On avait dit de la Première Guerre mondiale que ce serait la dernière ; on avait dit de la Seconde que ce serait la seconde et donc la dernière ; pas sûr qu’on n’ait pas à affronter une troisième guerre mondiale un de ces jours prochains vu notre capacité à changer d’avis tout le temps. Et pour l’éviter, le mieux est de connaître toutes les fois où on l’a évitée, cette satanée guerre. Et souvent de justesse.
La crise des missiles de Cuba en 1962
C’est probablement la plus grosse crise de toute la guerre froide, le moment où le monde est resté suspendu aux agissements des deux grands, persuadé de l’imminence de la troisième guerre mondiale. Depuis l’accession au pouvoir des castristes à Cuba, les Américains avaient imposé un embargo à l’île qui avait poussé le nouveau régime à se tourner vers l’URSS pour s’approvisionner. Or, en 1962, les Américains se rendent compte que les Soviétiques sont en passe d’envoyer plusieurs missiles à Cuba, menaçant donc directement le territoire des Etats-Unis. C’est l’escalade : les Américains menacent directement d’attaquer l’URSS si celle-ci ne renonce pas à acheminer ces missiles jusqu’aux Caraïbes. Le bras de fer commence tandis que les vaisseaux continuent d’affluer vers Cuba pour livrer les missiles. Finalement, les deux grands trouveront un accord plutôt favorable aux Soviétiques : ceux-ci accepteront de renoncer à leur livraison en échange du démantèlement de plusieurs bases de lancement américaines en Turquie et en Italie. La crise débouchera sur l’installation du téléphone rouge entre Washington et le Kremlin pour éviter qu’une pareille crise se produise à nouveau.
La crise de Berlin en 1961
Si la crise des missiles de 1962 a été aussi préoccupante, c’est aussi parce qu’elle faisait suite à la crise de Berlin. Lassés de voir les Allemands de l’Est fuir à l’Ouest en passant Checkpoint Charlie, les Soviétiques, qui occupaient la zone Est de la ville, avaient lancé un ultimatum à leurs anciens alliés leur demandant de retirer leurs troupes armées. A quelques mètres les unes des autres, les armées soviétiques et occidentales se faisaient face. Devant le refus des Occidentaux de donner suite à leur demande, les Soviétiques ont commencé à ériger le mur de Berlin. Ces tensions ont débouché sur un accord menant au retrait des troupes de part et d’autres. Si vous voulez en savoir plus sur les secrets du mur de Berlin, on a un article dédié.
La guerre du Kippour
Entre le 6 et le 25 octobre 1973, les armées arabes livrent une guerre éclair contre Israël et réussissent pour la première fois à pénétrer le territoire israélien. Malgré une position difficile, Tsahal réussit sa contre-attaque et repousse les armées arabes de l’autre côté du Jourdain. Mais derrière cet affrontement régional, les deux grandes puissances sont à la manoeuvre, les Etats-Unis du côté d’Israël et l’URSS de celui des forces arabes. Les forces navales américaines et soviétiques ne sont pas loin de se tirer dessus directement.
La guerre de Corée
Autre affrontement entre URSS et Etats-Unis par alliés interposés, la guerre de Corée a mis aux prises les deux Corée actuelles entre 1950 et 1953. A la fin des années 40, la Corée du Nord met en place un gouvernement communiste et la Corée du Sud un gouvernement pro-Américain. Une frontière de facto s’établit sur le 38ème parallèle. URSS et Chine soutiennent la Corée du Nord et les Américains la Corée du Sud. Or les Coréens du Sud sont mal préparés et souffrent de nombreuses pertes ; l’ONU arrive à la rescousse et rééquilibre la balance. Mais la Chine décide de rentrer en guerre à son tour et tout se rééquilibre à nouveau toujours autour de ce 38ème parallèle. Après trois ans de guerre où l’on passe tout à côté de l’escalade mondiale, une armistice est signée mais pas de paix et les deux Corée en reviennent à leur situation d’avant-guerre, la frontière restant fixée sur le 38ème parallèle. Près de deux millions de morts pour rien.
