Si on se souvient tous de Gildas, De Caunes et Garcia dans Nulle Part Ailleurs (NPA) sur Canal+, peu connaissent Stéphane Saunier qui s'occupait dans l'ombre, avec ses cheveux longs et ses goûts très sûrs, de faire venir des groupes qui envoyaient le pâté à la télé française en Access Prime-Time. Une époque bénie et révolue dans laquelle Tania Bruna-Rosso aurait pointé à l'ANPE (Pôle Emploi du siècle dernier).
- Treponem Pal - Renegade (HIGHER, Universal/Mercury, 1996)
Le plus gros, le plus beau seau d'eau apporté au moulin des Guignols de l'Info, est l'oeuvre du groupe français Treponem Pal. Les pionniers du metal industriel made in France ont eu la merveilleuse idée de se pointer sur le plateau de NPA avec un travesti en pleine possession de ses moyens, en jupe et sans slip (comme Mallaury Nataf, mais en moins sexy). Ce qui vaudra une bonne vanne de Laurent Baffie (qu'on vous laisse découvrir en vidéo) fera beaucoup moins rire le CSA. Dommage, parce qu'un groupe produit par un membre des géants KMFDM et signé sur une major (l'album Higher, sur lequel figure le titre "Renegade", est sorti chez Mercury) méritait mieux qu'un gigantesque tollé médiatique autour d'une vulgaire bite.
- Machine Head - Davidian (BURN MY EYES, Roadrunner, 1994)
Il fut une époque bénie où le power metal américain pouvait compter sur deux féroces représentants au sommet de leur talent. D'un côté, Pantera, le confirmé, qui a traîné ses guêtres bariolées dans le milieu du glam pendant des lustres avant de comprendre qu'il fallait durcir le ton pour rentrer dans la légende. De l'autre, Machine Head, qui va décapsuler une canette bien fraîche de sauvagerie avec son premier album Burn My Eyes, véritable boulet de canon qui va suffire à expliquer pourquoi Metallica ça sent la fin alors que d'autres forces bien vives déboulent à grands coups de riffs de la mort. "Davidian" en live et en clair à 20h sur Canal +, c'était en 94, avec l'équipe d'origine Flynn-Mader-Kontos-Duce. "Let freedom ring with a shotgun blast"...
- Smashing Pumpkins - Bullet with butterfly wings (MELLON COLLIE AND THE INFINITE SADNESS, Virgin Rec., 1995)
Avant que Jimmy Chamberlain ne sombre dans la drogue et que Billy Corgan n'aille pondre des albums tout moisis qui n'intéressent personne, les Smashing Pumpkins étaient un groupe de live absolument génial. Mellon Collie and the Infinite Sadness, sorti en 1995, se vendra à plus de 20 millions d'exemplaires à travers le monde, et le petit chauve à petite voix de canard va devenir l'une des icônes du rock les plus mémorables des années 90. Lors de leur passage sur le plateau de NPA en décembre 1995, les Smashing jouent "Bullet With Butterfly Wings" de la plus belle des manières, énergiques, appliqués, avec un super son, ce qui n'est pas toujours le cas lors des passages télé. Et Jimmy Chamberlain en forme, ça ne va pas durer.
- Nirvana - Rape me/Pennyroyal tea (IN UTERO, Geffen Rec., 1994)
Première apparition à la télé française pour Nirvana, en février 1994. La prochaine, ce sera dans les journaux télévisés, deux mois plus tard, pour l'évocation succinte du suicide de Kurt. En costards et en forme, le quatuor (Pat Smear est de la partie) s'apprête à tourner en France, et vient tester son single "Rape Me" sur la scène de NPA, animé à ce moment-là par le très mélomane Antoine De Caunes qui ne boude pas son plaisir. Prestation propre et sans bavure pour les quatre de Seattle, qui enchaînent leur hit avec un titre moins connu mais excellent, "Pennyroyal Tea", issu lui aussi de leur dernière livraison In Utero. Un passage télé à valeur de testament pour les fans français, qui n'auront plus jamais la chance de voir leur idole vivante après son retour tragique aux States.
