En matière de rock, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont résisté à toute idée de changement, monolithes qui n'ont pas voulu (AC/DC) ou pas pu évoluer (Oasis), et ceux plus rares, qui toujours en quête de nouveauté, ont quitté les verts pâturages de la rente de situation que pouvait leur offrir la prime maîtrise de leur art pour aborder de nouveaux genres, et ainsi se réinventer, au risque de perdre leurs fans de la première heure. A ces aventuriers téméraires, à ces conquérants de l'inconnu, nous rendons ici hommage avec le top 10 des groupes et artistes ayant fait un revirement musical.
- Les Beatles : L'histoire est connue de tous, il y a un avant et un après été 66, date à laquelle les Beatles décident d'arrêter les concerts et de se concentrer sur leur production discographique. Cet arrêt des prestations live leur permettra de ne plus avoir à se limiter dans leur utilisation des techniques qu'offrait le studio, et donc à la pop d'entrer dans son âge adulte. S'en suivirent des albums de plus en plus ambitieux (géniaux pour la plupart, ennuyeux à mourir pour ceux qui voulaient un rock plus simple et frais), et surtout l'inéluctable fin des quatre de Liverpool qui n'avaient plus du groupe que le nom.
- David Bowie : Le 3 juillet 1973, David Bowie tue son alter-égo Ziggy et quitte sa fonction de pape du glam-rock en pleine gloire. Trois ans plus tard, après un concept album (Diamond Dogs) et une tentative soul/funk à moitié réussie (Young Americans), il réapparaît sous les traits du Thin White Duke, et mâtine sa musique des sons industriels du Krautrock alors triomphant. Ce changement de cap culminera lors des albums suivants, de la fameuse trilogie berlinoise, avant que Bowie ne poursuive sa perpétuelle réinvention dans des projets plus rentables (Let's Dance) mais aussi plus discutables (l'affreux Under Pressure)
- Bob Dylan : Le festival de Newport fut en 1965 le lieu de la bataille d'Hernani du rock. Dylan, qui venait de sortir Like A Rolling Stone, monta sur scène accompagné du Paul Butterfield Blues Band, et sanglé d'une guitare électrique. Dans ce haut lieu du folk, où la musique se devait d'être acoustique sous peine d'apparaître comme vendue à la pop la plus commerciale, un tel acte apparut comme une provocation. Sifflé, conspué par ses propres fidèles, le Zim en larmes revint chanter seul It's All Over Now Baby Blue, signifiant ainsi que le passage à l'électrique marquait une rupture irréversible avec la communauté folk, dans laquelle il ne voulait en aucun cas être enfermé.
- Radiohead : Que faire lorsque son dernier album est déjà considéré comme un chef-d'œuvre indépassable ? Faire un OK computer 2, que tout le monde réclame et que tout le monde critiquera pour être forcément moins fort que son prédécesseur ? Ou quitter le rock et son cadre forcément trop étroit ? La réponse fut le déroutant Kid A et son siamois Amnesiac, l'abandon des guitares, pour les samples, et (hélas) des chansons pour les sons.
- The Clash : Suiveurs des Pistols au début de l'aventure punk, le groupe de Joe Strummer allait dès son troisième album, s'aventurer vers d'autres terres, en incorporant sur le fascinant London Calling, et sur le foutraque Sandinista, des traces de dub et de reggae voire de hip-hop, avant que les drogues et le caractère un peu dictatorial de leur leader n'aient raison de lui.
- Blur : Avec ses quatre premiers albums, le groupe de Damon Albarn fut l'archétype de la formation britpop tendance Kinks. Avec leurs trois derniers opus, les londoniens évoluèrent vers un son et des compositions proches du rock indépendant US. Les mauvaises langues prétendent encore que leur échec à être le groupe numéro un d'Albion devant leur rivaux mancuniens d'Oasis, fut la cause de cette évolution musicale.
- Serge Gainsbourg : Êtes-vous plus sensible au Gainsbourg-jazz des débuts, compagnon de Vian, écumant les caves du St Germain des Près d'après guerre ? Lui préférez-vous le Serge de la courte période londonienne, qui permet à Bardot de roucouler dans d'indépassables chefs-d'œuvre ? A moins que vous ne soyez fanatique des concept-albums du début des années 70 ? Vous pouvez aussi aimer votre Serge jamaïquain ou new-yorkais...Vous y trouverez forcément votre bonheur.
- Neil Young : L'anecdote justifie à elle seule la présence de Neil Young dans ce top. Le Loner au début des années 80 avait signé un nouveau contrat chez Geffen records, et mis ainsi fin à sa collaboration avec Warner. Le label du créateur de Harvest allait recevoir de son nouveau poulain les franchement médiocres Hawks and Doves, Trans et Everybody's rockin', soit un album rejeté par Ronnie Van Zandt, un disque enregistré entièrement au vocoder sensé symboliser la difficulté d'expression de Neil Young face à son fils handicapé, et une petite demi-heure de très mauvais rockabilly. Fait unique dans l'histoire de la musique, David Geffen décidait alors d'assigner Neil Young pour non-respect du contrat les liant, au prétexte que la musique livrée n'était pas représentative de leur auteur !
- Les Bee Gees : Avant d'être les insupportables chantres des chemises pelle-à-tarte, des platform shoes, des boules à facettes et de faire de John Travolta une star mondiale, les trois frères Gibbs interprétaient la pop la plus délicieuse qui soit, et étaient capables d'écrire des trucs du calibre de I Started A Joke ou Massachusetts.
- Mais aussi : Jeff Beck, New Order/Joy Division, Marvin Gaye, Talk Talk...
Et vous, vous en voyez d'autres ?