Bien avant Kim Kardashian et sa séquestration dans son hôtel de la Madeleine, d’autres talents d’envergure ont posé leurs valises dans la capitale pour trouver l’inspiration. Petit tour d’horizon des nombreux spots où les grands de ce monde avaient l’habitude de se rencontrer : qu’est-ce que c’est bon de se la raconter.
Le Procope
Si aujourd’hui ses lustres tape-à-l’oeil ne nous semblent pas du meilleur goût, le Procope a toutes les excuses du monde : édifié en 1686, le restaurant du quartier d’Odéon est un spot mythique des intellos d’avant-hier (Voltaire, Rousseau, Diderot) et d’hier (Hugo, Balzac, Verlaine). Aujourd’hui squatté par des touristes friqués et des gosses de bonne famille qui claquent leur salaire en un dessert, le café est aussi l’endroit où des gens intelligents se réunissent pour décerner le Prix de l’humour noir ou le prix Procope des Lumières (ce qui n’étonnera pas grand monde au final).
La closerie des Lilas
Haut lieu de la hype « canne-binocle » créé en 1847 dans le quartier de Vavin, La Closerie était l’endroit où Verlaine venait chaque semaine taper sa petite partie d’échecs avec Lénine, et où il calait ses rdv avec Apollinaire et Jarry. Ce fut plus tard l’un des refuges prisés par les Américains fuyant la Prohibition : c’est ici que Fitzgerald fait lire le manuscrit de Gatsby le Magnifique à Hemingway. Plus près de nous, c’est là que notre Renaud national épanche sa soif d’alcoolique et traine sa morne dépression (appelons un chat un chat). Oui, à chaque époque ses grands hommes.
Le Café de la Paix
Bâti dans un pur style Napoléon III en 1862, le spot est juché tout près de l’élégant Opéra Garnier, et voit vite toute l’intelligentsia du moment s’y précipiter (Zola, Maupassant, Wilde, mais aussi Tchaïkovski et Massenet). C’est aussi l’un des emblèmes du Paris mondain, qu’on aperçoit dans Les Aristochats (Walt Disney était par ailleurs une vraie groupie du lieu). Bon, et puis surtout, c’est l’une des seules adresses de ce classement qui nous permet de sortir de Saint-Germain des Près ou de Montparnasse, ce qui nous autorise à desserrer un peu notre cravate et respirer un bon coup.
La Rotonde
Autre terrain de prédilection des « Montparnos », la Rontonde est le spot mythique de l’entre deux-guerres, celui où se croisent poètes, écrivains, peintres, sculpteurs, et chansonniers. Aragon, Braque, Picasso, Modigliani, Hemingway, Apollinaire y refaçonnent tous à leur manière l’histoire de l’art, et laissent place aujourd’hui à des starlettes de cinéma ou du gratin politique en quête de visibilité. C’est d’ailleurs là-bas que François Hollande est venu fêter sa victoire aux primaires socialistes il y a cinq ans. Et c’est quand même moins ringard que le Fouquet’s.
La Café du Rat Mort
Créé initialement sous le nom du Café Pigalle, l’établissement se voit rebaptisé après la remarque d’un client qui constate l’odeur putride qui règne au premier étage. Daudet, Coppée, Courbet, Degas et Bataille y ont leurs quartiers, et c’est aussi là-bas que la légende situe les premières bisbilles entre Verlaine et Rimbaud. Comme quoi, même le nom du café que les deux amants fréquentaient donnait envie de se mettre un flingue sur la tempe…
Le Café de Flore
Sartre et Beauvoir s’y attablaient huit heures par jour en moyenne, ce qui a fait du lieu le temple du Paris existentialiste d’après-guerre. Mais le Flore, où un Coca avoisine aujourd’hui les sept balles (quand même), c’est aussi l’endroit où le mot « surréaliste » est prononcé pour la première fois, et le foyer qui voit un certain Charles Maurras créer l’Action française. Aujourd’hui, les potes de Beigbeder viennent y parler de leur problème d’addiction, et s’auto-congratuler lascivement avant de finir leurs affaires au Montana. A ne fréquenter que si vous venez de recevoir votre paie donc (ou si vous avez la courbure de hanches d’un mannequin de Novossibirsk, ça marche aussi).
Le Café Riche
Disparu il y a très précisément un siècle, situé à l’angle des grands boulevards et de la rue Le Peletier, on peut juger de l’importance du Café Riche au nombre de ses apparitions chez nos plus grands auteurs : Maupassant, Balzac, Zola, Courteline ont tous jugé bon de le citer dans leurs romans. Son créateur, un certain Bignon, sera le tout premier restaurateur à être décoré de la Légion d’honneur, en 1867. A une époque où, c’est toujours bon de le rappeler, on n’offrait alors pas la prestigieuse récompense à Mimie Mathie ou Isabelle Balkany.
Les deux Magots
Avec ses garçons vêtus en rondin noir et tablier blanc, on a bien du mal à se dire qu’on est en 2016 lorsqu’on passe devant Les deux Magots, qui fut longtemps le hot spot des poètes décadents et des surréalistes. On y croisait aussi Elsa Triolet, André Gide, Picasso, Fernand Léger, Prévert…C’est aussi là que Jean-Pierre Léaud rencontre Françoise Lebrun dans La Maman et la putain (1973), le bon film pour savoir, en deux plans à peine, si ce spot de flâneurs nonchalants est fait pour vous.
Le Café Guerbois
Fief des futurs impressionnistes établi dans l’actuelle Avenue de Clichy, c’est là qu’Edouard Manet fixait tous ses rendez-vous à la fin des années 1860. Le « groupe des Batignoles » (Renoir, Monet, Pissarro, Degas, Zola, Nadar…) y voit en effet le jour : des gamins (de 25 ans à peine) y refont le monde et s’étripent oralement pour concevoir un art en rupture avec l’académisme. Quand on sait que le Café Guerbois est aujourd’hui une boutique Celio, on a quand même l’impression d’avoir légèrement perdu au change.
La Coupole
C’est le rdv du Tout-Paris où se rencontrent les oiseaux de nuits qui comptent dans la capitale, et ce dès l’ouverture en 1927 : Cocteau, Joséphine Baker, Man Ray, Brassaï, et vite Piaf, Dietrich, Ava Gardner…Bref, si vous voulez comprendre un peu de quoi parle Hemingway dans son Paris est une fête, c’est un passage obligé…
Si vous passez par Paris, vous savez désormais où vous poser pour écrire votre chef d’oeuvre.