Avec toutes les folies qu’il se passe en ce moment, on en oublierait presque que l’Euro 2024 commence dès ce soir avec Allemagne-Ecosse. Et je sais pas vous, mais j’ai l’impression qu’on se dirige tout droit vers une compétition d’anthologie. La France arrive toujours bien armée, l’Angleterre a enfin une équipe grande favorite pour l’emporter (mais va sortir en 8e parce qu’Harry Kane ne peut pas remporter de trophée), l’Italie championne en titre arrive avec beaucoup de blessés et un « manque de talent » selon Mourinho, mais était déjà sous-cotée en 2021 avant de l’emporter, l’Espagne et sa nouvelle génération dorée n’attendent que cette compétition pour relancer 10 ans de domination européenne et l’Allemagne, emmenée par Nagelsmann, joue à domicile et peut donc arriver plus favorie que jamais. On sent que cet Euro peut être un excellent millésime et qu’il pourrait rejoindre cette liste des meilleurs championnats d’Europe des Nations depuis les débuts de la compétition (en 1960).
Euro 2000 (Pays-Bas & Belgique)
Même sans parti pris et sans beugler des cocoricos répétés à intervalles réguliers, l’Euro 2000 en Belgique et aux Pays-Bas est sans conteste le meilleur championnat européen de tous. Du gros jeu dans l’ensemble des groupes de la phase de poule, l’Espagne qui remonte 2 buts dans les arrêts de jeu pour passer le premier tour, Kluivert qui atomise la Yougoslavie à lui tout seul en inscrivant un quadruplé, le gardien italien Toldo en état de grâce à 10 contre 11 pendant 90 minutes contre la marée orange. Et puis… Wiltord et Trézeguet qui offrent au championnat d’Europe la finale la plus anxiogène et indécise de tous les temps, et la France le trophée, en égalisant dans les arrêts de jeu en face à l’Italie, avant de l’emporter dans les prolongations grâce au but en or…Cocoricooooooooo (ah oui non, pardon). Et dire que sans une erreur du gardien russe durant les éliminatoires, la France ne se serait même pas qualifiée…
Euro 1984 (France)
Ah, la belle bleue ! Une grande bouffée d’oxygène après la pestilence de 1980. Du jeu (presque) partout, la première grande équipe du Danemark et son arme fatale Preben-Elkjaer-Larsen, l’Espagne enfin à la hauteur de son talent, Platini qui zigouille tout ce qui bouge, une demie de légende entre la France et le Portugal, la plus célèbre erreur de gardien de toute l’histoire du foot et le premier titre majeur d’une équipe de France tous sports confondus. Ça vous va ?
Euro 1988 (Allemagne)
Une bonne réplique de 1984 sur le plan du jeu. La génération dorée hollandaise des Koeman, Van Basten et autres Gullit est enfin récompensée par un titre majeur, et se venge magistralement de l’équipe d’Allemagne qui l’avait vaincue en 1974, dans le même stade, sur le même score, avec la même évolution de la marque et le même nombre de penalties dans le même ordre…On frissonne encore de plaisir en revoyant la reprise de volée de Van Basten en finale contre la séduisante URSS de Dasaev, Zavarov et Belanov.
Euro 2008 (Autriche - Suisse)
Des hôtes (la Suisse et l’Autriche) qui poussent l’hospitalité jusqu’à s’effacer tous les deux au premier tour, c’est assez rare pour être signalé. Du bon jeu sur les pâturages alpestres : l’Espagne bien sûr, mais aussi la mitraille orange, une Allemagne pimpante et une surprenante Russie. De bons matchs : Allemagne, Portugal, Turquie, Croatie, merci. Au final, la consécration qu’on espérait pour la Roja. Chez les Bleus, ça sent déjà le bus : un vestiaire façon Balkans, pas de jeu, un 4-1 sauce hollandaise et la plus célèbre demande en mariage depuis Forrest Gump. Cours, Raymond, cours !
Euro 2004 (Portugal)
36 tirs au but dont 21 cadrés pour Hollande-République Tchèque, c’est du brutal. Au-delà du jeu ultra-ultra-ultra-défensif des Grecs, beaucoup de bon jeu dans ce tournoi, de la fantastique aile de pigeon d’Ibrahimovic contre l’Italie aux duels à l’arme blanche d’un Portugal presque maître chez lui. Pour les Bleus pas vraiment remis de 2002, le plaisir d’avoir tapé les Anglais en phase finale pour la première fois. Et puis, un champion d’Europe à 50 contre 1, ça ne s’invente pas. Malheureusement.
