Même si le sachant malade depuis quelques années, on s'y attendait un peu. Même s'il n'avait plus sorti de disque depuis quinze ans. Même si on ne l'écoutait que trop rarement, lui préférant des chanteurs plus « modernes » ou tout simplement plus actuels. Jean Ferrat, le dernier des « grands », nous manquera infiniment. Pour lui rendre hommage, le top 10 des raisons de pleurer la mort de Jean Ferrat.
- Parce qu'au panthéon des monuments de la chanson française, de ceux qui nous permettent de constater à quel point Bénabar (celui qui fait l'apologie des Calzone), ou Cali (celui qui nous fout la honte d'être de gauche) sont quantité négligeable, il est juste après les trois « monstres » (Brel, Brassens, Ferré) : une place de choix.
- Parce que là où Renaud avec Hexagone, nous décrivait une France rance et moisie au racisme ordinaire et à la beauferie crasse, Jean Ferrat avait su six ans auparavant rendre justice à ce si beau pays qu'est le notre, en chantant la si touchante Ma France : hymne aux campagnes de Provence, d'Ardèche et de Bretagne mais aussi à l'esprit des Lumières, à la classe ouvrière et à ses luttes, et aux artistes, qui faisaient alors de Paris, la capitale culturelle du monde. Tout ceci sans une once de racisme ou de chauvinisme. A méditer en ces temps ou être français semble se résumer, à être antimusulman.
- Parce qu'il avait su chanter de magnifiques textes sur des sujets vraiment casse-gueules : la Shoah avec Nuit et brouillard, la révolte des marins du Potemkine contre le pouvoir tsariste. Où on en revient à la vacuité d'écrire des textes sur des pizzas...
- Parce qu'étant communiste, il s'est souvent trompé, a soutenu des régimes vraiment pas démocratiques (et c'est vraiment le moins que l'on puisse dire), et que malgré ces erreurs, on lui conserve une infinie tendresse : Faut dire que le bonhomme a eu l'excuse d'être sauvé de la déportation par des militants du PCF, ça aide (même si cela n'excuse pas) à rendre aveugle sur les crimes du stalinisme.
- Parce qu'à l'instar de Ferré, il a su merveilleusement mettre en musique Aragon, en choisissant la face amoureuse et tendre du poète : (Nous dormirons ensemble : plus belle chanson d'amour de tous les temps ?), là où le chanteur anar avait opté pour celle plus militante de l'Affiche rouge et de Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Une époque où la chanson avait l'ambition de faire entrer la poésie dans les transistors. Où on en revient toujours à l'ineptie d'écrire sur des pizzas...
- Parce que vingt ans avant que l'écologie ne devienne un sujet d'actualité, il avait su défendre l'image d'une France rurale, et belle, mais abandonnée par ses jeunes : avec le multi platiné La montagne, le thème de la désertification de nos campagnes étant traité sans le moindre passéisme. L'anti-journal de Pernaut en somme.
- Parce qu'avec Montand, il possédait une des voix les plus chaudes et graves de la chanson française.
- Parce qu'à l'abri des médias, loin du parisianisme et de tout esprit de promotion, il est resté un artiste populaire au sens le plus noble du terme.
- Parce que son catalogue ayant été racheté par la major Polygram en 1980, et désireux de ne pas dépendre d'elle, il avait réenregistré tous ses titres. La classe.
- Parce qu'il ne chantait pas pour passer le temps (ni pour parler de pizzas).
Top écrit par EBR, topiteur mélomane-militant.
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