Difficile exercice télévisuel : inscrire un rendez-vous annuel et un peu austère de remises de prix dans une certaine continuité et renouveler chaque année suffisamment le genre pour créer l'évènement. Pour ça, l'institution des Césars compte sur un ensemble d'ingrédients indispensables pour tenir en haleine les téléspectateurs avec une soirée cinéma sans film et des acteurs qui disent "merci, vraiment merci". Petite sélection des ingrédients indispensables à une soirée réussie en compagnie de la grande et belle famille du cinéma français.
- Un maître de cérémonie talentueux
Certes, ses bons mots auront été écrit en amont par une fine équipe d'auteurs, mais un MC un peu expansif, c'est le meilleur moyen d'assurer la rediffusion d'extraits dans les prochaines années. Le passeur de plat idéal doit avoir le label "vu à la télé", un profil d'humoriste et un peu d'allure dans un smoking. De Caunes cette année, c'est un excellent choix. Même si le roi reste Ricky Gervais. - Un bon gros favori
Les caméras sont d'ores et déjà braquées sur les places occupées par l'équipe du film qui a collecté le plus de nominations afin de saisir les joies, les déceptions, les accolades et la fausse incrédulité du réalisateur qui, au moment de se lever pour la 4ème fois, roule les yeux, "Non mais c'est dingue, je vis un rêve éveillé..." Problème cette année, entre Intouchables, The Artist, Polisse... il y a embouteillage de favoris, quelque soit le vainqueur, on n'aura du mal à crier au scandale. - Une touche sexy
La robe transparente ahurissante de Lætitia Casta en 2010, Leïla Bekhti qui oublie les bretelles de la sienne en 2011, il va falloir faire encore plus fort en 2012. En tout cas, on est sur une bonne tendance. Les créateurs sont sur le pont et devraient mettre au point des modèles inoubliables, bien que difficiles à porter dans le métro. - Un meilleur film étranger qui nous fait passer pour des cons
Une fois qu'on a distribué nos breloques aux productions locales, on file en général une récompense à un film étranger et on mesure le chemin à parcourir. Problème encore cette année, le cinéma américain devra concéder un part du rêve qu'il nous a offert jusqu'ici et après avoir récompensé des succès internationaux comme "Intouchables" ou "The Artist", on aura un peu moins de complexes à dire à Darren Aronofsky "Ouais, c'était pas mal votre film, là, Black Swan". - Un incident (qui finit bien)
On laissera les polémiques et les huées à Cannes et on préfèrera aux Césars une séquence pour la postérité (la "postérité", c'est l'ensemble des zapping des chaînes de la TNT...) : Simone Signoret qui manque de chuter, rattrapée par Orson Welles qui passait par là, Vanessa Paradis qui parvient à lire le mauvais nom pour remettre un prix, Jamel Debbouze colle son nez dans le décolleté d'Adriana Karembeu... Si vous n'avez pas Canal +, c'est tout ce que vous en verrez. - Des larmes
Celles d'Annie Girardot à qui le cinéma avait manqué, celles d'Adjani qui obtient un cinquième trophée, les récompenses posthumes pour Les Nuits fauves de Cyril Collard... le cinéma est une grande famille, avec ses drames et ses moments d'émotion. - Un prix à Jeanne Moreau
Deux nominations dans les années 80, un César en 1992, un César d'Honneur en 1995, un Super César d'Honneur en 2008, qu'est ce qu'on va bien pouvoir lui filer cette année à Jeanne? Un "Hyper-César d'Honneur"? Une place de parking permanente près du Théatre du Chatelet? Son poids en yahourt? - Une poignée d'intermittents du spectacle
Des bonnets péruviens, une interpellation du Ministre de la Culture et un gros malaise. La soirée clinquante des Césars n'aurait pas le même goût épicé sans cet happening qui laisse craindre un moment un attentat terroriste, jusqu'à ce qu'on réalise qu'un terroriste, même complètement taré, ne met pas de bonnet péruvien. - Un nouveau Prix
On sait qu'on peut compter sur les Césars "techniques" (son, photo...) pour aller aux toilettes et pour refaire le plein de chips, mais on essaie d'être de retour pour découvrir l'innovation de l'année : Prix de la Meilleure Animation en 2011, Meilleur documentaire en 2007, Meilleur Film de la Communauté Européenne en 2003. Et le meilleur, le César remis par les Robins des Bois, "Meilleur Acteur de Second Plan" en 2001. - Une polémique sur la "discrimination des comédies"
Un succès populaire snobé dès les nominations, un comédien qui se répand dans les médias pour dire son mal-être et sa frustration d'avoir fait des millions d'entrée mais de ne pas être reconnu par les professionnels de la profession... il semblerait qu'une statuette et une soirée en smoking soient bien plus valorisantes que la mobilisation massive du public dans toute la France...
Et vous, vous pensez qu'il y aura tous les ingrédients cette année pour faire une belle soirée ?