La Guerre Froide est probablement la plus bizarre de toutes les guerres de l’Histoire. Pendant cette période, tout le monde espionnait tout le monde, tout le monde avait peur de ce que l’adversaire pouvait savoir, pouvait dire, pouvait faire. La paranoïa avait atteint des sommets, et la propagande fusait dans tous les sens. Dans ce contexte, toute personne qui disposait d’un peu de pouvoir pouvait rapidement vriller, pouvait craindre l’espionnage ou être suspectée d’agir pour l’ennemi. Ce grand n’importe quoi a évidemment donné lieu à des situations absurdes et débiles, et maintenant on peut se faire un plaisir d’en parler.
Le chef de l'unité d'espionnage anti-soviétique britannique n'était autre qu'un espion soviétique
Kim Philby est souvent considéré comme le plus grand traître de tous les temps par les Anglais. Il était journaliste, fils d’un grand diplomate/espion. En 1940, il a été engagé au MI6, le service de renseignement britannique, puis il a commencé à agir pour le compte des soviétiques, en provoquant par exemple la mort d’un général polonais dont il devait assurer la protection. Quand le MI6 a voulu trouver les taupes qui l’avaient infiltré, Kim Philby a proposé d’ouvrir une unité anti-soviétique, et on l’a nommé chef de cette section : la Section IX. Pendant toute la suite de sa carrière, il n’a pas arrêté de saboter les actions de son unité en prévenant Moscou dès qu’une mission contre les Soviétiques était en cours. Son petit manège n’a été découvert qu’en 1954 quand un espion soviétique a décidé de changer de camp et l’a dénoncé au bloc Ouest. Pourtant, Philby a nié en bloc et s’en est sorti, même s’il a perdu son poste de chef de la section IX. Après, il a repris son taf de journaliste en écrivant des articles contre les soviétiques tout en continuant à leur filer les infos qu’il avait. En 1962, sachant qu’il était menacé, il a fini par se réfugier à Moscou et il a obtenu un poste pour former les agents soviétiques à s’insérer dans la société anglaise. Il aura trahi jusqu’au bout, et encore, on a passé énormément de détails de sa vie.
Le chef de la lutte anti-communiste aux Etats-Unis était fourni en héroïne par le chef de la lutte anti-drogues
Vous avez probablement déjà entendu parler de Joseph McCarthy, l’homme politique qui, entre 1950 et 1954, a lancé la « chasse aux sorcières » aux Etats-Unis. En gros, son but était de débusquer tous les communistes et sympathisants au sein du gouvernement. Seulement, McCarthy était alcoolique et héroïnomane, et ça, il ne fallait pas que les Soviétiques le sachent, sinon ils allaient pouvoir utiliser cette info pour faire de la propagande contre les Etats-Unis. Du coup, Harry J. Anslinger, le chef du Federal Bureau of Narcotics, l’agence fédérale américaine de lutte anti-drogue, a préféré fournir directement McCarthy en héroïne pour qu’il ne fasse pas de vagues. Le plus ironique dans tout ça, c’est que Anslinger avait une haine profonde envers la drogue, les consommateurs et les trafiquants, et pourtant il a lui-même eu le rôle de dealer pour tenter de sauver la face de son pays.
Les Américains ont recruté un millier d'anciens nazis comme espions
Dans des documents déclassifiés par la CIA en 2014, on a découvert que, durant la Guerre Froide, les Américains s’étaient servis des nazis qu’ils avaient accueilli après la Seconde Guerre Mondiale pour espionner les communistes. Le deal était simple : soit vous utilisez vos connaissances en Allemagne et partout en Europe pour nous aider à espionner les Soviétiques, soit on ne vous aide plus à échapper à vos procès pour nazisme. Et parmi ces espions nazis, beaucoup étaient des hauts responsables sous Hitler, comme Otto Albrecht von Bolschwing, un des mecs qui a directement bossé dans l’élaboration de la solution finale. On peut dire que les Etats-Unis ont les mains très très sales.
