Parfois, ça semble une bonne idée d’encercler une ville pour empêcher ses habitants d’avoir à manger et d’attendre que, de guerre lasse, ils se rendent. On se dit qu’on n’en a pas pour longtemps, qu’au printemps on sera de retour chez soi. Et puis ça dure, ça dure, ça dure, ça dure des années, personne ne se rend, on a faim, on s’emmerde, c’est trop long et on regrette. C’est ça aussi, la guerre, une fausse bonne idée.
Le siège de Constantinople / 717-718
A l’époque, Constantinople est la capitale de l’Empire byzantin et se trouve assiégé par les troupes arabes du Califat omeyyade. Ca fait 30 ans que les Arabes font des raids réguliers sur l’Empire qui vit une crise politique finalement soldée par l’accession au trône de Léon l’Isaurien après un genre de guerre civile. Les Arabes assiègent la cité autour des remparts et essaient d’établir un blocus, mais la flotte byzantine déglinguent leurs bateaux et Constantinople peut continuer d’être ravitaillée par la mer. Ce sont finalement les assiégeants qui souffrent de la famine au cours de l’hiver assez dur. Bref, tout se passe mal pour les Arabes : les renforts maritimes qui affluent sont dézingués au printemps par les Byzantins, puis les Bulgares les attaquent à revers. Ils lèvent le siège en août 718. Et sur le retour, des tempêtes se chargent de détruire le reste de leur flotte. L’échec du siège met fin aux velléités d’envahissement du califat.
Le siège de Tripoli / 1102 - 1109
En 1099, Jérusalem tombe. Mais les croisés choisissent Godefroy de Bouillon pour chef et Raymond de Saint-Gilles est choqué et déçu. Il veut avoir son petit fief lui aussi. Qu’à cela ne tienne, il décide qu’il va attaquer Tripoli, une zone où il est encore possible de s’installer pépère. En 1102, il récupère 300 hommes et commence à profiter d’autres croisades de passage pour prendre des ports environnants. Le siège s’installe. Le cadi Fakhr el-Moulk, chef de Tripoli, n’a plus un pote dans la région et personne ne vient à son secours. Les privations se font sentir sur la population et les bourgeois tendent à déserter la ville pour se rendre aux français (et les rencarder sur les voies de ravitaillement). Malgré la mort de Raymond, le siège se poursuit jusqu’à ce qu’en 1108, lassé d’attendre des secours, le cadi se rende à Bagdad pour réclamer de l’aide, sans succès. Et pendant ce temps-là, les notables de la ville ont laissé les croisés envahir la ville afin de mettre fin au siège. Les renforts échouent à reprendre la ville et Tripoli devient capitale du comté de Tripoli, aux mains des croisés.
Le siège de Boston / 19 avril 1775 - 17 mars 1776
C’est le point de départ de la guerre d’indépendance américaine. Des miliciens de Nouvelle-Angleterre, futurs membres de l’armée d’indépendance, assiègent Boston pour y confiner les troupes britanniques. Sous les ordres de George Washington, les miliciens parviennent au bout de 11 mois à forcer les britanniques à se retirer en bateau. Si stratégiquement le siège n’a été que de peu d’intérêt, il a permis à l’armée américaine de s’organiser en tant que telle. Les Britanniques ont, pendant le siège, gagné des batailles importantes, comme celle de Bunker Hill, mais ne parvinrent jamais à briser le siège. L’arrivée de pièces d’artillerie, en 1776, accéléra aussi la fuite britannique.
Le siège de Khe Sanh / 1968
Pendant 77 jours, en 1968, les troupes vietnamiennes assiégèrent la base américaine de Khe Sanh, au Sud Viêt-Nam. Les marines américains faisaient quotidiennement l’objet de bombardements et organisèrent des abris susceptibles de résister aux attaques de mortier, ainsi qu’un réseau de tranchées pour se réfugier lors des plus fortes attaques. En raison du siège, les soldats américains devaient rationner leur nourriture. Tout l’approvisionnement supplémentaire en artillerie et en nourriture, soit 120 tonnes par jour, se faisait via un pont aérien. Les avions intervenaient sous le feu nourri des armées vietnamiennes. Pour résister aux assauts, les troupes américaines déploient 20% de leurs hommes pour occuper des positions sur les collines environnant la base. Ce choix stratégique permettra aux marines de tenir jusqu’à l’intervention des renforts lors de l’opération Pegasus. Le siège sera l’une des principales victoires américaines au Viêt-Nam.
Le siège de Beugy / 1083 - 1086
Ce camp de Mayenne, très bien conservé, a servi à Guillaume le Conquérant pour assiéger la cité fortifiée du vicomte du Maine, Hubert II de Beaumont. Il était très difficile de tenir le siège en raison du relief et des vignes entourant les fortifications. Pour autant, une immense garnison fut placée par Guillaume au camp ; mais les tentatives pour imposer un blocus furent contournées par l’existence de souterrains qui menaient du château vers l’extérieur et permettaient de maintenir l’approvisionnement en vivres. Des chansons de geste ont même vanté les mérites d’une mule qui aurait assuré cet approvisionnement. Toujours est-il que Hubert a tenu 3 ans sous les assauts jusqu’à ce qu’on ouvre des négociations plus sages.