- Sepultura - Roots bloody roots/Ratamahatta (ROOTS, Roadrunner, 1996)
Andreas Kisser avec un joli maillot du PSG, Igor Cavalera en pleine forme pour les derniers concerts potables de sa vie, Paulo Junior tout en moumoute et Max Cavalera qui performe en mode méga-brutal. La mouture 1996 de Sepultura est venue à la télé française pour tout éclater. En guise de digestif, après un "Roots Bloody Roots" râpeux à souhait, les Brésiliens ont accueilli leur copain Carlinhos Brown pour "Ratamahatta". C'était la deuxième fois que Sepultura foulait les planches d'NPA, puisque le groupe avait déjà créé la sensation en 1993 à l'époque de la sortie de leur album Chaos A.D. en jouant le hit contestataire "Refuse/Resist". Une belle poutrelle dans la tronche de la jolie Valérie Payet, qui assure l'intérim avec sourire et prestance, même si ça doit la changer de Ça cartoon.
- FFF - Le pire et le meilleur (FFF, Epic, 1995)
"Spéciale dédicace à Lola, Jean-Pierre et Agnès", on ne saura jamais qui sont ces trois personnes, mais Marco Prince est sur la croisette, son groupe FFF cartonne et joue le meilleur funk-rock de sa vie. Comme quoi un chanteur français black avec des dreadlocks n'a pas besoin de jouer au tennis ou de connaître Mimi-Siku pour avoir du succès. "Le Pire et le Meilleur", single de 1995 qui a bien tourné sur les ondes au moment de sa sortie, fait un carton auprès des amateurs de rock traînant dans le coin pendant le festival de Cannes. FFF n'a pas fait les choses à moitié puisque toute l'artillerie est de sortie, y compris les choristes. Le seul groupe français qui a vaguement pu rivaliser avec Fishbone et les Red Hot en faisant mieux que Silmarils. Pour le souvenir.
- System of a down - War (SOAD, American Recordings, 1998)
Mais qui c'est, ce type avec la tronche de Borat et une voix pas possible, accompagné par un mec tout maigre déguisé en gus de chez Kodak et un batteur avec un masque à gaz ? Serj Tankian est quasiment un inconnu en 1998, pourtant son groupe tourne déjà en France avec Slayer, et le premier album éponyme de System Of A Down fait de l'ombre aux poids lourds que sont Korn et Limp Bizkit. Venus sur le plateau d'NPA sans trop de prétention, les Américains d'Arménie vont jouer "War", un titre des plus efficaces issu de leur disque unique à l'époque, et qui a le mérite de ne pas être le single qu'American Recordings, leur label, diffuse partout. Une belle découverte pour le public français qui ne savait pas, à ce moment-là, que SoaD allait devenir un énorme phénomène.
- Radiohead - Karma police (OK COMPUTER, Parlophone, 1997)
Radiohead est en train de faire péter tous les scores avec son extraordinaire album OK Computer quand Thom Yorke et les siens débarquent en France lors d'une grosse tournée mondiale en 1997. Leurs deux premiers albums ont assez bien marché, mais là les Anglais vont entrer dans une nouvelle dimension. Symbole de l'identité forte trouvée par Radiohead, "Karma Police" va plonger le public d'NPA dans quatre minutes de voyage sonore intersidéral. Peter O'Brien se contente de faire les choeurs et ne joue pratiquement pas de guitare, et Thom Yorke prouve que sa musique bourrée d'électronique et d'arrangements sophistiqués passe très bien l'épreuve du live minimaliste. L'éclosion d'un géant du rock en direct à la télévision française, une autre époque, pas si lointaine.
- Prince - Endorphinmachine (THE GOLD EXPERIENCE, Warner, 1995)
A l'époque où il ne fallait plus l'appeler Prince, Love Symbol s'invite sur le plateau de NPA et balance, avec la manière, un titre on ne peut plus rock, et nous donne une idée de ce qui différencie une superstar internationale d'un méga-superstar intergalactique. Prestation ahurissante, prestation de guitare monstrueuse et un morceau d'une efficacité redoutable. Le tout, sur un plateau télé.
Et vous, vous vous souvenez d'une prestation en particulier ?