La gauche et la droite forment l’une des divisions du monde et du débat public la plus simple à appréhender. On est de gauche, on est de droite, on est centriste, on se comprend. Pour autant, la gauche et la droite ne sont que des mouvements fluctuants qui s’approprient ou bien délaissent des concepts et des idées selon l’époque et la mouvance. De nombreuses idées de gauche ont fini par faire consensus dans le jeu politique ou par devenir d’authentiques idées de droite. Pour peu qu’on ait 100 ans, on n’y comprend plus rien et c’est pas que parce qu’on perd la boule.

La séparation des églises et de l'Etat

Aujourd’hui, la laïcité est dans toutes les bouches. Pour autant, quand Aristide Briand a poussé la loi de 1905, le débat a été très très rude. Le Vatican s’est immédiatement opposé à la loi, au même titre que la droite traditionnelle et conservatrice, assez catholique, de l’époque. Il faudra attendre les années 20 pour que la situation s’apaise. Depuis, la laïcité est devenue l’un des mots d’ordre de la droite qui considère qu’elle est aujourd’hui menacée.

L'exception culturelle française

Si la politique culturelle française date des années Malraux et donc du gaullisme, sa forme actuelle est directement issue des premières années des septennats de Mitterrand qui ont affinées les mécanismes de financement de la production culturelle en France. Objet de rayonnement à l’international, cette exception culturelle fait aujourd’hui la quasi-unanimité à gauche comme à droite ; mais, sous Mitterrand, le RPR s’est plusieurs fois opposé de manière virulente au développement des manifestations culturelles initiées par Jack Lang, alors ministre de la Culture.

Le droit à l'avortement

Défendu essentiellement par les mouvements féministes émaillant la gauche depuis les années 20, le droit à l’avortement a été mis en place par la droite, en 1975, avec la loi Veil. Cette décision était courageuse, car elle allait à l’encontre de l’opinion dominante des électeurs de la droite et du centre d’alors.

L'abolition de la peine de mort

Imposée contre l’opinion générale par François Mitterrand, l’abolition de la peine de mort avait de nombreux détracteurs lors de sa mise en oeuvre. Pour autant, à part à chercher dans les rangs de l’extrême-droite, on ne trouverait personne se revendiquant d’une droite de gouvernement pour vouloir revenir dessus aujourd’hui.

Les préoccupations écologiques

Les préoccupations écologiques émanent d’une certaine frange activiste de la gauche née dans les années 1960. Il a fallu des années et des années pour que ces préoccupations gagnent le cœur de la gauche socialiste et de la droite. Pour autant, aujourd’hui et même s’il est traité à des degrés divers dans les programmes, la droite française a pris acte de la nécessité de réformer les moyens de production pour limiter l’impact de notre consommation sur la planète et le thème de la réduction des émissions est propre à tout l’échiquier politique en France, même s’il demeure traité de manière insuffisante.

La décentralisation

Au départ, la gauche, jacobine, était plutôt centralisatrice. Le régionalisme en tant que défense des coutumes et langues locales était une idée de droite. C’est à partir des années 60 et 70 que la gauche s’est emparée de la thématique régionaliste, entre-temps passée dans les mains de l’extrême-droite maurassienne, au nom de la défense des savoir-faire et des terroirs locaux face à la mondialisation grandissante. En 1982, la gauche amorça une politique de décentralisation au travers des lois Deferre, avant que la droite ne s’empare à son tour de la thématique. C’est ainsi sous le gouvernement Raffarin que la France connut ses principaux actes de décentralisation.

L’idée de donner plus d’autonomie aux territoires est désormais partagée par tout le spectre politique.

L'Europe

Hugo, Saint-Simon, Jaurès, Briand avaient tour à tour évoqué l’idée européenne. Cette idée d’une union basée sur une culture commune pour éviter la guerre et tendre vers le fédéralisme vient donc au départ de la gauche. Elle a ensuite été adoptée par les gaullistes au sortir de la guerre de 40 qui lui ont donné forme. Aujourd’hui, l’Union européenne divise la gauche comme la droite quant à la pertinence du modèle économique qu’elle a créée, sans que la gauche ou la droite ne critiquent réellement l’idée de coopération politique qu’elle induit.

Le nationalisme

Le nationalisme est, au départ, une idée de gauche. L’objectif d’émancipation des peuples passait par l’idée de faire nation pour les premiers socialistes, et l’idée nationale se para bientôt d’un décorum romantique. A partir de Marx, la gauche s’est tournée vers l’internationalisme et le nationalisme a été récupéré par la droite conservatrice comme matrice de désignation d’un ennemi situé à l’étranger. Aujourd’hui, il revêt encore une nouvelle forme puisque le nationalisme est désormais tourné davantage vers l’ennemi supposément intérieur.

Les idées, ça circule.