Un jour, on racontera à nos enfants qu’au début du XXIème siècle, on se servait principalement d’Internet pour regarder des programmes télé. Et ils se moqueront de nous. Et ils auront raison. Et le temps qu’on consacre à regarder des centaines d’épisodes et à en parler, on ne l’a plus pour s’abreuver d’une culture un peu plus durable, un siècle de cinéma, un millénaire de littérature qui nous échappent pour 15 petites « saisons » de séries, un peu plus pour les fans de Dr Who ou Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Il est encore temps de changer. Arrêtons maintenant, il n’est pas trop tard. Et on y gagnera tous.
Il faut s'abonner à 15 plateformes si on veut tout suivre (ou regarder les trucs illégalement)
Il y a deux catégories de fans de série : ceux qui sont à la page (et qui chopent donc les streams dans des conditions répréhensibles) et ceux qui ont un train de retard parce qu’il faudrait mettre tout son salaire dans différents abonnements pour rester à jour dans les sorties. Car dans le monde des séries, six mois plus tard, c’est trop tard. Et quand on parle d’une nouvelle série, celle qui fait envie, c’est en général trop tôt.
On a du mal à rester concentré une heure et demi
Depuis qu’on regarde des séries, on parvient à s’enfiler une demi-douzaine d’épisodes à la suite, mais une film de 90 minutes, sans un gros cliffhanger au bout de 45 minutes, sans coupures avec des « previously » et des « next », c’est la corvée. À l’époque de la sortie de The Irishman de Martin Scorsese, Netflix avait même donné des moments clés où s’arrêter pour le regarder comme une série. On est capables de s’enfiler quatre heures de série d’un coup mais pas un film de trois heures ?
Les séries servent désormais de référence au cinéma
Quand on sort un film sans Dany Boon et sans Christian Clavier, il faut désormais citer des références télévisuelles, sinon le spectateur est perdu. Pourquoi pas « Sa Majesté des Mouches, un film entre Lost et Koh Lanta« ?.
La durée des séries dépend de leur succès
Une série marche bien, on en fait cinq saisons de plus, sinon, on en reste là. Si on considère qu’une série, c’est, au même titre qu’un film, une oeuvre d’art, est-ce qu’on peut faire varier l’ampleur de cette oeuvre d’art en fonction de son succès? « Hé, Picasso, ça marche bien ton Guernica, là… On pourrait l’allonger de 30 ou 40 cm? »
On a vu apparaître des "spécialistes des séries"
Des gens qui regardent tout. Le plus vite possible. Pour dire que c’est nul. « La série de JJ Abrams est nulle à chier, une vraie merde. J’en suis à la saison 2, j’ai maté une trentaine d’épisodes, et je ne comprends pas que cette série soit encore à l’antenne! »
On vit dans la crainte du "SPOILER!!!!"
Ce qui nous empêche d’en parler librement. Amusez vous à évoquer le résumé d’un épisode de Game of Thrones de 2012 sur un forum, et certains vont vous menacer de lapidation, comme si les gens qui, aujourd’hui, n’ont pas encore regardé Game of Thrones en avaient quoi que ce soit à foutre. Imaginez que l’on ait le même comportement dans d’autres arts : « J’ai vu l’Origine du Monde au Musée d’Orsay, et en fait c’est une grosse cha… » MAIS TA GUEULE!!! Je l’ai pas encore vue!!! SPOILER!!!! »
On trouve que le doublage en français est dégueulasse
Du coup, c’est devenu la norme de regarder les séries en VO. On peut penser que c’est un progrès, mais c’est en réalité la conséquence du doublage épouvantable des séries étrangères. Autrefois, avant la télé numérique, on regardait les films en VF et ça ne nous a pas empêchés de nous construire une petite culture cinéma. Aujourd’hui, regarder une série en VF, c’est sacrifier la moitié de son plaisir.
On ne se rend même pas compte que les chaines de télé sabotent leur programmation de films
Quand les commerciaux de Canal+ vous appellent pour vous proposer un pack de chaînes, ils vous demandent ce que vous regardez à la télé. Vous répondez « des films » et ils vous répondent « Ok… des films et des séries! On a justement une offre avec en exclusivité la nouvelle saison de Mafiosa! ». C’est super les « création originales », mais ça se fait au prix d’une baisse des dotations pour le cinéma.
C'est un domaine dans lequel on ne battra jamais les Américains
En littérature, dans le cinéma, dans la musique, la France peut être fière de son identité, de son « exception culturelle ». Mais pour les séries télé, à quelques exceptions près, on est nul. Zéro. À chier. Et on le sera toujours tant qu’il sera moins cher d’acheter des programmes déjà rentabilisés outre-Atlantique que d’investir dans des fictions ambitieuses made in France ou de faire des soit disants créations originales qui sont en fait des remakes (coucou Mouche qui vole Fleabag).
On est, globalement, toujours déçu
Prenons toutes les séries dont les premières saisons nous ont enthousiasmés : Lost, Prison Break, Dexter, 24 heures chrono, How I met your Mother, Heroes, Walking Dead… à chaque fois, la déception a été à la hauteur des attentes. Pour une ou deux séries qui ont su s’arrêter à temps (The Wire, Breaking Bad…), combien de fins en eau de boudin?
De plus en plus de séries sont annulées après une saison
Le fonctionnement des grosses machines du Streaming comme Netflix et Disney + c’est de voir comment a fonctionné une série dans les premières semaines après sa sortie, et si ça ne dépasse pas les attentes on supprime direct au lieu de laisser aux spectateurs le temps de la découvrir. Et c’est comme ça qu’on nous enlève The OA, 1889, Santa Clarita Diet et autres séries annulées sans qu’on comprenne.
Parce qu'il faut attendre deux ans pour avoir une nouvelle saison
À une époque, une série c’était une saison par an et voilà. Maintenant il faut parfois attendre deux ans pour avoir la suite, et parfois même cette suite est en deux parties diffusées à plusieurs mois d’intervalles. Ça devient clairement chiant d’essayer de suivre une série vu qu’on a le temps de tout oublier avant d’avoir la fin.
Et si vous trouvez que les séries et les films c’est trop long, regardez des courts-métrages, au moins on a vite terminé.