S'il y a un mot à retenir pour avoir l'air intelligent, c'est celui-là, parce que c'est a priori le seul dont tu auras besoin pour te décrire. Évite quand même de le mettre dans la catégorie loisirs de ton CV si tu ne veux pas que ton employeur sache que tu adores tout remettre à plus tard. Mais tu peux quand même insister sur ton goût du défi et ta gestion du stress exceptionnelle.
- "J’aurai le temps demain"
Et si on part du principe qu'actuellement, sur l'échelle de l'envie de faire ce truc, tu es à 0, il y a de très fortes chances qu'il soit moins pénible à faire le lendemain, quand le stress grimpera et que tu seras à 1. - "Si je le fais aujourd’hui, ce sera à refaire dans pas longtemps"
Logique imparable. Si tu commences à réviser trop tôt une interro, une semaine plus tard tu auras tout oublié et devras t'y remettre, ce qui doublerait ta dose de travail. - "Il faut que je range, là"
Une fois que tous mes livres seront classés par ordre alphabétique, mes fichiers bien regroupés par date et dossier dans mon ordi, et mes polys glissés dans des pochettes plastiques, elles même insérées soigneusement dans des classeurs achetés pour l'occasion, ce sera tellement plus facile de s'y mettre. - "Pas besoin tout de suite, non ?"
Pourquoi tu cries ? Pourquoi tu t'énerves ? Y'a mort d'homme ? Non, bon, ça peut attendre alors. Et si la vaisselle sale te rend hystérique, alors même que tu n'as aucune raison d'entrer dans la cuisine, je n'y suis pour rien. - "Je fais autre chose, là"
Et il se trouve que j'ai justement très très envie de faire cette chose. Et même, que je n'ai jamais été aussi efficace de ma vie. Faut-il vraiment que j'interrompe cet instant de grâce, ce climax d'efficience pour toi ? Et si je ne le retrouvai jamais ? JAMAIS ? Tu pourrais vivre avec ça ? - "Je le fais tout de suite après"
Et je ne te dirai certainement pas après quoi exactement. Toujours est-il que la prochaine fois que tu me demanderas si la chose est faite, je te répondrai que tu n'as pas de souci à te faire, mais que l'heure du fameux "après" n'est pas encore arrivée. - "Je fais juste une pause, là"
OUI, elle dure plus longtemps que le temps que je prends pour étudier. Mais si je n'en fais pas, ou même si je l'écourte, tu peux dire adieu à ma productivité légendaire en situation de crise. - "Nan, mais Michel m’a promis de venir aider, alors je l’attends"
Pourquoi commencer seul s'il a déjà tout fait. Je n'aurai qu'à recopier pendant qu'il m'expliquera, et à la fin de la séance, j'en saurai autant que lui après une semaine de révisions intenses. Certes, ce n'est pas très juste pour Michel, mais on a négocié une bière il est d'accord. - "Ça va pas être utile, ça"
Michel aussi procrastine de temps à autre. Il convient sans scrupule que tel chapitre ne sert à rien, qu'on s'en branle de savoir telle date et que, ça, vous en avez déjà entendu parlé et que vous saurez broder sur le thème. L'avantage de Michel est qu'il suit les conseils du prof pour ce faire, tandis que vous ne vous fiez qu'à votre instinct. - "Je passe devant le magasin, en allant au travail, j’irai demain"
Problème réglé. Sauf que tu vas oublier de vérifier les horaires du magasin. Mais, entre nous, ça t'arrange bien qu'il soit justement fermé, ça te fournit direct une nouvelle excuse. Et entre-temps, quelqu'un se sera sûrement chargé des courses à ta place, en y allant pile pendant les heures d'ouverture. Le petit veinard. - "Putain j'ai une heure pour bosser mais j'ai trop de trucs à faire, je sais pas par quoi commencer"
Ne nous voilons pas la face, tout est extrêmement urgent, et tu n'auras humainement pas le temps de tout faire. Puisque de toute façon tu vas sortir à ta prof de maths "j'étais sur autre chose de très important en anglais et que l'excuse va passer, pourquoi ne pas sortir la même à son alter ego anglophone et partir faire des roulades dans les champs ? - "Je suis fatiguée, là, ça servirait à rien"
Ben oui, hein, on apprend mieux quand on est en forme. Je ne suis pas en forme. Donc je n’apprendrai pas. Et non, je n'irai pas faire une sieste de 10 minutes. Et oui, regarder la télé en mangeant des chips pendant une heure est efficace contre la fatigue. - "Je m'y mets à 9h00"
Et là, tu vois, il n'est que 8h43, et ça n'aurait aucun sens de faire une heure de travail de 8h43 à 9h43, tu comprends ? Donc j'attends 9h00 et en attendant je regarde des vidéos. - "Une dernière vidéo, et je m’y mets, promis !"
