En deux décennies le manga s’est imposé en Europe et en France comme étant le format de bande dessiné le plus vendu et le plus populaire, dépassant même le traditionnel comics américain qui est pourtant de plus en plus représenté au cinéma. C’est d’une part l’offre colossale de variété de manga qui attire un public de plus en plus large mais aussi l’arrivée massive d’animés (l’adaptation en dessin animé des mangas) dans l’hexagone qui en font aujourd’hui le produit culturel le plus vendu du pays avec le jeu vidéo. Mais à quel prix les auteurs (mangaka) doivent travailler pour connaitre la gloire et voir leurs oeuvres être éditées ? C’est ce qu’on vous propose de voir en quelques points.

La galère d'être édité

Avant même de parler du reste il faut évidemment aborder la difficulté d’être édité au Japon dans l’un des nombreux magazines de manga (mangashi). Le problème principal c’est le nombre d’auteurs beaucoup trop élevé qui veulent se faire éditer et ce même si le pays produit une quantité astronomique de mangas mensuellement. Certains passent des années avant de percer à travailler sans toucher d’argent de leur art et d’autres abandonnent tout bonnement le projet en voyant les portes des maisons d’édition se fermer devant eux.

La galère d'être lu

S’il y a des trucs chiants quand on vit dans un manga, il semble y en avoir encore plus quand on les écrit. Pour ceux qui arrivent à passer l’étape de l’édition (et c’est déjà une énorme galère) il y a un second palier à dépasser : celui d’être lu. Ici aussi le problème c’est que l’offre énorme : une nouvelle oeuvre se retrouve noyée au milieu d’un immense lot d’autres oeuvres et doit se démarquer pour trouver son public et avoir une chance de continuer. Les formats étant épisodiques, les magazines n’hésitent pas à abandonner une série qui ne marche pas.

Crédits photo (CC BY-SA 3.0) : Doc Sleeve sur Wikipédia allemand

L'ombre pesante de l'annulation d'une série

Généralement, lorsqu’un magazine édite une nouvelle série il réalise un sondage auprès de ses lecteurs pour connaitre les séries préférées du public. Celles qui fonctionnent bien continuent d’être éditées jusqu’à ce qu’il y ait assez de numéros pour faire un tome relié mais pour les autres c’est une annulation pure et dure avant même d’avoir réussi à bien développer son histoire. Dramatique pour ceux qui pensaient enfin être édité et avoir passé la première étape.

Un stress constant (et grandissant) dès le début de la carrière

Si la galère d’être édité qui peut prendre plusieurs années chez certains ainsi que la crainte de voir sa série annulée faute de succès auprès du public est déjà bien pesante et stressante pour les mangakas dès le début de leur carrière, les problèmes s’intensifient grandement pour ceux qui ont « la chance » de continuer l’aventure pour une raison bien particulière : le rythme de parution aberrant. Aucun moment de répit n’est autorisé, aucun soulagement n’est présent, le stress est constant du début à la fin de la série, ce qui peut prendre des années.

Crédits photo (CC0 1.0) : Havang(nl)

Un rythme de parution historiquement implanté

À partir du moment où un manga commence à être populaire et à marcher on peut sérieusement dire que les vraies emmerdes arrivent. Le rythme de parution scandaleusement effréné joue très souvent sur la santé des mangakas : plus aucun retard n’est toléré et il faut produire le nombre de pages imposé par l’éditeur chaque semaine et recommencer la semaine d’après sans aucune interruption. Historiquement ce rythme de parution existe depuis trop longtemps pour être réformé et même si de gros poids de l’industrie comme les auteurs de One Piece, de Naruto ou de 20th Century Boys ont déjà critiqué le système il ne semble pas changer de sitôt.

Une hygiène de vie dangereuse et des problèmes de santé sérieux

Faites une simple recherche sur internet en tapant les mots « problème santé mangaka » et vous allez voir qu’on ne compte pas qu’un seul exemple. Les mangakas passent en moyenne entre 12 et 15 heures par jour à travailler et certains dorment tellement peu et n’ont que trop rarement des vacances qu’ils développent des maladies ou des problèmes de santé après quelques années de travail. Problèmes de dos, dépressions, suicides, burn-out, maladies, épuisement… On ne compte plus les exemples flippants qui touchent les auteurs du milieu.

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Un phénomène qui touche même les "stars" du milieu

Ces problèmes ne touchent pas que les jeunes mangakas, même l’auteur du manga le plus vendu de tous les temps Eiichiro Oda (One Piece) a confié dormir trois heures par nuit et espérer en terminer bientôt avec son manga qui existe depuis près de 20 ans pour enfin se reposer. Naoki Urasawa (Monster, 20th Century Boys) avait aussi déclaré dans les années 2000 que le rythme de parution tuait et épuisait de nombreux artistes et qu’il n’était pas sain de continuer sur ce modèle.

Des éditeurs de plus en plus oppressants

À mesure qu’une série devient un succès l’éditeur presse l’auteur et prend de plus en plus le contrôle de l’oeuvre pour en assurer la longévité. Si on parlait d’une interdiction formelle de retard sur les rendus cela va plus loin : l’éditeur peut obliger l’auteur à prendre une direction qu’il ne veut pas dans son oeuvre ou même à l’allonger contre son avis pour continuer de vendre. Le meilleur exemple de ce genre de cas est Death Note qui devait initialement se terminer après sept tomes mais dont l’éditeur a poussé pour allonger la série, d’où l’arrivée du personnage de Mello après la période « L ».

Crédits photo (Creative Commons) : TokyoPop

L'animé, la consécration ultime pour booster les ventes et le piège fatal du rythme de parution

Lorsqu’un manga connait un succès vraiment important il peut être adapté en animé. Ces séries tv en dessin animé peuvent alors gonfler considérablement la popularité d’une oeuvre et booster les ventes du manga original, comme avec L’attaque des titans. Mais le piège d’un animé est que si le manga original n’est pas terminé il peut vite rattraper le rythme de parution et obliger l’auteur à augmenter sa fréquence de travail. L’animé peut alors être retardé avec des « épisodes fillers » qui ne sont pas dans l’oeuvre originale mais allongent l’histoire pour étendre les saisons en attendant la suite du manga. Un moyen de pression encore bien stressant.

Un succès mondial qui ne va pas arranger les choses ?

Si la vente de mangas est un succès colossal au Japon et en Europe depuis des décennies, il continue d’attirer de plus en plus de gens y compris aux États-Unis où la culture du comics est pourtant prédominante. Devant un public beaucoup plus large et des ventes de plus en plus importantes il est malheureusement prévisible que le rythme imposé par les éditeurs aux mangakas ne change pas. Des pratiques qui durent depuis bien trop longtemps comme le prouvent les paroles de Akira Toriyama, le créateur de Dragon Ball, qui déclarait en parlant de son rythme de travail de l’époque : « il fut un temps où je ne dormais que vingt minutes en l’espace de six jours, c’était comme si j’allais mourir ».

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Il est parti à la ferme des liens cassés pour prendre des petites vacances, il est avec tous ses copains, ne t'inquiète pas.

Et sinon vous pouvez aller voir les mangas à lire un jour dans sa vie et les sujets de manga les plus improbables, de quoi découvrir plus en détail ce monde formidable qui épuise malheureusement ses auteurs.

Sources : Otome Street, Anime News, Balises BPI, WeLoveBuzz, Lives Actualité.