Le Festival de Cannes, c'est parti. A côté des soirées de folie et des cocktails d'arrivistes où les pédants et les nouveaux riches en mocassins s'agglutinent juste pour indiquer sur Facebook qu'ils y étaient ("j'aime"), sous les yeux de badauds locaux vivant par procuration l'événement cinématographique français de l'année, il y a aussi des mecs qui sont là parce qu'ils font du cinéma (on appelle ça des cinéastes), c'est-à-dire des types qui sont venus sur la Croisette pour picoler et se pavaner, certes, mais aussi pour rafler des récompenses. L'identité de Cannes, finalement, ce n'est pas seulement un tapis rouge sur des marches, mais aussi et surtout des créateurs récompensés.
- Ethan et Joel Coen
Lauréats de la Palme d'or 1991 pour "Barton Fink", les frères "réalisateurs à deux têtes" détiennent une belle collection de Prix cannois de la mise en scène, qu'ils ont remporté à 3 reprises : pour "Barton Fink", pour "Fargo (1996) et pour "The Barber" (2001). S'ils se partagent traditionnellement réalisation, scénarisation, production et montage, une question reste toutefois en suspens : lequel des 2 frères Cohen garde les trophées posés fièrement sur sa cheminée, Ethan ou Joel ? - Robert Bresson
S'il n'a jamais été lauréat de la Palme d'or cannoise, le très pieux et janséniste Robert Bresson a réussi la performance de voir étaler ses trophées sur 4 décennies successives : Prix de la mise en scène pour "Un condamné à mort s'est échappé" en 1957, Prix du jury pour "Le Procès de Jeanne d'Arc" en 1962, Grand Prix de la semaine internationale de la critique pour "Lancelot du Lac" en 1974 et de nouveau le Prix de la mise en scène pour "L'argent" en 1983. A ne pas confondre avec Luc Besson, lui aussi auteur d'un "Jeanne d'Arc" (1999), mais légèrement moins branché film d'auteur... - Michelangelo Antonioni
Virtuose du néoréalisme italien d'après-guerre, Antonioni doit beaucoup au Festival de Cannes, qui confère à son cinéma une stature internationale après le Prix du jury obtenu pour "L'avventura" (1960). Suivra le Prix spécial du jury pour "L'Éclipse" (1962), la Palme d'or pour "Blow-Up" (1967), puis le Prix du 35e anniversaire pour "Identification d'une femme" (1982). Antonioni adoré par le Festival donc, mais un tantinet moins bien considéré par les spectateurs cannois qui s'écervelèrent devant la projection de "L'avventura" en huant bruyamment le réalisateur italien, avant de l'assaillirent de jets de tomates durant la remise du prix du Jury, simplement parce qu'ils n'avaient pas compris la trame générale du film... - Emir Kusturica
Membre du jury en 1993, président du jury du court-métrage en 2003 puis président du jury du festival de Cannes en 2005, le réalisateur serbe a également squatté les hôtels prestigieux de la Croisette quand il a bien fallu se déplacer jusqu'à Cannes pour récupérer les 2 récompenses personnelles qu'il a obtenu pour ses Palmes d'or ("Papa est en voyage d'affaire", 1985, et "Underground" en 1995), pour son Prix de la mise en scène ("Le temps des Gitans", 1988), ainsi que pour "La vie est un miracle" (2004), récompensé dans la catégorie du Prix de l'Éducation nationale. Emir, s'il n'a pas de film en compétition cette année, devrait tout de même être présent dans les rads de la croisette. Enfin tout dépend : "elle est passé la loi sur les Roms ou pas ?" - Francis Ford Coppola
Le "Napoléon du cinéma", mégalomane volubile et dictatorial, dont l'arrogance a pour seul équivalent l'énormité de son talent, parvient à obtenir 2 Palmes d'or en quelques années, respectivement pour "Conversation secrète" (1974), puis pour "Apocalypse now" (1979), Palme qu'il est contraint toutefois pour ce dernier de partager avec "Le Tambour" de Volker Schlöndorff, partage qui, on s'en doute, a du emplir son lui intérieur d'un bonheur indicible... - Jean-Pierre et Luc Dardenne
