Personne ne fait attention aux motifs de sièges de bus. Pourtant, ces créations abstraites, tantôt émotives et tendres, parfois orageuses et passionnées, sont le fruit du travail d’incroyables artistes. Il est grand temps de réhabiliter ces dessins qui, loin de n’être que de simples décorations, sont de véritables œuvres d’art.
Londres
L’échiquier, habituellement noir et blanc, se voit transformé non seulement par l’usage des couleurs mais aussi par une sorte d’anamorphose, référence implicite au fameux tableau de Hans Holbein les Ambassadeurs.
L’usage du noir et blanc n’est pas ici le signe d’une absence de couleur ; il permet au contraire de les représenter toutes. A bien des égards, on peut donc dire que ce motif rappelle les toiles de Pierre Soulages.
Malgré l’omniprésence du rouge, ce motif se permet quelques touches de blanc. Ni tout à fait monochrome, ni tout à fait polychrome, ce siège allie l’exubérance du fauvisme à la simplicité d’une abstraction minimaliste.
Ce motif labyrinthique est une référence discrète au fameux vers de Racine : « Et Phèdre au labyrinthe se serait retrouvée ou perdue ». En effet, le bus n’est pas seulement l’objet qui emmène vers une destination, il est aussi l’objet de l’absence de destination.
Dublin
Ces restes de pistache, laissés là, signalent le passage éphémère d’un homme. Absence d’identité. Qui était cet homme ? Nul ne le sait. Ne sommes-nous tous pas des coquilles vides à l’abandon ?
Stuggart
Tout comme le ballet parade, qui avait fait scandale en 1917, ce siège donne l’impression du chaos. Mais ce désordre apparent n’est jamais que, pour reprendre Cocteau, l’ordre secret du Dieu.
Entre l’exubérance de Frida Khalo et la sobriété de Rothko, cet arc-en-ciel tronqué met bien en évidence la faillibilité du cercle chromatique.
Instant rare et fugitif saisi dans l’intimité d’un homme qui se confond avec son décor. Qui est l’être humain : l’homme ou le motif ?…
Neuchâtel
Bus vide. Impression d’abandon. Cette déclinaison de vert, habituellement couleur de la nature, devient aussitôt le symbole d’une oppression tangible.
Un simple motif jaune, comme une lumière, pour ré-hausser cette infinité de gris. Le signe d’un espoir, peut-être ?
Il faut mettre les sièges de bus dans les musées.