Les fans de The Wire pleurent aujourd’hui l’acteur Michael K Williams qui jouait l’inoubliable personnage Omar. Si vous n’avez jamais regardé The Wire il n’est pas trop tard, on fait tous des erreurs mais l’essentiel c’est de les rattraper, comme quand on rate une crème aux oeufs et qu’on décide de la jeter pour aller en acheter une toute faite. Action, réaction. En tout cas si vous avez toujours hésité à vous lancer dans le long visionnage de ce chef d’oeuvre du petit écran, voilà quelques raisons de le faire et vous ne le regretterez pas.
Parce que ça parle de sujets de société
Déjà voilà, ça parle de quoi The Wire ? C’est une série de flics ? Pas complètement. C’est une série sur des gangsters ? Pas vraiment non plus. C’est une série avant tout sur la ville de Baltimore, sur plusieurs équipes de police qui tentent d’enrayer le traffic de drogue qui la touche, sur la vie quotidienne des dealers et des habitants de quartiers sensibles, sur les drogués, sur les dirigeants de la police et sur les magouilles qui entourent tout ça des deux côtés de la justice. Ça a l’air de parler de beaucoup de trucs ? C’est le cas, et ça le fait bien. Et encore, ça c’est seulement la première saison.
Parce que c'est super documenté
Si The Wire reste encore aujourd’hui aussi culte c’est parce qu’elle est extrêmement réaliste, et pour arriver à ce genre de travail de qualité son principal auteur David Simon (journaliste) a passé près de trois ans à suivre une équipe de policiers sur le terrain à Baltimore. Il a ensuite rapporté son étude dans un livre sobrement intitulé Baltimore, puis il a créé une première mini-série sur le sujet (The Corner) et enfin, une fois que c’était bien mûr il est passé à la création de The Wire.
Parce que chaque saison amène un nouveau pan à son histoire
Les cinq saisons qui constituent la série s’attaquent à une partie différente de la ville. Si la première traite d’une affaire de drogue en suivant et l’équipe de police et de dealers, la deuxième s’attarde sur le port de Baltimore (l’une des cinq premières villes des US en terme d’activité portuaire), la troisième sur la politique, la quatrième sur l’éducation et la cinquième sur la presse.
Chaque nouvelle saison apporte par conséquent son lot d’intrigues, de personnages et de nouveautés sans pour autant abandonner les histoires précédentes. Ça donne un truc qui peut sembler labyrinthique et complexe et je ne vais pas vous mentir, ça l’est, mais c’est maitrisé de bout en bout.
Parce qu'il n'y a pas de personnage principal
Dans The Wire il n’y a pas de héros relou qu’on suit pendant cinq saisons. À la place, on voit une galerie (très variée) de personnages évoluer, qu’on perd et qu’on retrouve au fur et à mesure que les intrigues avancent. Comme le disait le créateur, le personnage principal de la série c’est avant tout la ville de Baltimore, ses différents services, ses quartiers délaissés ou fréquentés, ses rues sinueuses, ses coins de deals, ses commissariats sa population diversifiée et son identité propre.
Parce que la mise en scène est incroyable
Le style presque « documentaire » très réaliste de la série peut laisser pas mal de spectateurs sceptiques, mais tout est justifié. The Wire n’essaie pas de faire dans la fioriture et ne s’encombre pas d’une mise en scène léchée, elle livre de manière brute le propos qu’elle expose avec des échelles de plans à taille humaine : la caméra est proche des acteurs mais également des rues et jusqu’à la saison 5 on a presque aucun plan aérien.
Pas de musique extradiégétique (hors de l’action), tout ce qu’on entend est ce qui se passe, des coups de feu aux dialogues, des musiques hip-hop en bas des tours aux sirènes de police. The Wire fait tout pour vous placer dans l’action, vous êtes dans le poste de police ou dans la rue, spectateur des évènements qui semblent alors réalistes.
Parce que c'est encore cruellement d'actualité
Si la série a été tournée entre 2002 et 2008 et que la première saison aura bientôt 20 ans, elle est encore bien tristement d’actualité. D’accord les styles vestimentaires, musicaux et les technologies (téléphones portables) ont évolués, mais dans son propos et ce qu’elle montre, la série reste (et restera) actuelle. Les sujets abordés, comme les conditions de vie dans les quartiers difficiles et la lutte contre la vente et la consommation de drogues existent encore, par conséquent le coeur du sujet ne vieillit pas et fait encore écho à l’actualité.
Parce qu'il y a un paquet de scènes cultes
Il est compliqué de lister toutes les bonnes idées de The Wire en terme de dialogues, de scènes marquantes ou de rencontres qui restent en tête. Deux policiers qui croisent en civil deux dealers alors qu’ils sortent du même cinéma avec leurs compagnes respectives et qui se disent machinalement « à demain » parce qu’ils savent qu’ils se croiseront dans le quartier, une discussion sur le jeu d’échec que l’un des dealers utilise pour faire une allégorie des chefs de réseaux de vente de drogue (Roi) et des soldats (Pions), un inspecteur qui partage un burger sur un banc avec un dealer qu’il connaît depuis plusieurs années…
Tout est extrêmement bien écrit, tout sonne juste et rien n’a l’air forcé. On ne tente jamais de racoler le spectateur avec du faux suspens, il n’y a aucun cliffhanger, juste une succession de moments de vie capturés qui vous marquent vraiment.
Parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de personnages géniaux et tout le monde a son moment
Vous allez littéralement galérer à trier vos personnages favoris tant certains évoluent de manière inattendue (non je ne pense pas qu’à Roland Pryzbylewski). Il n’y a aucun manichéisme, il ne s’agit pas des gentils flics contre les méchants dealers, juste d’humains évoluant de côtés différents de la barrière de la justice et passant par moments d’un côté et de l’autre de celle-ci. Il y a des pourris et des vertueux dans les deux camps et chaque personnage peut vous surprendre à tout moment, dans le bon sens comme le mauvais.
Parce que c'est une série qui fait réfléchir et ressentir des choses
Une étude d’élèves de la prestigieuse école universitaire d’Harvard a basé une étude sociologique des différentes classes de la société sur The Wire. La série est souvent comparée à la fresque des Rougon-Macquart d’Émile Zola dans sa manière de dépeindre la population et son créateur David Simon a déjà déclaré avec beaucoup d’humilité que cette oeuvre du romancier français a été une inspiration inépuisable pour son oeuvre.
The Wire fait sourire, s’émouvoir, choque, énerve et traumatise en faisant le tour de la palette d’émotions que peut ressentir un spectateur et rien que la fin de la saison 4 sur l’éducation pourrait vous marquer un long moment.
Parce que dans le genre on a jamais fait mieux
C’est probablement la série HBO la plus fouillée et documentée, la plus complexe et juste. Beaucoup de gens n’accrocheront probablement pas car elle ne répond pas spécialement aux codes des séries plus conventionnelles, mais The Wire reste l’une des oeuvres majeures de la télévision toujours considérée comme un must aujourd’hui. Si des gens ont abandonné en cours de route, rares sont ceux qui peuvent dire qu’ils n’ont pas aimé lorsqu’ils l’ont terminé.
Regardez cette série, faites vous du bien. Une fois que vous l’aurez vu vous comprendrez pourquoi on s’énerve quand quelqu’un dit que Breaking Bad c’est la meilleure série.