Grosse grosse campagne de dénigrement menée par les restaurateurs ces derniers temps, outrés que leurs clients sortent leurs appareils numériques pour immortaliser leurs assiettes au moment du service, histoire d'en faire profiter leurs contacts sur les réseaux sociaux. Mais ce n'est pas le mépris du serveur qui va vous empêcher de vous faire plaisir, surtout que les bonnes raisons de bombarder dès l'apéritif ne manquent pas. Ne laissez pas les restaurateurs freiner la marche du progrès et instagramez votre bouffe!.
- Le client est roi
Et ce qu'il y a dans votre assiette va vous coûter assez cher pour que vous ayez le droit d'en faire ce que vous voulez : le photographier, le filmer, l'asperger d'essence et l'immoler, lui susurrer des mots cochons ou le tabasser avec vos propres godasses jusqu'à en avoir mal aux bras. Et si le restaurateur juge que vous ne respectez pas son travail, il n'avait qu'à pas vous le vendre. - En cas d'intoxication alimentaire, c'est une pièce à conviction
Avec votre appareil à 8 millions de pixels, ce serait bien le diable si vous n'arriviez pas à voir ce petit bout d'ongle sale ou cette trace de doigt poisseux laissée sur votre assiette de melon au jambon. Les appareils de plus en plus performants, ça sert aussi à se rendre compte que les cuistots cuisinent bien souvent comme des crados. - C'est un bon moyen d'apporter des précieuses informations aux suivants
Et de montrer que la "lotte à la crème parfumée au curry et sa fondue de poireaux" pourrait être servie dans un dé à coudre. Ne pas hésiter à mettre une pièce de monnaie à côté pour bien faire comprendre ce qu'on a de nos jours dans un menu à 50 euros. - Vous avez mis votre système digestif sous haute surveillance
Une photo avant, une photo après, vous savez exactement ce qu'il se passe dans vos intestins. S'il y a des trucs que vous retrouvez intacts dans vos selles, c'est qu'un organe n'a pas fait son boulot. De la médecine pragmatique, c'est de la médecine efficace. - Vous avez l'intention de refaire le même plat chez vous
Et le restaurateur devrait se féliciter d'encourager les vocations et encore davantage que vous le preniez comme modèle, comme guide dans le long chemin qui mène à Masterchef. Il ne s'est d'ailleurs pas offusqué que vous preniez des notes tout au long du repas et que vous enregistriez des trucs sur un dictaphone "note pour plus tard : le Tournedos Rossini se déglace au porto, pas au vin blanc..." - Vous êtes riche et vous tenez à le faire savoir
Jusqu'ici, vous mettiez sur Instagram les tickets de caisse, mais votre public s'est lassé. Désormais vous photographiez vos plats après avoir inscrit le prix en euros avec votre doigt dans la purée ou sur le bord de l'assiette avec la sauce au poivre. - Vous préparez un "top 10 des célébrités qui ressemblent à des plats en sauce"
Mais ce n'est pas encore convaincant. - Vous êtes ami avec votre mère sur Facebook
Et vous devez régulièrement lui assurer que vous mangez suffisamment de légumes et de fibres. Vous photographiez aussi vos fringues au Lavomatic pour la rassurer sur la séparation blanc/couleur dans votre linge. - Vous préparez un grand ménage dans vos contacts
Et ceux qui jugeront utile de "liker" votre photo d'un velouté de potiron aux lardons seront dégagés dans l'heure. - Vous n'avez pas besoin de vous justifier, bordel de merde
De quoi il a peur le restaurateur? Que vous revendiez des clichés de crème béchamel à une puissance étrangère? Que vous voliez son âme à ce filet mignon? Que l'Internet tout entier apprenne qu'il a un peu fait cramer vos pommes sautées? Ou peut-être craint-il qu'il demeure une preuve éternelle dans votre téléphone portable que quand même, au niveau tarif du menu, il s'emmerde pas le mec.
Et vous, vous bombardez au restaurant?