Chers êtres vivants bonjour. Si vous ne croyez pas en la théorie de l’évolution, ce top risque de vous être désagréable. Pour les autres, soyez les bienvenus. Aujourd’hui, donc, on va parler sélection naturelle, vous savez ce truc qui fait que les espèces changent avec le temps, et qu’elles ne gardent que les particularités qui servent à leur survie. Eh ben en fait, tout n’est pas toujours aussi simple : parfois, les espèces gardent des spécificités qui, pourtant, ne semblent pas favoriser leur survie. Un peu paradoxal, quoi. C’est ce que les chercheurs Frédéric Thomas et Michel Raymond appellent des Paradoxes de la Nature dans leur livre du même nom, et c’est ce qu’on va tenter de comprendre aujourd’hui, non sans une petite touche d’humour et d’espièglerie, car nous sommes des êtres malicieux.

Les gauchers

Chez les humains, tout est pensé pour les droitiers, ce qui favorise grandement les droitiers, et pourtant les gauchers représentent toujours environ 10% de la population (on vous aime fort). On pourrait se dire que c’est grâce au sport, parce que dans des sports comme le tennis, être gaucher est un avantage, mais ces sports sont trop récents à l’échelle de l’humanité pour expliquer quoi que ce soit.

Ce qui semble mieux l’expliquer, c’est la guerre, la grosse bagarre. Pas celle avec des armes à feu, mais celle aux poings ou avec des armes blanches ; là, les gauchers ont l’avantage de la surprise sur leurs adversaires plus habitués à se battre contre des droitiers. D’ailleurs, il y aurait plus de gauchers dans les sociétés violentes que dans les sociétés pacifiques. Mais comme maintenant on fait la guerre avec d’autres armes qui n’avantagent pas spécialement les gauchers, leur nombre pourrait diminuer peu à peu à l’avenir. On en reparle dans 1000 ans ?

Crédits photo (CC BY-SA 3.0) : Judith Bremer

L'obésité

Les animaux à l’état sauvage ne sont jamais obèses, mais l’humain si, et c’est généralement dangereux pour son organisme. Alors pourquoi nous on a gardé ce trait dangereux quand les autres espèces en sont débarrassées depuis longtemps ? A priori, c’est à cause des aliments riches en sucre (pas besoin d’être un génie pour le deviner, mais attendez) : quand on n’avait pas plein d’aliments à dispo comme aujourd’hui, on recherchait beaucoup les aliments sucrés, qui donnent beaucoup d’énergie à l’organisme.

Génétiquement, on a retenu que goût sucré = bon en bouche = bon pour survivre. Mais comme aujourd’hui, avec l’industrialisation, on a de la bouffe à foison, on mange trop de sucre. C’est un peu un « piège » de la sélection naturelle : ce qui nous aidait à survivre, maintenant on l’a en grande quantité, et ça nous est nocif (sans parler de toutes les conneries que l’industrie fout dans les aliments). Bref, on s’est fait avoir à notre propre jeu, et c’est la médecine qui prend le relai pour nous aider à survivre. Peut-être qu’on finira aussi par s’adapter à tout ça, on verra bien.

Crédits photo (Domaine Public) : Renée Gordon

La reproduction sexuée

La plupart des espèces pratiquent la reproduction sexuée (où le mâle et la femelle transmettent chacun 50% de leur bagage génétique), alors que ça semble beaucoup moins pratique que la reproduction asexuée, où un seul être (qui transmet 100% de ses gènes en se clonant) est nécessaire, et où il n’y a même pas besoin de fécondation, et donc pas besoin de trouver un partenaire. Concrètement, la reproduction asexuée semble plus rapide, plus efficace et moins dangereuse. Mais ce qu’on ne voit pas au premier abord, c’est que la reproduction sexuée a, elle aussi, des gros bénéfices.

Déjà, la reproduction sexuée favorise une évolution plus rapide, car elle induit davantage de brassage génétique. Ça permettrait de plus facilement garder les bonnes mutations, et surtout d’éviter de reproduire les mauvaises. Ben ouais, quand un être s’auto-clone, sa descendance garde les mêmes tares que lui et n’évolue pas, alors qu’avec la reproduction sexuée et le partage des chromosomes, les changements se font plus vite.

Ensuite, la reproduction sexuée, ça permet d’avoir des descendants variés qui vont aller dans des endroits variés, ce qui augmente les chances de survie et de trouver de nouveaux partenaires avec un chouette bagage génétique.

Enfin, le brassage génétique permet de modifier plus vite les organismes et donc de mieux faire la course avec les virus et bactéries qui, eux aussi évoluent. Les descendants de reproduction sexuée seraient donc généralement plus résistants aux infections. Bref, on se reproduit peut-être moins facilement, mais ça apporte des avantages plutôt stylés pour notre survie.

Crédits photo (CC BY-SA 4.0) : ZBY360

Le suicide

C’est vrai ça, pourquoi beaucoup d’animaux, l’homme y compris, continuent de se suicider, alors que ça n’aide a priori pas du tout à la reproduction de l’espèce ? Une bonne sélection naturelle aurait dû mettre le suicide de côté depuis bien longtemps.

Ben en fait c’est plus compliqué que ça. Dans pas mal de cas, le fait de se suicider (ou de ne pas se reproduire), favorise la reproduction des congénères, par exemple quand certains insectes infectés par un parasite se suicident pour éviter la propagation du parasite.

