La France, c’est peut-être le pays des lumières et des frères du même nom, mais c’est aussi un pays où si l’on fait montre de sentiments antipatriotiques, on se retrouve avec un film confisqué et une interdiction de diffusion immédiate. Heureusement, les indignations étatiques passent, comme les caravanes.
Le Corbeau, d'Henri-Georges Clouzot : 3 ans d'interdiction
Tourné sous l’occupation allemande par la Continental, boîte de production à la solde de l’occupant, le Corbeau est non seulement un film anti-nazi, mais c’est aussi et surtout un absolu chef d’oeuvre. Sauf que les circonstances de sa réalisation et le portrait dégueulasse qu’il fait de la petite France rance et mesquine a conduit les libérateurs à considérer le film comme un manifeste antifrançais. A la Libération, le film a ainsi été interdit de diffusion et Clouzot frappé d’une interdiction de réaliser d’autres films ; ces deux sanctions seront levées en 1947.
Mad Max : 4 ans de censure
Le film est sorti en 1979 en Australie et en 1983 en France, quelques mois à peine avant sa suite. Le comité d’examen des films avait jugé cette fresque apocalyptique beaucoup trop violente pour être projetée dans les salles. 40 ans plus tard, y’a de quoi rire.
Afrique 50 de René Vautier
En 1950, le gouvernement français demande à René Vautier de réaliser un film documentaire pour mettre en valeur les bénéfices de la colonisation en Afrique. Mais Vautier ne se plie pas à ce qu’on lui demande et il décide plus volontiers de filmer la réalité : les pauvres conditions d’exercice de la médecine et de l’éducation dans la France coloniale, les relations difficiles entre colons et indigènes, la réalité. Résultat : le film est immédiatement censuré et Vautier file en prison. Ce n’est que dans les années 1990 qu’Afrique 50 a enfin été autorisé à être diffusé.
Les sentiers de la gloire de Kubrick
1957 – 1975 : 18 ans de censure pour un Kubrick. En pleine guerre d’Algérie et sous les menaces répétées des associations d’anciens combattants, le film ne fait pas l’objet d’une délivrance de visa d’exploitation en France. Le film évoque en effet les cas de soldats fusillés pour l’exemple pendant la Première guerre mondiale, ce qui n’est pas un des épisodes les plus reluisants de notre histoire récente. Il sortira finalement en 1975 dans un climat un peu plus apaisé.
Le petit soldat de Godard
Même combat : ce film tourné en 60 ne sortira qu’en 1963, après les accords d’Evian. Parce qu’un film sur la guerre d’Algérie en plein pendant les « événements d’Algérie », ça ne passait pas bien auprès de la toute jeune Cinquième république.
1974, une partie de campagne, de Depardon
Giscard avait spécifiquement demandé à Depardon de le suivre pendant sa campagne électorale victorieuse, en 1974. Mais une fois en possession du film, il a spécifiquement interdit sa diffusion. Au final, le film aura attendu 30 ans pour être diffusé à la télévision. Soit bien après la fin de la carrière politique de VGE et alors que son ennemi de toujours, Chirac, venait d’être réélu à la tête de l’Etat.
La Bataille d'Alger
Censuré lors de sa sortie en 1966, ce manifeste anti-colonialiste dénonçant les atrocités commises par l’armée française durant la guerre d’Algérie a reçu une première autorisation de diffusion en 1971, mais les protestations des associations d’anciens combattants (et les violences émaillant ses projections) ont finalement conduit à sa censure jusqu’en 2004.
L'âge d'or de Bunuel
Cette satire des moeurs bourgeoises, cathos, patriotiques et de tout ce que les surréalistes détestait a été projetée pour la première fois en 1930 ; mais le tollé a été si énorme et les projections si violentes (des ligues d’extrême-droite se massaient dans les salles en hurlant « mort aux juifs ») que le préfet de police de Paris a fait saisir le film et en a interdit la projection ad vitam. Finalement, L’âge d’or ne sera officiellement autorisé à être diffusé qu’en 1981 après l’élection de Mitterrand.
Zéro de conduite de Jean Vigo
De 1933 à 1946, le pamphlet anti-nationaliste et considéré comme anarchiste de Jean Vigo sera interdit de diffusion en France. Il faut dire qu’on y voit des drapeaux français jetés à terre et piétinés ; ce n’était pas super bien vu dans la France des années 30. Mais étonnamment, cette censure va contribuer largement à sa renommée, le film étant visible en Belgique et attirant des foules d’intellectuels français et curieux.
Histoires d'A de Charles Belmont et Marielle Issartel
Ce documentaire sur l’avortement a été interdit par le ministre de la culture Maurice Druon en janvier 1973 ; un an et demi plus tard, en novembre 1974, le contexte de la loi Veil entraîne la levée de cette interdiction.
La censure c’est pas bien.