Euro 1976 (Yougoslavie)
Le jour où les Allemands ont perdu aux tirs au but, le jour où Panenka a inventé le geste technique éponyme, un peu comme Candide ou Brandao. Antonin Panenka, donc, et sa belle Tchécoslovaquie avec Ondrus, Dobias ou Nehoda, la Hollande de Cruijff toujours au top, la Yougoslavie la plus joueuse de l’histoire, et les champions du monde 74 avec un fameux triplé en 20 minutes pour Dieter Müller en demie. Que du bon, on vous dit. Après celle-là, l’état-major teuton a décidé de travailler les tirs au but. Ceux de Séville et les Anglais en savent quelque chose.
Euro 1972 (Belgique)
Pour nos amis (euh…) d’outre-Rhin, la meilleure équipe d’Allemagne de tous les temps, c’est la Nationalmannschaft de 72, et pas celle qui fut sacrée championne du Monde 2 ans plus tard : tout est résumé. Une variété de jeu diabolique autour de Beckenbauer et Netzer, des attaquants de génie, un gardien et une défense d’exception, une discipline sans faille. Les Anglais n’ont pas encore oublié la punition subie en quarts à Wembley, pas plus que de très bons Belges battus chez eux et l’URSS d’Onitchenko laminée en finale. L’Espagne 2008-2010 avec l’accent wisigoth, en bref.
Euro 2021 (11 pays)
Un Euro reporté pour cause de Covid et organisé dans 11 pays au lieu d’1 ou 2, un groupe de la mort avec France, Portugal (tenant du titre), Allemagne, les ingrédients étaient là pour une compétition historique. Et elle a commencé fort par la frayeur Eriksen (arrêt cardiaque en plein match) en début de compétition qui a mis un gros coup de froid à tout le monde. Simple frayeur au final, qui aura donné des ailes au Danemark pour les faire atteindre les demies. Les favoris ont finalement déçus, le Portugal (tenant du titre), la France et l’Allemagne sont sortis en 8e, l’Espagne en 1/4 mais ont permis des parcours surprises de la République Tchèque, l’Ukraine, la Suisse et la Hongrie. Le CSC (but contre son camp) termine meilleur buteur de la compétition avec 11 buts dans le tournoi, et c’est une Italie en pleine renaissance, emmenée par un Chiesa (fils) virevoltant, qui l’emporte au bout du suspense aux tirs au but en finale à Wembley, face aux Anglais décidément maudits. Les Italiens eux auront conclu une invincibilité de 34 matchs consécutifs en beauté.
Euro 1968 (Italie)
L’Allemagne non qualifiée à cause d’un 0-0 en Albanie, ça n’arrive pas tous les jours. L’Italie qui produit du jeu, il faut le voir pour le croire. La Yougoslavie qui joue en équipe et pas à 11 solistes, on le note. Tout ça, sans tirs au but dans le règlement, nous fait une finale à rejouer et un joli Campione d’Europa italien chez lui. Pour nos petits Bleus, la plus grosse tôle de l’histoire en compétition, tout simplement : 5-1 en quart de finale retour à Belgrade.
Euro 1996 (Angleterre)
Le football est un jeu simple : 22 joueurs courent après la balle pendant 90 minutes et les Allemands gagnent toujours à la fin. Inventé en 90, confirmé en 96 pour les Anglais chez eux. À part ça, pas beaucoup de jeu ni de grands moments, même si le coup du sombrero de Gascoigne contre l’Écosse valait le détour. Quand même la bonne surprise tchèque façon Nedved-Poborsky, le premier but en or en finale (allemand, évidemment) et une demie plutôt inattendue pour les Bleus de Jacquet encore en convalescence après le traumatisme Kostadinov, membre perpétuel du panthéon pathologique français avec Schumacher et Materazzi.
Euro 1992 (Suède)
L’Euro bizarro. Les Yougoslaves gagnent leur poule mais sont exclus du tournoi pour cause de guerre civile. L’URSS se qualifie puis implose avant la phase finale, CIS en américain capitaliste remplace CCCP en soviétique prolétarien sur les maillots, Lénine et Yachine apprécient dans leurs tombes. Les Bleus du duo d’attaque Papin-Cantona gagnent tous leurs matchs éliminatoires, mais se font sortir au premier tour. Le Danemark, repêché de la dernière heure, enfume tout le monde et soulève la coupe. Pas trop de jeu à part ça dans ce dernier Euro à 8, mais bel effort pour le côté baroque du tournoi.
Euro 1980 (Italie)
L’Euro du côté obscur. Un tournoi organisé à la va-comme-je-te-pousse par l’Italie (pléonasme, je sais), personne dans les stades à part les Italiens et les hooligans, une série de purges défensives à en pleurer et les Bleus même pas qualifiés. Frêle lanterne dans la tempête, une excellente Belgique version Pfaff-Gerets-Vandenbergh-Ceulemans défaite in extremis en finale par l’inévitable RFA. Et j’ai gâché 30 heures de ma vie à regarder ça ?
Et vous, vous le voyez comment cet Euro 2024 ?