L'erreur du NORAD
Le NORAD, c’est le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, une organisation qui surveille l’espace aérien de l’Amérique du Nord. Le 9 novembre 1979, le système de détection est victime d’une erreur informatique et annonce une attaque soviétique de grande ampleur. Immédiatement, les Américains se préparent à lancer des représailles d’urgence sans que Carter ne juge bon d’utiliser le téléphone rouge pour discuter avec son homologue soviétique. Heureusement, les systèmes de radar ne détectent aucun lancement de missile ; le NORAD comprend alors qu’il s’agit d’une fausse alerte après plusieurs heures de panique absolue qui auraient pu déboucher sur une guerre nucléaire mondiale.
Le génie de Petrov
4 ans plus tard, dans la nuit du 25 septembre 1983, un officier de garde soviétique situé sur une base d’alerte stratégique est alerté par le système informatique qui lui annonce que 5 missiles balistiques intercontinentaux ont été tirés depuis une base américaine. L’officier, Stanislas Petrov, n’a que quelques minutes pour prendre une décision : il prend la bonne. Jugeant que le nombre de missiles détectés est anormalement faible, il décide de classer l’incident comme étant une fausse alerte et en informe ses supérieurs qui lui font confiance. Il avait raison ; si les officiers supérieurs n’avaient pas suivi son avis, l’URSS aurait sans doute organisé des représailles qui auraient précipité le monde dans la guerre.
Les manœuvres Able Archer 83
L’exercice Able Archer 83 était un protocole de l’OTAN visant à exercer les forces de l’organisation aux procédures de déclenchement d’une frappe nucléaire. Mais plusieurs hauts dignitaires et officiers soviétiques ont estimé que cet exercice était en réalité un leurre, une manœuvre visant à dissimuler une attaque imminente. Dès lors, l’armée soviétique a été mobilisée dans son ensemble en mode branle-bas de combat pour réagir vite si leur intuition se confirmait. Heureusement, les forces soviétiques se démobilisèrent dès l’exercice terminé. Mais on comprend leur flip avec Reagan qui commençait à lancer le programme américain complètement fou de la guerre des étoiles.
L'incident de la fusée norvégienne
Premier grand moment de panique se déroulant après la chute de l’URSS, l’incident de la fusée norvégienne est en réalité une fausse alerte survenue en janvier 1995. Des scientifiques ont en effet lancé une fusée sur le territoire norvégien pour étudier des études boréales ; or, la trajectoire de la fusée ainsi que son altitude maximale étaient semblables à celles des missiles Minuteman III que les Américains avaient installés dans le Dakota et dont la fonction était de pouvoir atteindre Moscou. Dès lors, toutes les forces nucléaires russes ont été mises en alerte et Boris Elstine a dû prendre une décision quant à la nécessité ou non de riposter. Et il a déclenché l’alarme. Mais une fois le doute levé, celle-ci a été suspendue.
45 minutes de black out en 2010
Il y a dix ans, une base de l’armée de l’air américaine située dans le Wyoming s’est retrouvée dans le noir : les commandants avaient perdu tout contrôle et toute surveillance sur la cinquantaine de missiles balistiques nucléaires positionnés sur la base, les rendant vulnérables à un piratage informatique. Il a finalement été décidé de mettre ces missiles hors ligne, mais pendant 45 minutes, n’importe quelle organisation aurait pu prendre le contrôle sur eux.
Et aujourd'hui...
Les tensions liées aux questions nord-coréenne, iranienne et à la guerre en Syrie ainsi que le réchauffement climatique et l’avalanche de fake news ont conduit ses responsables à rapprocher plus que jamais de minuit l’aiguille de l’horloge de la fin du monde. C’est une manœuvre symbolique mais, aux yeux de l’horloge, nous n’avons jamais été aussi proches de l’apocalypse.