Vous n'y échapperez pas. Résidant ou en week-end à Paris, cette jungle hostile à laquelle vous êtes confrontée, vous vous retrouverez forcément, à un moment ou à un autre, dans l'obligation de lever la main en direction de ce véhicule effrayant et faisant partie de la mythologie de la capitale : le taxi parisien. La sulfureuse et ordurière réputation qui les précède, il est vrai, n'est plus à faire. Ce qui ne va pas nous empêcher de la faire quand même. Quelques clichés, en perspective, mais pas que.
- Le taxi parisien n'est jamais là quand on a besoin de lui
Il parait qu'ils sont en nombre suffisant, sauf quand vous en voulez vraiment un pour rentrer chez vous. Et plus vous en avez besoin, moins il y en a, c'est la loi de Murphy. Autant dire qu'à deux heures du mat' sous la pluie, la tête entre les mains, le cul posé sur un trottoir qui daube, (autrement dit complètement bourré place de la République), il y a peu de chance que vous en trouviez. Même si dans ces moments-là, une ambulance pourrait aussi très bien faire l'affaire. C'est pas le problème. Question d'honneur. - Le taxi parisien ne parle pas français, il grogne
Le vrai taxi parle donc parisien. Dans un bon jour, il lui arrive de marmonner, mais on ne comprend rien non plus. Et si la journée est un peu délicate (manif dans Paris, grève de "Rires et Chansons", travaux sur un grand boulevard), il ne vous parle pas du tout. Rien, pas un mot. A la limite, vous le faites chier à monter dans sa bagnole alors il est déjà bien gentil de vous emmener où vous voulez, pas besoin de faire la causette. Il a tout de même la touchante attention de briser un éventuel silence gênant en montant le son de RMC et en faisant gueuler Courbis. - Le taxi parisien trouve que "c'est tous les mêmes, tout ça c'est magouille et compagnie"
Le monsieur derrière le volant a souvent un avis tranché, quel que soit le sujet. Vous ne verrez jamais un taxi parisien répondre "sans opinion" à un sondage. D'abord parce que les sondages "c'est n'importe quoi, tout le monde le sait", et puis parce qu'il a des infos bien qui lui font de lui un poujadiste de l'asphalte. "Une bonne guerre là dessus et je te remettrai tous ces "jean-foutre" au boulot." - Le taxi parisien va où il veut. Et pis c'est tout.
Certes vous lui avez donné votre destination. Certes vous lui avez répondu quand il vous a demandé si vous aviez un itinéraire préféré (c'est la procédure, alors il demande). Certes le GSP donne une autre route. Mais lui il sait, parce qu'on lui fait pas, alors il prend la route qu'il veut. Et si vous vous retrouvez dans des embouteillages, il vous répondra que ça aurait été forcément pire ailleurs. Le compteur tourne oui, mais si vous n'êtes pas content, vous pouvez descendre. - Le taxi parisien est joueur
Alors oui, il a bien une petite loupiotte au dessus de la bagnole, son petit signe distinctif qui fait de lui le roi de la route, mais on ne sait jamais trop ce qu'elle veut dire. Allumée pour un taxi occupé ? Possible. Allumée quand il est libre ? Possible aussi. Dans tous les cas, vous levez la main à chaque taxi qui passe. Il ne s'arrête évidemment pas, vous ignore, et au mieux vous montre le haut du toit pour signifier qu'il a une pancarte taxi et qu'elle n’est pas faite pour les chiens. - Le taxi parisien est sélectif
Il est libre, sa lumière est "on", vous l'apercevez au loin, vous êtes seul, pas un parisien égaré ou un japonais avec un sac Vuitton à l'horizon pour vous concurrencer. Il s'approche, il vous a vu. Mais non, il ne s'arrête pas. Le taxi parisien a souvent une mission divine plus importante à accomplir que le client moyen que vous êtes ne peut évidemment pas comprendre. Quand il s'arrête, finalement, il ouvre sa vitre passager et vous demande où vous allez avant que vous ne montiez. Votre direction l'arrange rarement, désolé, allez faire la queue à la borne à côté. - Le taxi parisien arrive toujours avec 12 euros minimum au compteur quand on le commande
Même quand on vient de l'appeler, c'est un principe. Et qu'on ne vienne pas à demander comment ça se fait, il y a des choses dans la vie qui ne se discute pas. Il se fendra alors d'un "sont marrants les mecs...". Soupe au lait, le monsieur. - Le taxi parisien n'aime pas sortir de Paris, comme un vrai parisien
Un trajet pour la banlieue, ce territoire éloigné et sauvage entre les mains primitives et grossières de la faune et de la flore ? Il vous déposera sur le périph', au mieux et c'est déjà ça. Y'a pas marqué "Taxi" là. (Note utile: par contre un aéroport peut être considéré comme Paris Intra Muros. Comptez juste le supplément valise.) - Le taxi parisien pense que "les gens conduisent vraiment comme des cons"
Et par les gens, on pense évidemment tout le monde, sauf lui. "Je te foutrai tout ça au gnouf moi, ça ferait de la place sur les routes, hein ma petite dame". Le chauffeur de taxi parisien, c'est d'abord un joyeux compagnon que l'amour du prochain rend si attachant. - Le taxi parisien pense que le klaxon, c'est pas fait pour les chiens
Si les mecs se sont fait chier à mettre un klaxon sur une bagnole, c'est fait pour s'en servir. "Attendre un danger pour klaxonner ? C'est toi le danger...". Plus rapide qu'Usain Bolt au départ du 100 mètres (et/ou du 200), il a la patte un peu lourde pour appuyer sur le milieu du volant pour signifier à son concitoyen en un joli tocsin que ça fait au moins 2 secondes que le feu vert, connard. Un chouïa impulsif, admettons. - (bonus) Le taxi parisien n'a pas de monnaie pour rembourser la différence. Et puis quoi encore ?
Il est chez lui dans sa voiture avec son protège-siège massant à boules, c'est à vous de vous démerder pour avoir l'appoint, bordel. Et donc finir logiquement avec 2 ou 3 euros de pourboire, faute de mieux. Merci et bonne soirée. La prochaine fois, ne loupez pas le dernier métro.
Alors, métro ou taxi ce soir ?