashiyyin ou « fumeurs de hashish » alors que la véritable étymologie viendrait de Assassiyoun, littéralement « ceux qui sont fidèles au fondement de la foi ». Rien à voir du coup.
Hassan ibn al-Sabbah : un homme au destin extraordinaire
Le chef des nizârites (ayant vécu entre 1050 et 1124) se nomme Hassan ibn al-Sabbah, né à Qom en Perse (actuel Iran). Éduqué religieusement, il ne deviendra ismaélien qu’à ses 35 ans après un voyage en Égypte pour étudier ce courant. Une légende dit que pendant ses études à Nichapur il aurait été camarade de classe avec deux figures importantes de la Perse : Nizam al-Mulk qui deviendra vizir et Omar Khayyam, un mathématicien de génie également poète. Les trois hommes auraient passé un pacte, si l’un d’entre eux s’élevait dans la hiérarchie du pays il aiderait les deux autres. Cette légende est assez contestée par rapport aux âges différents des trois hommes, mais ils n’en restent pas moins contemporains et si Nizam al-Mulk a réellement gouverné la Perse pendant qu’Omar Khayyam l’étudiait, Hassan Sabbah l’a assurément terrorisée.
La fantastique prise de la forteresse d'Alamut
Pour installer sa confrérie, Sabbah avait besoin d’un lieu, et quel meilleur choix qu’une forteresse au sommet des montagnes qu’on surnommait « la forteresse imprenable » ? Nichée sur les montagnes du Daylam (à près de 100km de Téhéran) la forteresse d’Alamut est entourée de pentes raides, ce qui rend difficile son ascension. Elle est dirigée à l’époque où Sabbah y arrive par Mahdi, chef d’une communauté zaydite. Peu à peu Sabbah arrive à convertir les habitants à l’ismaélisme, et lorsqu’il rencontre enfin le chef de la forteresse c’est pour lui reprendre des mains sans effusion de sang, uniquement en lui montrant qu’il avait à ses ordres presque toute la population. Un véritable coup de maitre qui offre à l’homme le lieu rêvé pour commencer son plan.
"Le vieux dans la montagne"
Surnommé bien souvent « le vieux dans la montagne », Hassan Sabbah fonde un état ismaélien indépendant dans les montagnes en reprenant d’autres forteresses et citadelles de la région (notamment à Masyaf). Il arrive à faire grossir les rangs de sa confrérie en récupérant des populations isolées, des laissés pour compte et des gens déçus par le sultan Seldjoukide Nizam Al-Mulk. Au fur et à mesure des années la secte des Assassins grossit assez pour devenir un réseau très important qui relie plusieurs points de l’Empire Perse, s’étendant de l’Iran actuel jusqu’à la Syrie. En infériorité numérique contre les armées de l’époque et sans réelle force de frappe en terme d’armement, Sabbah a réussi à faire de ses faiblesses des avantages en créant une nouvelle arme que certains considèrent comme les fondements du terrorisme.
Un prédicateur hors-pair au charisme impressionnant
Plusieurs légendes et mythes entourent les Assassins, et il est complexe de démêler le vrai du faux. Marco Polo avance par exemple que dans la forteresse était présent un jardin paradisiaque dont seul Sabbah avait la clé, pour manipuler ses fidèles il leur faisait ingérer du hashish et les amenait dans le jardin une fois qu’ils étaient assoupis. À leur réveil ils se retrouvaient dans un jardin luxuriant entourés de femmes (des houris) et de nourriture, un avant goût du paradis qu’ils trouveraient à leur mort s’ils suivaient ses préceptes.
Une autre histoire raconte que Henri Ier de Champagne, de passage à Alamut aurait demandé à Sabbah pourquoi ses hommes étaient tant craints par l’empire, et que pour lui montrer leur détermination sans faille il aurait demandé à deux de ses hommes de se suicider devant son invité. Le premier se serait planté avec une lame et le second aurait sauté dans le vide sans réfléchir (le fameux saut de la foi du jeu Assassin’s Creed).
Que ces deux anecdotes soient vraies ou fausses n’est finalement pas si important, Hassan Sabbah était un homme au charisme impressionnant doublé d’un prédicateur exemplaire, il arrivait à rallier aisément les gens à sa cause et leur faisait réaliser les tâches les plus dangereuses sans qu’ils ne remettent en question ses ordres.
"Rien n'est vrai, tout est permis"
L’une des phrases prêtées à l’ordre des Assassins était « Rien n’est vrai, tout est permis ». Dans les faits cela se traduisait par une volonté de se rebeller contre l’ordre établi et de briser les règles en place, mais elle explique aussi probablement la determination de ses membres : si rien n’est vrai, sauter du haut d’une falaise n’est pas insurmontable puisque la véritable vie commencera dans l’au-delà. C’est grâce à cette doctrine que les Assassins ont probablement accepté de se jeter à corps perdu dans des situations d’où ils savaient qu’ils ne ressortiraient pas vivants, comme assassiner une cible entourée par des gardes.
De nombreux ennemis, aucune limite
Avant que la confrérie ne soit créée, Hassan Sabbah a été exilé par le sultan Seldjoukide, ce qui explique qu’il tente de s’en prendre à lui, principalement pour des raisons religieuses mais également politiques. D’autre part, les Croisés Chrétiens viennent d’arriver au Moyen Orient et deviennent alors de nouvelles cibles pour les Assassins, mais on pense que les deux entités auraient collaboré ponctuellement pour affaiblir le sultanat. Intransigeants et violents les Assassins ne peuvent ni être soudoyés ni raisonnés vu qu’ils agissent par foi et non par l’appât du gain.
Cachés aux yeux de tous : l'art de l'espionnage
La secte des Assassins compte beaucoup d’espions disséminés dans tout le royaume, parfois même jusque dans la cour ou la famille du sultanat. C’est là l’une des principales forces des Assassins, arriver à rester invisibles tout en étant partout. Leur force de persuasion leur permet de rallier de nombreuses personnalités importantes sur le plan politique et de tirer les ficelles dans l’ombre. Mais la véritable puissance des assassins réside également dans ce que leur nom suggère le mieux : l’assassinat de cibles choisies.
Des assassinats spectaculaires : le pouvoir de la peur
Les Assassins se débarrassent généralement de leurs cibles en public, en pleine journée, quitte à se faire tuer par les gardes après avoir éliminé leur cible, c’est la tâche d’une partie de la secte : les fedayin (celui qui sacrifie sa vie). Ils se déguisent ou s’infiltrent, parfois longtemps avant d’avoir une occasion de se débarrasser de leur victime. On leur prête de nombreux assassinats, dont certains de personnalités extrêmement importantes chez les Croisés ou le sultanat. On pense même que le meurtre du Sultan Nizam al-Mulk aurait été commis par eux. Mais à chaque assassinat quelque chose d’autre opère : ils arrivent à terroriser la population parce qu’ils semblent déterminés et inarrêtables, un ennemi invisible et pourtant présent partout qui semble plus puissant que le pouvoir en place.
Et sinon vous pouvez aller voir les époques où on aimerait que le prochain Assassins Creed se passe.
Sources : Radio France, Wikipedia (1, 2), National Geographic, Britannica.