Oui, bon, encore une. Et celle là à l’air marrante aussi. Bon, plus que deux. Eh viens voir celle-ci est trop drôle ! Allez, elle, c’est la dernière ! Putain mais tu m'empêches de travailler avec tes conneries ! Bon il est 9h13 c'est foutu, je m'y mets à 9h30. - "Je voulais le faire, mais..."
Donc oui, si c'est ce que tu voulais savoir, je l'ai pas fait. Mais j'y ai vraiment pensé tu vois, j'en avais vraiment envie, et puis la vie a fait que non. Tu peux pas m'en vouloir pour ça. - "Mon dieu j'ai rien foutu, la dose de travail s'accumule, panique, angoisse, réagis, RÉAGIS"
Problème réglé ; tu vas consacrer cette heure (voire deux ou trois de plus) à élaborer un programme du feu de dieu avec des horaires de nazi, 10h de révisions intenses par jour et seulement 10 minutes de pause entre chaque. . - "Nan mais attend là j'ai super bien bossé"
Alors, non, tu as juste fait un programme de révisions. Et même si, maintenant, tu connais le nombre exact de chapitres à réviser, enfin tu l'as écrit quoi, et surligné en rose, laisse moi te rappeler que tu n'as absolument aucune idée de leur contenu. - "Ouais mais j'ai calculé, si je respecte bien mon programme en deux jours c'est plié, donc je n'ai aucune raison de commencer tout de suite"
On se demande d'où te vient cette confiance absolue dans tes programmes alors que systématiquement, au bout d'une heure de travail, tu paniques complètement en te rendant compte que tu n'en es qu'au dixième du chapitre que tu étais censé boucler voilà une demi-heure. Arrête, on te dit, ça ne marche pas. - "J'entends bien, mais ça, c'est plus urgent"
Que les choses soient claires, tant que mes partiels ne seront pas passés je ne ferai pas le ménage. Jamais. Est-ce que tu réalises que durant ces cinq minutes que j'emploierais à passer l'éponge je pourrais potentiellement manquer LA formule qui m'assurerait la moyenne ? - "Est-ce qu'en travaillant autant je ne passe pas à côté de ma vie ?"
Et si je me faisais écraser par un bus le lendemain de l'examen ? Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux que je croque la vie à pleines pendant ces deux petites semaines qu'il me reste à vivre ? - "Mais je peux pas me concentrer dans ces conditions"
Ça m’énerve d'ailleurs, j'étais dans de si bonnes dispositions pour tout défoncer. Mais entre le voisin qui tond la pelouse, le bébé qui pleure à l'étage au dessus et toi qui regarde la télé, comment veux-tu que je travaille ? - "J'ai déjà bien travaillé, je mérite une récompense"
C'est à dire allumer la télé, manger des céréales, faire une sieste. Au passage j'apprécierais aussi que tu me félicites pour le travail abattu. C'est important, le soutien de ses proches, tu sais, pour atteindre ses objectifs. - "Mais ça va, Michel a pas commencé ses révisions non plus"
Et, non, je ne lui ai pas demandé ses motivations, je lui fait une entière confiance. Tant que tous mes amis n'auront pas le nez plongé dans leurs bouquins et qu'il en restera un dispo pour prendre un verre, je le suivrai. Jusqu'au bout. - "T'as pas faim, toi ?"
Je vais juste me faire un sandwich au jambon et je reviens. Ah merde ya plus de jambon. Bon je vais faire des courses et je reviens. Eh j'ai acheté de quoi faire des fajitas, tu viens m'aider ? Attends j'appelle Michel, il adore ça les fajitas. Je lui demande de prendre des bières ? - "Non mais en regardant la télé j'apprends plein de trucs"
Et puis même, tu sais pas, un verre entre amis peut t'apprendre beaucoup plus sur toi-même, le monde qui t'entoure, et le contenu de la prochaine interro, que la pile de feuilles volantes sur ton bureau. Mieux, ça me donne un regard neuf et frais sur la matière qui séduira à coup sûr le correcteur de ma copie, tu peux me croire. - "J'en suis à 60% de mes révisions, donc si je me démerde bien aux partiels, j'aurai déjà la moyenne"
D'ailleurs ça m'avance à quoi d'avoir une bonne note ? Laisse-moi regarder. Pour le semestre à l'étranger, vu que je suis la/le seul(e) à vouloir partir en Lettonie, rien. Pour mon master, vu qu'il n'est pas sélectif, rien. Et pour mon estime personnelle, vu que je considère que l'important est avant-tout d'être une belle personne, rien non plus. Bon, bah on va s'arrêter là.
Allez, arrête de procrastiner feignasse. La vaisselle t'attend.