Une série, c’est une bonne histoire, de bons acteurs, de bons dialogues et un découpage serré. Mais c’est aussi, pour être une réussite, une excellente photo et un savoir-faire innovant en matière de réalisation de façon à captiver un public pendant plusieurs heures de programme. Ce n’est pas évident à faire, mais certains y sont passés maîtres. Ce classement, emprunté à Indiewire en atteste.
The Girlfriend Experience
Produite par Soderbergh, The Girlfriend Experience est une mini-série écrite et réalisée dans la plus grande ambiance Sundance. Ses créateurs, Lodge Kerrigan et Amy Seimetz, ont vraiment fait des paris audacieux en termes de réalisation. C’est surtout la cohérence de celle-ci qui est dingue : caméra quasiment toujours fixe, plans soigneusement travaillés, mise en valeur des corps, direction d’acteur et mise en scène toujours juste. Et quand la caméra se met en mouvement, ce n’est pas par pur désir de variation : les mouvements de caméras veulent dire quelque chose et accompagnent par leur instabilité l’angoisse du personnage. The Girlfriend Experience propose aussi les scènes de sexe les mieux filmées de la télé : pas de fausse pudeur et pas de pornographie, une lumière parfaite et une focalisation sur les corps des personnages.
Mad Men
Les réalisateurs de Mad Men ont réussi un tour de force en maniant deux concepts profondément contradictoires : d’une part la mise en avant des personnages avec une mise en scène totalement centrée sur eux et leurs atermoiements, via des effets de zoom et de panoramique absolument géniaux (et on ne parle pas de la photo) ; de l’autre l’irruption de scènes surréalistes façon Lynch au milieu d’une réalisation assez contemplative. Le tout, sans que ça jure. C’est vraiment l’exemple réussi d’une réalisation et d’une photo qui sert le propos.
The Knick
On retrouve Soderbergh qui, s’il avait annoncé qu’il arrêtait le cinéma, a décidé de faire mieux que du cinéma à la télé. La caméra dynamique créé une situation de tension et d’urgence permanente qui répond tout à la fois au contexte (un hôpital en mal d’équipement et de technologies) et aux enjeux des personnages (qui luttent l’un contre leur addiction, l’autre contre une société ségréguée). Les plans-séquences s’enchaînent sans jamais tirer la couverture à eux, et il n’y a aucune longueur, aucun plan inutile. Cette touche documentaire apporte énormément à la série.
Better Call Saul
Le désavantage, quand tu commences ta carrière internationale par Breaking Bad, c’est que tout le monde t’attend au tournant. L’avantage, c’est que t’as les moyens de montrer à tout le monde que non seulement tu es une brute, mais en plus tu as progressé depuis la dernière fois. Peter Gould et Vince Gilligan ont pris un galon technique absolument dingue qui leur permet d’insuffler de la tension à des scènes contemplatives.
The Leftovers
Ce qui est bien, quand on a un récit à plusieurs voix, c’est que chacune de ces voix peut disposer de sa propre réalisation. Pour autant, le risque est grand de se perdre en chemin et de créer un patchwork plutôt qu’une oeuvre cohérente. Mimi Leder, créatrice et principale réalisatrice de la série, est parvenue à éviter l’écueil en collant au récit de manière magistrale, passant du fixe à la caméra à l’épaule dans les épisodes finaux des saisons pour amplifier la tension, usant du très gros plan pour montrer la détresse des personnages, passant au plan large pour montrer leurisolement dans le nouveau monde.
American Crime Story : The People v. O.J. Simpson
La saison 1 d’American Crime Story fait appel à une palette de réalisateurs différents qui réussissent à créer une atmosphère cohérente. Ryan Murphy, Anthony Hemingway et John Singleton réussissent à donner du rythme à ce qui est avant tout une série consacrée à un procès, soit une arène très statique. La qualité de la saison tient aussi à l’équilibre trouvé entre reproduction de scènes connues de tous, auxquelles les réalisateurs apportent une touche personnelle et mise en perspective de l’histoire réelle via un resserrement sur l’intimité des personnages.
Breaking Bad
Plein de réalisateurs, une seule vision. Jamais le grand vide américain n’avait été aussi bien filmé, sans pour autant laisser les personnages de côté. Une mention spéciale à l’épisode de la mouche, tout à la fois prouesse scénaristique et de réalisation pour intéresser des spectateurs à une intrigue aussi mince en y apportant la tension nécessaire.
Mr. Robot
La prouesse de Mr. Robot est d’avoir réussi à traduire visuellement, de manière directe, simple et frontale, toute la complexité de son personnage principal. C’est l’art de l’esquive : il y a ce que l’on voit, mais l’accent est surtout mis sur ce que l’on ne voit pas, les zones d’ombre, le caché. Cela colle parfaitement à la paranoïa galopante du script et à l’idée qu’on ne peut se fier à rien, ni personne – pas même au narrateur ou au réalisateur.
The Handmaid's Tale
Le monde de La Servante écarlate est terrifiant. Et pourtant il est beau. C’est là toute la réussite de la série qui alterne avec brio entre représentation globale d’un monde à l’agonie et scènes plus intimes, plus familières, qui donnent du liant et du crédit à cette histoire dystopique.
True Detective (Saison 1)
Fukunaga sait y faire avec le bayou, les grands espaces et les couleurs ; ce qui est impressionnant, c’est qu’il sait aussi y faire avec les espaces confinés et écrus des bureaux de police. Grands angles et focales resserrées se succèdent, la profondeur de champ ne cesse de se rétrécir à mesure que l’on se rapproche de la fin de l’intrigue, par nature tendue, le travail sur la lumière est dingue. On pense à un Jeff Nichols qui aurait bouffé du sépia. Quant au rythme, c’est un modèle à montrer dans toutes les écoles.