Sur les 8 longs-métrages réalisés par le duo, la moitié ont été récompensés par une distinction au festival de Cannes, dont 4 sur les 5 derniers films ! C'est dire la considération de la Croisette pour les frères Dardenne. La Palme d'or en 1999 et en 2005 pour "Rosetta" et pour "L'Enfant", le prix du scénario 2008 pour "Le Silence de Loma", puis le Grand Prix pour "Le Gamin au vélo". Bon, par contre, c'est bien gentil de toujours se déplacer à 2 comme ça, mais il faudrait finir par nous dire qui est JP, et qui est Luc... - Michael Haneke
Figure récurrente du festival de ces dernières années, l'autrichien Michael Haneke obtient depuis une dizaine d'années une récompense tous les 4 ans dans le festival le plus prestigieux du monde. Ainsi, il obtient le Grand prix du jury en 2001 pour "La Pianiste", le Prix de la mise en scène en 2005 pour "Caché", et la consécration suprême avec la Palme d'or pour "Le ruban blanc". "L'amour", son 12e long-métrage, est également nominé cette année. Critique sociologique perpétuel de la société bourgeoise et de ses réflexes conservateurs (on se souvient de la violence psychologique cruelle et gratuite de son "Funny Games", 1997), dont il condamne les réflexes égoïstes et sectaires, on se demande encore comment le contestataire Michael n'a pas encore séquestré un membre du jury cannois en lui faisant bouffant sa robe "Kenzo"...C'est peut-être pour cette année, qui sait : Marion Cotillard est nominée dans la catégorie de la meilleure actrice... - Ken Loach
Deux fois vainqueur du Prix du Jury, pour "Riff-Raff" (1990) puis pour "Raining Stones" (1993), le réalisateur anglais, homme de gauche et de contestations sociales, a également offert la possibilité à Peter Mullan de recevoir le Prix d'interprétation masculine pour "My Name Is Joe" (1998) avant de recevoir la récompense ultime avec la Palme d'or en 2006, pour "Le Vent se lève". Cette année, c'est au tour de son film "La Part des anges" d'être mis en compétition. La France, décidément, passe à gauche cette année... - Lars Von Trier
D'abord récepteur de 2 prix de la Commission supérieure technique pour "Element of Crime" (1984) puis pour Europa (1991) - qui reçoit également le Prix du Jury la même année -, ainsi que d'un Grand Prix pour "Breaking the Waves" (1996), Lars Von Trier se voit consacrer par la Croisette avec "Dancer in the Dark" qui reçoit la Palme d'or en 2000. Réalisateur torturé et torturant, provocateur maladroit, fasciné par le chaos pathologique et métaphysique tout autant que par l'esthétique nazie, Lars Von Trier voit sa croisière annuelle cannoise s'assombrir suite à ses déclaration polémiques du dernier festival, où il exprimait sa compassion à l'égard d'Hitler... Déclaré "persona non grata" par un conseil d'administration extraordinaire suite à ces propos polémiques, son film "Melancholia" n'est pas pour autant retiré de la compétition officielle. Est-ce que le rigolo Lars montera les marches du festival cette année ? On a depuis peu un Premier Ministre qui était prof d'allemand avant de léguer son corps et son âme à la France, alors ça pourrait passer... - Nanni Moretti
Président de ce 65e Festival de Cannes, l'éternel opposant à l'ancien président du conseil italien Silvio Berlusconi est un habitué du festival, institution qui lui a attribué la Palme d'or en 2001 pour "La Chambre du fils", ainsi que le prix de la mise en scène en 1994 pour "Journal intime". Moretti a présenté 6 films au total, dont "Habemus papam" l'an passé, et siégé comme juré en 1997, lors de la 50ème édition. On peut se féliciter que les réalisateurs les plus audacieux ont leurs habitudes à Cannes, on peut également se demander si ce petit univers de réalisateur dont on entend parler une fois par an sous le soleil cannois n'est pas en train de se mordre la queue...
Et pour vous, quels réalisateurs vous semblent tout particulièrement liés au Festival de Cannes ?