La Grande-Bretagne a réussi à se débarrasser de 105 espions soviétiques grâce à un espion arrêté pour conduite en état d'ivresse
Dans les années 1960, Oleg Lialine a été envoyé comme espion au Royaume-Uni par le KGB. En 1971, pas de bol, Lialine se fait arrêter par un policier parce qu’il était ivre au volant. Assez rapidement, il est démasqué et emmené au MI5 pour être interrogé. Là-bas, pour éviter la prison, et parce qu’il voulait refaire sa vie avec sa secrétaire au Royaume-Uni, il balance tout ce qu’il sait. Ses infos permettent aux britanniques de nettoyer leurs administrations de 105 espions soviétiques. C’était le plus gros coup jamais porté aux espions de l’URSS pendant la guerre, et tout ça a eu lieu grâce à un mec bourré au volant de sa voiture.
Les soviétiques ont voulu faire du chantage à un journaliste américain homosexuel et ont totalement échoué
En 1957, le journaliste américain Joseph Alsop se trouve à Moscou. Au cours d’une soirée, il est séduit par un bel homme qui l’invite dans sa chambre. Après avoir eu des relations sexuelles avec lui, des hommes du KGB apprennent à Alsop qu’il vient d’être piégé et qu’ils ont des photos de ses ébats. Ils ne les diffuseront pas s’il accepte de faire de l’espionnage pour eux. Alsop refuse et écrit cette histoire dans un document qu’il donne à la CIA pour les informer de la situation. La CIA le protège et ne divulgue rien. Le KGB en revanche met ses menaces à exécution des années plus tard en envoyant les photos à tout un tas de journalistes qui… décident de ne pas les publier. Finalement, Alsop s’en est sorti et n’a jamais eu besoin de faire son coming out public, ce qui, à l’époque, pouvait avoir des conséquences désastreuses. Voilà comment les méthodes du KGB ont trouvé leurs limites.
Les Américains voulaient faire péter une bombe nucléaire sur la Lune
Le Projet A119, tel était le nom de cette idée débile. Les Ricains avaient décidé en 1950 de mettre au point un projet pour aller faire exploser une bombe atomique sur la Lune, histoire de remonter le moral de leurs compatriotes qui en avaient marre de voir les Soviets réussir à envoyer leurs vaisseaux dans l’espace. C’était aussi un moyen de montrer aux ennemis que, même s’ils allaient sur la Lune avant eux, eh ben ils pourraient quand même les atteindre. L’explosion n’aurait pas endommage la Lune et n’aurait même pas été visible depuis la Terre, mais ils voulaient quand même le faire, juste histoire de montrer qui avait la plus grosse. Finalement, ils ont abandonné le projet en 1959 et ils se sont concentrés sur l’objectif d’envoyer un homme sur la Lune, ce qui était quand même un peu moins débile, quoique pas totalement utile non plus.
La CIA avait dressé un chat pour mener des écoutes contre les Soviétiques
Ça fait partie des anecdotes les plus hallucinantes sur la CIA. Le nom de code de ce projet était « Acoustic Kitty ». Le but était d’utiliser les chats auxquels on aurait implanté des micros afin d’espionner l’ennemi. L’antenne de transmission était située dans la queue des félins pour que les espions puissent écouter en direct. Un chat a servi de cobaye pour l’opération, et sa transformation en émetteur vivant a coûté plusieurs millions de dollars. Pour sa première mission, il a été lâché près de l’ambassade de Russie à Washington. A peine sortie de la camionnette qui l’avait amené là, le chat s’est fait écraser par un taxi. Fin de l’opération, et fin du projet abandonné par la CIA. Des millions de dollars dépensés pour rien. Enfin, si, ça nous fait une bonne anecdote à raconter.
Y’a vraiment quelque chose qui ne tournait pas rond pendant la Guerre Froide.
Pour les amateurs d’espionnage, on a d’autre tops dans les tiroirs : les espions qui se sont fait griller de manière ridicule, les assassinats d’espions les plus fascinants, et les trucs vrais dans Le Bureau des Légendes.
Sources : Wikipedia (Kim Philby), Le Figaro, Cracked, Wikipedia (Lialine), 20 Minutes, Libération