La série B n'a rien à voir (ici, en tout cas) avec la deuxième division du calcio italien, mais bien avec la catégorie de films cheap projetés en "double feature" (c'est à dire deux films pour le prix d'un) - appellation élargie à tout les films tournés en deux temps trois mouvements avec quatre francs cinq sous. A ne pas confondre avec les séries Z, autrement appelés Nanard. A l'occasion de la sortie de "Machete", dernier film hommage à la série B de de Robert Rodriguez (l'ami de Tarantino), GQ nous propose un retour sur les films de (sous-) genre fauchés, qui ont fait la gloire et la fortune du "cinéma bis".
- La féline (Jacques Tourneur, 1942) : la série B suggérée. Irina croit descendre d’une lignée serbe de satanistes maudits – brr. Tout ça paraît plutôt loufoque jusqu’au moment où d’étranges (épi)phénomènes se produisent. Les apparitions de la femme panthère se manifestent par une ombre sur un mur, un miaulement inquiétant ou une robe lacérée, mais jamais (ou presque) par une présence visible, ostensible - la griffe, non pas de la bête, mais de l’immense Jacques Tourneur, maître de l’horreur suggérée.
- En quatrième vitesse (Robert Aldrich, 1955) : la série B polar. Enquêtant sur la mort d’une jeune femme qu’il a brièvement connu, Mike Hammer est pris dans une spirale qui le dépasse, matérialisée par une boîte "pandorienne" au contenu mystérieux. Cette petite bombe speedée et jazzy (chef-d'oeuvre absolu) signe l’irruption des peurs collectives (ici la bombe atomique) dans le polar et fait en quelque sorte le (long) pont entre les classiques du film noir et les polars énigmatiques et planants de David Lynch.
- L'homme qui rétrécit (Jack Arnold, 1957) : la série B bricolée. L’univers familier du domicile de Scott Carey devient le lieu de tous les dangers quand il commence à rétrécir, jusqu’à ne mesurer plus qu’une poignée de centimètres. Ou comment un pavillon banal se transforme en jungle hostile. Scott, en mini-tarzan de banlieue middle-class devient la proie de son propre chat et affronte une araignée en corps à corps. Effets spéciaux bricolés et noir et blanc soigné, pour une fable impitoyable sur la condition de l’homme moderne.
- Shock Corridor (Samuel Fuller, 1963) : la série B parano. Journaliste en quête de reconnaissance, Johnny Barett se fait passer pour un fou afin d’intégrer un asile psychiatrique et débusquer un assassin. Mais l’environnement étouffant éveille des troubles grandissants chez le héros jusqu’à ce qu’on ne sache plus très bien si il joue la comédie ou si il a véritablement perdu la raison. Le dernier plan du film est à cet égard terrifiant. Fuller interroge les maux de l’Amérique (plusieurs des patients incarnent un traumatisme de leur pays – Vietnam, Esclavage…), en fondant sa mise en scène autour du couloir qui traverse l’asile, comme la rue unique d’une ville de western.
- La Nuit des morts-vivants (George Romero, 1968) : la série B de zombies. Premier et plus célèbre opus de la trilogie zombie de Romero, La nuit des morts vivants est un modèle de film tourné sans aucun moyen, mais au succès foudroyant (comme a pu l’être depuis Blair Witch Project, par exemple). Si les morts sont ramenés à la vie par un virus extraterrestre, Romero illustre la tendance paranoïaque d’une époque et montre que le danger peut venir de l’intérieur, les vivants risquant d’être dévorés par leur propres ancêtres.
- L'Oiseau au plumage de cristal (Dario Argento, 1970) : la série B giallo. Le Giallo, qui désignait en Italie le roman policier, est devenu un genre à part entière du cinéma, mêlant polar, fantastique et érotique, dans un cocktail baroque et hémoglobineux, qui fit les beaux jours du gore transalpin. L’oiseau au plumage de Cristal est le premier film de son auteur, virtuose du genre avec Mario Bava. Le coup d’essai est un coup de maître qui inspirera nombres de grands cinéastes parmi lesquels Brian De Palma.
- Chromosome 3 (David Cronenberg, 1979) : la série B bizarre. Avec The Brood (en VO), Cronenberg poursuit son exploration des névroses modernes entamée en 1969. Un psychiatre expérimente une nouvelle thérapie à base de "psychoprotoplasmes". Un mot qui illustre bien l’étrangeté de l’univers du cinéaste canadien, composé ici de phoetus sanguinolents et autres créatures organiques non identifiées.
- Massacre à la tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974) : la série B gore. LE film qui a servi de modèle à tant d’autre jusqu’au remake inutile sorti en 2004. Une bande de jeunes, sur la route, un autostoppeur flippant, et une station service glauque, le tout en plein désert Texan – c'est-à-dire au milieu de nullepart. Combien de films d’horreur adolescents à l’odeur de pop corn et de sodas se sont inspirés de ce modèle depuis ? En laissant trop souvent en cours de route ce qui fait le prix des films d’horreur seventies, la critique sociale d’un pays traumatisé, paranoïaque et cannibale (enfin ici).
- The Saddest Music in The World (Guy Maddin, 2003) : la série B arty. Les films de Guy Maddin ne sont pas à proprement parler des films de série B. Mais le goût pour des univers décalés, l’approche quasi expérimentale et les budgets très réduits rappellent l’âge d’or du cinéma Bis. Un mélange de Jack Arnold et de David Lynch, avec un peu de Kenneth Anger pour épicer le plat, par exemple. Avec les films de Maddin, la série B entre au musée.
- Boulevard de la mort (Quentin Tarantino, 2007) : la série B grindhouse. Avant Machete, Rodriguez avait dirigé une moitié de Grindhouse movie (Planète Terreur), Tarantino se chargeant de l’autre. L’univers citationnel du réalisateur de Pulp Fiction s’accomode parfaitement des codes du grindhouse : BO tonitruante, moteurs vombrissants, tueur macho et filles à gogo.
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Source : notre partenaire GQ