On ne va pas se mentir, il y a des gens beaucoup plus courageux que d’autres, parce que c’est plutôt simple de répondre sèchement à un démarcheur téléphonique, mais pour dire « non » à la Mafia il faut en avoir dans les tripes. Quand on dit mafia on pense souvent aux mafias les plus dangereuses du monde ou à leur pouvoir tentaculaire qui fait que beaucoup de produits appartiennent à la mafia mais on pense beaucoup moins facilement aux gens qui se sont levés face à l’oppresseur, et c’est d’eux dont nous allons parler.
Libero Grassi, le fabriquant de vêtement qui a dit non au racket
Libero Grassi était un commerçant de Palerme (Sicile) qui en 1990 n’en pouvait plus de devoir payer le « pizzo », la taxe demandée par la mafia afin de payer pour la « protection » des magasins, ce qui est en réalité du racket. Grassi avait donc à l’époque écrit une lettre ouverte relayée dans les journaux pour pousser les autres commerçants à se joindre à lui et à refuser l’oppression.
Protégé un temps par la police et le maire de Palerme, Grassi n’a malheureusement pas été rejoint pas d’autres personnes dans son mouvement, la menace de la mafia devant peser sur les autres personnes. Il a été tué huit mois plus tard par balles dans la rue alors qu’il était âgé de 67 ans.
Daniele Pacicca ou "tough guy", le fermier
Daniele Pacicca est un fermier d’Italie qui a un jour trouvé plus d’une dizaine de ses oliviers découpés et couchés sur le sol. Il a tout de suite compris de quoi il s’agissait : la mafia vient dégrader les récoltes plusieurs fois puis revient plus tard offrir une « protection » contre ce genre de problèmes (qu’elle a elle-même causés).
Plutôt que de se laisser faire, Pacicca a décidé de replanter le double d’arbres découpés afin d’envoyer un message. Et ce message a été reçu car l’organisation criminelle en question est la Ndrangheta, une mafia qui n’aime pas la visibilité et user de violence contre les civils car elle capitalise sur l’opinion publique (ce qui n’était pas le cas d’une autre mafia, la Cosa Nostra). Il n’y a pour le moment pas eu de représailles « violentes » et plusieurs autres cultivateurs ont suivi son exemple pour ne plus subir la terreur des mafieux.
Le "Pagan Motorcycle Club" et la mafia de Philadelphie
Il y avait eu plusieurs périodes de tentions et de calme entre la gang de biker Pagan MC et la mafia de Philadelphie, jusqu’au jour où les mafieux ont demandé aux bikers de payer une taxe pour pouvoir faire leurs affaires sur le territoire du parrain Nicomedo Scarfo. Mais Scarfo n’a récolté que des rires et des refus de la part des motards, ce qui fait qu’il a demandé à ses hommes de mains d’aller leur faire comprendre par la force que c’était lui le patron.
Et là coup de théâtre, les hommes du mafieux lui ont répondu que c’était une très mauvaise idée et on tout simplement refusé, arguant que les Pagan MC n’étaient pas le genre de personnes qu’on voulait comme ennemis. Un peu plus tard un mafieux a renversé l’un des motards en voiture et la famille mafieuse a tout de suite payé pour ses frais d’hospitalisation et les réparations de sa moto, c’est vous dire s’ils considèrent les Pagans comme une menace.
Le gang irlandais des Westies et la mafia Gambino
Le quartier new-yorkais Hell’s Kitchen était contrôlé par le gang des Westies vers la fin des années 70 quand un dirigeant de la mafia de la famille Gambino a décidé d’en faire son territoire. Ce dirigeant, Charles Stein avait été en très peu de temps capturé et tué (puis démembré) par le gang des Westies qui avait ensuite décidé d’aller collecter les dettes dues à Stein et d’en garder l’argent.
Une rencontre avait été organisée par la mafia afin de réunir les membres de Westies, ce que le dirigeant du gang avait accepté tout en plaçant une armée de ses hommes en face du lieu de rendez-vous avec pour ordre de buter tout le monde si ça se passait mal. Les Westies étaient tellement surs d’eux et menaçants que même la mafia a décidé d’en faire des alliés plutôt que des ennemis et de passer l’éponge sur leur crime.
Toute la ville d'Ercolano en Italie qui a refusé de payer la Camorra
Cela faisait plusieurs décennies que les ouvriers et commerçants de cette petite ville aux abords de Naples payaient sans réelle solution d’arrêt une taxe mensuelle (entre 150 et 1500€) pour la mafia Camorra. Jusqu’au jour où toute la ville a refusé de payer : tenancier de bar, pêcheur, propriétaire de station service, tailleur, garagiste, boulanger… Tous les travailleurs de la ville se sont ligués contre l’organisation en refusant de continuer de payer et la mafia n’a eu d’autres choix que de laisser couler (ils n’allaient pas buter tout le monde de toute façon).
Giuseppe Impastato, le journaliste engagé italien
Giuseppe Impastato dit « Peppino » était un journaliste italien qui avait la particularité d’être né dans une famille de mafieux. Traumatisé par la mort d’un membre de la famille chef de la mafia, il a décidé de la combattre avec ses propres armes : en faisant du journalisme engagé. Chassé par sa famille il a fondé un journal anti-mafia et passé plusieurs années à les combattre publiquement aussi bien sur le plan politique, journalistique qu’artistique.
Il était rapidement devenu un personnage célèbre et s’était présenté en 1978 aux élections municipales de Cinisi, petite ville proche de Palerme en Sicile. Il a été brutalement assassiné deux jours avant les élections (placé sur un chemin de fer avec des charges de TNT) ce qui avait profondément ému la population et la presse de l’époque. Il a été élu par le peuple de Cinisi deux jours après sa mort.
Angelo Vassalo, le "maire-pêcheur"
Angelo Vassalo est ce qu’on peut appeler un héros de la nation : il avait lancé la révolte des petits pêcheurs dans sa vingtaine, avait révolutionné l’écologie dans sa région, avait relancé l’activité portuaire de sa ville et avait même commencé à rayonner mondialement pour son engagement et ses idées dans l’alliage de l’urbanisation et de l’écologie.
Proche du peuple et désireux de rendre leur dignité aux plus démunis et oubliés, Angelo Vassalo a été abattu en septembre 2010 par la mafia Camorra car il s’opposait fermement à leurs projets immobiliers qui dévastaient la côte de la Campanie (région proche de Naples où l’activité de la mafia est très étendue) et à leur règne de la terreur.
"Les enfants du massacre"
Face à l’inaction de la police sicilienne qu’ils accusent d’être souvent corrompue par la mafia, une nouvelle génération de siciliens s’est levée dans les années 2010 pour combattre l’organisation criminelle. Les meurtres violents de Giovanni Falcone et Paolo Borsellino (ainsi que leurs familles) en 1992, deux magistrats ayant envoyés une centaine de mafieux derrière les barreaux, un mouvement de résistance mené par Francesco Galante est né en prenant le nom « d’enfants du massacre » en hommage à ces victimes.
Quelques années plus tard le mouvement s’appelle Libera Terra et réunit une armée de coopératives viticoles, d’associations et de citoyens volontaires qui ont réussi à reprendre des mains de la mafia leurs vignes et leurs terres pour les exploiter à nouveau. Pendant plusieurs années la population avait simplement décidé d’abandonner le territoire face à la terreur de la mafia, mais ces nouveaux héros seraient bien en train de changer les choses en Sicile.