Qui dit série dit le plus souvent "canapé", "procrastination" et encore "t’as pas fait tes devoirs". Oui, regarder des séries, ça peut être terriblement chronophage et ça peut à l'occasion faire oublier de déclarer ou de payer ses impôts à temps. Pourtant, les sitcoms peuvent également être un véritable vecteur de transformation des sociétés. Si, si. Vous pensez qu'on s’enflamme un peu et que l'on cherche simplement à justifier théoriquement nos heures perdues devant nos petits écrans ? Alors suivez cette petite liste, non exhaustive, de héros que l’on retrouve quotidiennement et qui ont aidé à la diffusion en masse de valeurs un peu nouvelles, parfois un peu plus profondes que les leçons de style de Sarah Jessica Parker ou de Blake Lively. Oui les séries tv, tout comme le cinéma, ont pu aider à faire changer les mentalités ? La preuve...
- I love Lucy (1951-1957) : "la place des femmes". Lucy Ricardo, femme au foyer qui s’ennuie ferme, tente vainement de s’émanciper de sa condition et de poursuivre ses ambitions artistiques pendant près de 180 épisodes. Ceci n’est pas du goût de son mari qui la trouve très bien en tablier et bigoudis. Si Lucy a parfois le don de se saboter toute seule (et installe par là les quiproquos et les conflits comme les principaux ressorts de la sitcom comique), la performance de l’actrice Lucille Ball, que l'on verra même enceinte à l'écran, dépoussière un peu le conservatisme à l’américaine. Juste un peu oui, mais on est dans les années 1950 et le chemin à parcourir était encore long. On verra avec "Mad Men" qui se déroule au début des années 60 qu'il y avait eu des avancées, mais que le combat de la femme pour se faire une place n'en était qu'à ses débuts.
- M*A*S*H* (1972-1983) : "la drôle de guerre". Dans les années 1970, pour la première fois à la télé une série cynique ose franchement l’humour sur un sujet grave. M*A*S*H raconte en effet l’histoire d’une poignée de médecins qui, pour survivre à l’horreur, tentent de se poiler au milieu du conflit qui déchire la Corée. Il faut croire qu’il y avait vraiment du potentiel comique puisqu’ils en ont fait 250 épisodes et que le dernier reste un des épisodes les plus suivis de toute la télé américaine. On peut rire de tout et presque avec n'importe qui.
- Cosby Show (1984-1992) : "la télé prend de la couleur". Une sitcom somme toute classique respectant les standards de la série familiale américaine au milieu des années 1980. A un détail près, c'est que tous les acteurs ou presque sont noirs. On peut donc être afro-américain, représenter une classe aisée (Bill Cosby est médecin-gynécologue dans la série), et faire une série à très grand succès multi-récompensée (Emmy Awards, Golden Globes...)
- Les Simpsons (depuis 1990) : "la satire pour tous". Mais comment une poignée d’individus jaunes et gesticulants ont-ils pu devenir une des plus grandes sources d’expressions culturelles et de slogan, presque au même titre que Shakespeare et la Bible ? En étant simplement une satire impitoyable de la société américaine. Depuis la petite ville de Springfield, son créateur Matt Groening tape sur tout le monde avec un humour finement ciselé: politique, police, clergé, enseignement... Oui Homer le beauf américain qui aime la bière et les donuts peut aider à libérer la parole sur quelques sujets sensibles. Il a au moins permis de les aborder à une heure de grande écoute pour plusieurs générations depuis plus de 22 ans. Quelques années après, South Park ira encore un peu plus loin, faisant tomber les derniers tabous de l'animation.
- 24 heures chrono (2001-2010) : "la maison blanche... et noire". L’originalité principale de la série, c’est qu'elle tente de représenter les faits en temps réel pour la première fois avec une telle ampleur. Ainsi, une saison représente en fait une journée et chaque épisode une heure de cette journée. C’est pour cela qu’il dure 43 minutes (non les créateurs n'étaient pas fâchés avec les maths, le reste c'est de la pub). Jack Bauer a donc des journées de fou. Mais la vraie info c'est qu'on introduit un président noir, David Palmer, à la Maison Blanche, une petite révolution donc, et qu'on n'en fait pas tout un plat. Quelques années avant Barack Obama. Pas mal pour un créateur de la série plutôt républicain et qui justifie la torture dans presque chaque épisode comme un moyen infaillible d'arriver à ses fins...
- Nip/Tuck (2003-2010) : "les tabous tombent". Inutile de dire en quoi une série provocatrice et très portée sur la sexualité mettant en scène deux chirurgiens esthétiques sans scrupules a pu secouer la télévision. S’il devait exister un recensement exhaustif des tabous de la société américaine, ce serait sans doute la liste des thèmes abordés dans Nip/Tuck. Certes les résultats d'audience étaient faibles au bout de la 6eme saison, mais on n'avait encore jamais osé évoquer certains sujets à heure de grande écoute.
- Star Trek (1966 à 2005 sous ses différentes formes) : "la SF intelligente". Star Trek, c'est un univers plus qu'une simple série vu que plus de 5 séries ont dérivé de l'original de 1966. Mais dès cette époque, la mission de l'Entreprise et de l'équipage du capitaine Kirk est d'explorer la galaxie pour y découvrir de nouvelle formes de vie. Ce qui veut dire se confronter à l'autre et donc se remettre en question. Guerre, racisme, sexisme, impérialisme, droit de l'homme, Kirk et Spock enchaînent frontalement les questions de fond. Et le tout en combinaison-pyjama, pour ne rien gâcher.
- Queer as folk (1999-2005) : "la vague rose". Première série ayant pour personnages principaux des homosexuels. La télé qui ose et qui provoque de nombreux débats à la sortie de la série d'abord en Angleterre (1 saison) puis aux USA (5 saisons). La barrière était franchie et le flambeau sera repris avec succès par the L Word, version communauté lesbienne à Los Angeles cette fois ci. L'homosexualité n'est pas pour autant toujours bien acceptée, mais au moins elle n'est plus cachée.
- Les Sopranos (1999-2007) : "la qualité cinéma". Encensée par la critique, la série est reconnue comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la culture populaire, abordant des thématiques graves avec humour et finesse. Et pour cause, pas facile de gérer une vie de famille agitée quand on est mafieux de profession. Les Sopranos, c'est l'arrivée à la télévision de séries aux qualités jamais vues jusque là. Ca ne change pas les mentalités mais ça change bel et bien la vision qu'on se faisait d'une télévision au rabais, capable maintenant de rivaliser avec le grand écran. "Six Feet Under" ou "The Wire" viendront largement confirmer cette vague.
- NYPD Blue (1993-2005): "celle qui ouvre la voie". Y aurait-il eu "24 heures", "The Shield", et autres "NCIS" et "Experts" sans cette série ? On peut en douter. Au delà de l'aspect technique novateur "caméra à l'épaule", NYPD Blue c'est la série aux 3 Golden Globes qui rend les policiers "humains". La télé peut prendre le risque de montrer des enquêteurs qui ont des failles, doivent faire face à une violence qui n'épargne pas le téléspectateur, et ne résolvent pas les tous problèmes à chaque fois. On est loin de Arabesque...
Sources :
Time.com, The Daily Beast, EW