Il est assez rare de croiser quelqu’un sur cette maudite planète capable de vous montrer une photo de lui/elle en clamant : « Regarde comme je suis belle/beau » (et heureusement). Le plus souvent la moindre photo de nous est l’occasion de gémissements plaintifs du type « aaaaaaan mais naaan jsuis trop moche jvais me suicider ». Et pourtant la photogénie n’a pas grand chose à voir avec notre physique mais plutôt en dit long sur le rapport qu’on entretient avec lui.
On est trop habitué à notre reflet dans le miroir
Le fait qu’on soit constamment confronté à notre reflet a plusieurs conséquences. Tout d’abord, à moins d’avoir une galerie de miroirs dans sa salle de bain, on se voit toujours de face, jamais de profil ou de trois quart. Or, dans la vie, on est rarement pile poil de face quand on s’adresse aux gens alors quand ces derniers ont le mauvais goût de vous prendre en photo sous un angle que vous n’avez pas l’habitude de voir, vous vous trouvez dégueulasse. Par ailleurs, notre salle de bain offre une lumière d’intérieur qui ne manquera pas d’atténuer les petits défauts de votre visage. Alors quand on vous prend en photo sous un néon dans une salle d’attente de chez le dentiste, c’est moins avantageux.
Ce biais cognitif s’appelle l’effet de simple exposition : développer un sentiment positif vers quelque chose qu’on voit de manière répétée, c’est pourquoi plus on voit notre reflet, plus on a tendance à l’aimer. Et aussi à se percer des boutons mais c’est une autre histoire.
La photo est une image fixe, or dans la vie on bouge
Dans la vie, on est rarement figé, à moins d’être mime sur le parvis de Notre-Dame. A l’inverse, sur une photo, on est rarement en mouvement, à moins d’être dans un livre Harry Potter. Alors quand ces deux paramètres, immobilité et mouvement, rentrent en collision ça donne bien souvent une sale tronche. Ça s’appelle l’effet visage figé (ou frozen face effect pour ceux qui ont pris italien LV2) : une image fixe extraite d’un mouvement donnera toujours une impression de tête de cul. Vous pouvez en faire vous même l’expérience en prenant n’importe quelle vidéo Youtube et en faisant « pause ».
Moins on se trouve photogénique, moins on est photogénique
Eh oui, c’est un cercle vicieux cette affaire. La photogénie a une dimension performative : en décidant que vous êtes moche, vous devenez moche. Les photographes l’expliquent mieux que moi mais en gros, si tu ne te trouves pas photogénique tu vas avoir tendance à adopter des tics de malaise qui vont t’enlaidir. La photogénie se définit énormément par notre rapport à l’objectif, si on est à l’aise et spontané on a plus de chance d’en ressortir joli.e que si on est crispé du derche et qu’on saigne des gencives.
Les canons de beauté nous mettent la misère
Déjà, rappelons que notre cerveau est un peu con et qu’il a tendance à préférer voir des visages qu’on lui placarde partout et auquel il est exposé en permanence (encore cette histoire d’effet de simple exposition mentionné dans le premier point), soit des gens très beaux retouchés sur Photoshop.
De plus, il existe tout un tas de canons de beauté qui tendent à nous faire grimacer en tordant notre bouche pour faire une jolie duck face et en supprimant globalement toute forme de spontanéité. ERREUR ! Une des clés de la photogénie, c’est justement la spontanéité. Mais pas trop. En fait il faut pas trop faire la pause, mais un tout petit peu et être spontané mais pas trop non plus.
Ouais bon sinon, vous pouvez aussi ne pas être sur la photo de famille et tout ira bien.
La concurrence est rude
Evidemment si la question de la photogénie est plus que jamais fondamentale c’est parce qu’on ne se contente plus de la traditionnelle photo de classe comme unique trace de votre portrait devant un objectif. Avec les réseaux sociaux, on passe littéralement notre vie entre les 4 coins d’un post Instagram inspirant. Le problème c’est qu’on n’est pas tout seul et face aux milliards de photos de gens dans les postures avantageuses, et des filtres adéquats (rassurez-vous, la moindre photo stylée sur Instagram est toujours mise en scène) on a souvent du mal à trouver notre place. D’autant plus que la photogénie devient un critère d’embauche, puisque même sur les réseau professionnel comme Linkedin on va naturellement préférer foutre une photo de nous où on s’auto-mettrait bien une petite pétée.
On est rarement spontané
Comme on l’a dit, la spontanéité nous rend moins laid. Or, une photo de soirée prise au débotté peut flinguer l’éventuelle spontanéité recherchée tout simplement parce qu’on va d’abord avoir le réflexe de se crisper face à l’objectif.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on aime bien prendre des selfies ; en se prenant soi-même en photo, on est à l’aise avec notre image, on sait se prendre sous notre meilleur jour et saisir la photo au bon moment. Ça explique pas mal la surcharge de selfies, seul espace photogénique où l’on se trouve pas trop moche ce qui nous pousse forcément à les partager sur les réseaux, histoire de dire « Hey regardez, en fait je suis pas mal s’il vous plaît aimez-moi ». Bien sûr, si le selfie est une pratique plaisante pour notre cerveau, ça reste une image un peu faussée de notre physique (comme on peut le voir sur ces photos Instagram version honnête).
Les appareils photos ne capturent pas tout à fait la réalité
OK la photogénie dépend pas mal de nous, de notre aisance devant l’objectif etc. Mais il faut bien reconnaître que les appareils photos (du moins, ceux qu’on a en main quand on n’est pas photographe pro) ne rendent pas toujours hommage à notre magnifique grain de peau si l’on n’est pas maquillé correctement pour mettre en valeur notre doux visage.
De fait, parce qu'on est moche
Au bout d’un moment il faut être honnête avec soi même, on n’est peut-être pas un super canon de beauté alors que ce soit dans le reflet du miroir ou dans la story de votre pote, y’a pas de raison qu’un miracle ce produise sur ce physique disgracieux. En revanche, quelle bonne grosse intelligence bien lustrée se cache derrière ce vilain minois, pfiou ça fait mal au cerveau. Bah voilà, on peut pas tout avoir vous savez.
Vive la mocheté.
Sources : Slate, Vice, la bande-dessinée Tu mourras moins bête.