Le siège de Ménerbes / 1573 - 1578
Plus longue opposition entre catholiques et protestants pendant les guerres de religion, le siège de Ménerbes, en provence, fut déclenché par un concours de circonstances. La fidélité des habitants du village au pape leur avait valu des exemptions d’impôts tandis que le massacre de la Saint-Barthélémy avait donné aux protestants l’envie de faire un coup d’éclat. Ce coup d’éclat aurait lieu à Ménerbes, cité chérie du pape : 150 personnes s’attaquèrent au village en 1573. Mais les catholiques ne tardèrent pas à répondre : ils assiégèrent la ville, sous le commandement de Henri d’Angoulême et avec 15.000 hommes. Bref, beaucoup de monde. Pour autant, le siège dura 5 ans. Les protestants parvenaient en effet à se faire ravitailler : jusqu’à ce qu’on se mette à canonner sympathiquement les murailles de la ville et jusqu’à capitulation protestante. Les transactions aboutirent à un règlement le 9 décembre 1578.
Le siège de Paris / 1870
Ce n’est pas en tant que tel un épisode tellement important de l’histoire de France, mais il marqua les esprits par son lien étroit avec la commune de Paris et ce qu’il sous-tendit dans les mentalités françaises à l’approche de la Première guerre mondiale. Lors de la guerre de 1870, les Français n’avaient pas un seul instant envisagé la défaite. Dès lors, aucune troupe ne protégeait efficacement Paris. Les troupes allemandes encerclent Paris après les prises de Châtillon, Versailles et Clamart. Le 19 septembre, Paris est assiégée et les troupes françaises repliées à la va-vite au sein de la ville. Le gouvernement s’est réfugié à Tours ; le 7 octobre, image marquante, Léon Gambetta rejoint Tours en ballon. Les troupes françaises mènent des offensives pour reprendre Clamart et Châtillon, réussissent en partie leur coup, mais c’est déjà l’heure de la retraite. Les Prussiens bombardent Saint-Cloud. Finalement, les Prussiens maintiennent leur emprise. Thiers revient à Paris le 30 octobre pour négocier un armistice, sans succès. D’autres offensives ont lieu, mais le 26 janvier 1871, la capitulation de Sedan marque la fin de la guerre. Dès le lendemain, les Parisiens refusent de rendre les canons qui protégeaient Paris et proclament la Commune.
Le siège de Léningrad / 1941 - 1944
900 jours. Pendant 900 jours, la Wehrmacht a assiégé la ville de Léningrad dans le but d’affamer les Soviétiques et obtenir, par là-même, leur capitulation. 1,8 millions de Soviétiques moururent au cours de ces 3 ans, et on passe sur toutes les péripéties survenues pendant le siège le plus long de l’histoire moderne après celui de Sarajevo. En janvier 1944, l’armée soviétique parvint enfin à déloger l’armée allemande et à libérer une population affamée. Pour les Allemands, le siège était un véritable enfer aussi, les troupes étant forcées de demeurer sur place à faire face aux combats permanents dans un froid polaire.
Le siège de Sarajevo / 5 avril 1992 - 14 février 1996
La Yougoslavie explose : la Bosnie-Herzégovine a déclaré son indépendance, mais les paramilitaire serbes, eux, veulent rester partie prenante de la Fédération. Ces paramilitaires assiègent la ville en 1992 tandis que les Bosniaques, supérieurs en nombre, se retranchent à l’intérieur. Ils coupent les routes d’approvisionnement et y vont franco sur la mitraille, puisque pendant 4 ans, en moyenne, 329 obus furent tirés tous les jours sur la ville. Plus d’eau, plus d’électricité, plus de chauffage. Les Serbes sont mieux équipés et cherchent une capitulation bosniaque. L’ONU réquisitionne l’aéroport de Sarajevo pour apporter une assistance humanitaire aux habitants. Au seins de Sarajevo, des Serbes favorables aux assiégeants tiennent les armureries et tirent sur les civils. Les assiégeants mènent des offensives et réussissent à prendre certains quartiers de la ville. Les Serbes visent les hôpitaux, les écoles, les médias, tout ; y compris des bâtiments sous le contrôle des Nations-Unies… Résultat, la communauté internationale se fâche : l’OTAN bombarde les dépôts de munition serbes, et les assaillants perdent du terrain, jusqu’à ce que les accords de Dayton mettent fin au blocus. Au total, on dénombre 5000 morts.
Le grand siège de Gibraltar / 1779 - 1782
C’est un épisode oublié de la guerre d’indépendance américaine, mais un épisode important. Alors que la France et l’Espagne apportent leur soutien aux insurgés américains, une offensive est menée pour essayer de reprendre Gibraltar aux Britanniques. C’est une alliance de circonstances pour les Espagnols, qui veulent surtout récupérer le rocher. Les flottes espagnole et française font donc face aux Anglais devant la forteresse. 40.000 hommes tiennent le siège, mais il n’est pas possible de prendre Gibraltar par l’assaut. La France se décide pourtant à lancer une offensive par la mer, mais elle échoue. Bref, tout ça s’enlise, jusqu’à la levée du siège, en 1783. Les Anglais ont pu compter sur l’aide du roi du Maroc pour leur approvisionnement pendant la durée du siège. Aujourd’hui encore, Gibraltar demeure un positionnement stratégique britannique.