Alors bien sûr il paraît que les temps ont changé, qu’aujourd’hui la séduction obéit à des codes tout autres que ceux décrits dans les romans de chevalerie, qu’il faut être direct, montrer ses muscles devant une Golf GTI 4 jantes alu ou faire péter la Gold. Mais les vrais savent qu’un bon poème bien placé, par exemple juste avant de proposer de rentrer chez soi, fait toujours son petit effet. Après, rien ne dit que ce ne soit pas un effet repoussoir, mais c’est quand même un petit effet.
Mon rêve familier de Verlaine
L’ambiance : J’ai un idéal féminin, mais je suis trop timide pour le trouver.
Le poème : Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? – Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
Barbara de Jacques Prévert
L’ambiance : On n’est pas passé loin qu’il se passe un truc. Du coup, si t’es dispo, là, et que tu veux boire un kir, t’as qu’à dire.
Le poème : Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vus qu’une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N’oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l’arsenal
Sur le bateau d’Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abimé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.
A une passante de Charles Baudelaire
L’ambiance : Vazy t’es trop charmante.
Le poème : La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !
Se voir le plus possible d'Alphonse de Lamartine
L’ambiance : J’espère que t’aimes recevoir 650 textos par jour.
Le poème : Se voir le plus possible et s’aimer seulement,
Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,
Sans qu’un désir nous trompe, ou qu’un remords nous ronge,
Vivre à deux et donner son coeur à tout moment ;
Respecter sa pensée aussi loin qu’on y plonge,
Faire de son amour un jour au lieu d’un songe,
Et dans cette clarté respirer librement
Ainsi respirait Laure et chantait son amant.
Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,
C’est vous, la tête en fleurs, qu’on croirait sans souci,
C’est vous qui me disiez qu’il faut aimer ainsi.
Et c’est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci :
Oui, l’on vit autrement, mais c’est ainsi qu’on aime.
A son âme de Pierre de Ronsard
L’ambiance : Je dis des trucs compliqués pour jouer les intellos, mais je prononce pas bien parce que j’ai picolé.
Le poème : Amelette Ronsardelette,
Mignonnelette doucelette,
Très chère hostesse de mon corps,
Tu descens là bas foiblelette,
Pasle, maigrelette, seulette,
Dans le froid Royaume des mors :
Toutesfois simple, sans relors
De meurtre, poison, ou rancune,
Méprisant faveurs et tresors
Tant enviez par la commune.
Passant, j’ay dit, suy ta fortune
Ne trouble mon repos, je dors.
Le Cageot de Francis Ponge
L’ambiance : Bon t’es pas terrible, mais je suis grave dispo dispo.
Le poème : A mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot, simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie.
Agencé de façon qu’au terme de son usage il puisse être brisé sans effort, il ne sert pas deux fois. Ainsi dure-t-il moins encore que les denrées fondantes ou nuageuses qu’il enferme.
A tous les coins de rues qui aboutissent aux halles, il luit alors de l’éclat sans vanité du bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d’être dans une pose maladroite à la voirie jeté sans retour, cet objet est en somme des plus sympathiques – sur le sort duquel il convient toutefois de ne s’appesantir longuement.
La Lune de Maurice Carême
L’ambiance : J’aime bien quand tu bouges ton boule.
Le poème : Ah ! Quel dommage !
La lune fond.
Il n’est plus rond
Son gai visage.
Quelle souris
En maraudage
La prend, la nuit,
Pour un fromage ?
Elle maigrit
Que c’est pitié :
Plus qu’un quartier
Qui s’amincit…
Mais sans souci
Presque au cercueil
La lune rit
Avec un œil.
Je t'aime de Lara Fabian
L’ambiance : Je te kiffe grave. J’ai pas hyper bon goût, mais je te kiffe sa mère.
Le poème : Je t’aime, je t’aime
Comme un fou, comme un soldat
Comme une star de cinéma
Je t’aime, je t’aime
Comme un loup, comme un roi
Comme un homme que je ne suis pas
Tu vois, je t’aime comme ça.
Tu vois, quoi.
Crac Boum Hue de Jacques Lanzmann
L’ambiance : Si tu connais pas encore mon machin, tu sais pas ce que tu perds.
Le poème : Moi, j’ai un piège à filles,
Un piège tabou,
Un joujou extra
Qui fait crac boum hue !
Les filles en tombent à mes genoux.
Babillage de Matteo Shagy
L’ambiance : N’oublie pas de te faire payer.
Le poème : Elle ose des bisous bizarres
On s’barricade dans sa base
Et l’on fait son petit bazar.
Moi je bazarde le blazer
Et elle dé-zippe un peu sa blouse :
Brisés tous les rétroviseurs !
Je m’embrase contre un peu de flouze.
Vaseux, brisé, à la maison,
Je bousille mon AZERTY,
Babillant des bêtises osées,
Visant son cœur pour l’embraser
Mais la braise n’est pas sortie.
Je biaise sur ses jambes rases
Mais ses fesses me donnent l’obole.
Comme dans un match de base-ball,
Je joue et reviens à la base.
Hésite pas à glisser que t’as eu 14, une fois, en commentaire composé.