Dans les autres cas, le suicide, même s’il n’a pas d’intérêt réel, n’empêche juste pas les autres individus de se reproduire, comme c’est le cas chez les humains. C’est pas spécialement avantageux pour notre espèce, mais ça ne la met pas en danger, alors rien ne nous empêche de nous jeter par la fenêtre. Mais ne faites pas ça svp, la vie a encore plein de belles choses à vous offrir.

Crédits photo (Domaine Public) : Édouard Manet

Des particularités physiques cheloues chez les mâles

Les paons avec une queue multicolore énorme, les cerfs avec des bois immenses, les membres exagérément grands chez certains insectes… dans beaucoup d’espèce, les mâles ont des grosses différences avec la femelle (on appelle ça le dimorphisme sexuel), et ça a l’air inintéressant pour la survie, voire carrément handicapant dans certains cas. Par exemple, un oiseau mâle avec un plumage hyper coloré attirera plus l’attention des prédateurs que la femelle moins colorée. À quoi ça sert du coup ?

Eh bien, selon Darwin, ça sert à pécho, en gros. Plus les mâles de ces espèces ont ces particularités cheloues, plus ils ont de chances de plaire aux femelles (allez savoir pourquoi) ou de repousser les autres mâles. Du coup, là, c’est pas la sélection naturelle qui rentre en jeu, mais plutôt une compétition sexuelle. Et cette compétition favorise les mâles aux particularités physiques cheloues, qui vont transmettre leurs gènes de BG à leurs descendants. Et ainsi de suite.

Crédits photo (Domaine Public) : 円山応挙 (Maruyama Ōkyo, 1747 - 1821)

Le vieillissement

Vieillir, c’est moche : on se tape plein de maladies reloues, et en plus on galère de plus en plus à se reproduire. Du coup, c’est pas génial pour la survie de l’espèce. Vous allez nous dire que c’est dans l’ordre des choses, que c’est comme ça et pas autrement, mais certains animaux, eux, ne vieillissent pas et sont quasi immortels (comme l’hydre), alors pourquoi pas les autres espèces, dont nous ?

Eh bien premièrement, parce que réparer le corps, ça demande beaucoup de ressources. Pour un animal hyper simple comme l’hydre (un petit polype qui vit en eaux douces), ça demande pas beaucoup d’effort, mais pour un animal plus complexe, ça mobiliserait pas mal d’énergie, et donc ça ne serait pas rentable pour la survie de l’espèce.

Ensuite, et tout simplement, quand les problèmes liés à la vieillesse surviennent, eh ben on s’est déjà reproduits. On a déjà fait des gosses, donc si on casse notre pipe, ça ne changera plus rien à la survie de notre espèce. Ça laissera même plus de place aux autres (qui n’auront de toute façon plus besoin de nous quand on aura 70 balais). C’est triste, mais c’est comme ça.

Crédits photo (Domaine Public) : Oinari-san

La ménopause

Qui dit ménopause, dit qu’on ne fait plus de gosses. Qui dit qu’on ne fait plus de gosses, dit qu’on… ne fait plus de gosses. Et c’est moins bien pour la survie de l’espèce. Alors pourquoi la sélection naturelle n’a pas privilégié les femmes qui avaient une ménopause plus tardive, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de ménopause du tout ?

On peut expliquer ça en partie par « l’effet grand-mère ». En gros, la présence d’une grand-mère dans une famille encourage ses enfants à faire des petits-enfants, car elle pourra s’en occuper et aider avec son expérience.

On peut aussi expliquer ça par le fait que, plus une femme a des enfants tardivement, plus elle rencontre des risques de mourir pendant l’accouchement. Du coup, ça n’encourage pas les femmes qui auraient une ménopause tardive à faire plus d’enfants que les autres.

Et puis, dernière explication (mais il y en a encore plein d’autres) : dans la plupart des sociétés, les femmes arrêtent de faire des gosses quand leurs propres enfants sont en âge d’avoir des gosses, pour éviter une compétition entre tous les nouveaux-nés. L’industrialisation de la société pourrait changer ça, mais comme l’industrialisation est récente, ça n’a pas encore d’effet sur le retardement de la ménopause chez l’humain.

Crédits photo (CC BY-SA 4.0) : BruceBlaus

Les jumeaux

Les grossesses gémellaires chez les humains sont plus dangereuses que les grossesses normales, à la fois pour les bébés et pour la mère. Dit comme ça, ça ne semble vraiment pas être un avantage pour la survie de l’espèce. Pourtant, il y a bien une explication à ça. Cette explication, c’est que plus les femmes sont âgées, plus elles ont de risques de faire des fausses couches en perdant le fœtus.

Or, on a observé que les femmes plus âgées ont davantage tendance à libérer plusieurs ovules d’un coup que les femmes moins âgées, probablement pour compenser le risque de fausses couches. Avec 2 ovules libérés d’un coup, à la fin on a plus de chances de voir au moins 1 fœtus survivre. Mais avec 2 ovules libérés d’un coup, on a aussi plus de chances de voir naître 2 bébés, des (faux) jumeaux. C’est pour ça que les jumeaux naissent souvent de femmes plus âgées, et c’est pour ça qu’on fait toujours des jumeaux aujourd’hui, même après des millions d’années d’évolution.

Crédits photo (Domaine Public) : Artiste inconnuUnknown artist

Ok, c’était un peu compliqué de tout résumer comme ça en quelques lignes, mais on espère que le sujet vous a intéressé, parce qu’en vrai il est passionnant. Si vous voulez en savoir (beaucoup) plus, alors foncez sur le bouquin de Frédéric Thomas et Michel Raymond juste en dessous, vous allez adorer.