Le cinéma français se porte bien, merci pour lui, mais a parfois tendance à sombrer un peu dans la facilité. Le 7ème art hexagonal était considéré pendant longtemps comme innovant et raffiné à l'étranger, et un jour les Américains ont acheté les droits des "Visiteurs". Certains producteurs misent donc désormais sur les ingrédients "qui marchent" et de plus en plus de films reposent sur de grosses ficelles jusqu'à un petit écœurement du spectateur. Petite sélection des tics les plus visibles dans les films bien de chez nous.
- La bonne idée de comédie qui ne tient pas tout le film: le "pitch" faisait envie : "une dispute de couple commentée par Thierry Rolland et Jean-Michel Larqué", "Un douanier belge vit mal l'ouverture des frontières en Europe en 1992"... mais l'idée s'essouffle en moins d'une heure. Alors on bricole une fin poussive et un happy-end tiré par les cheveux avec une histoire d'amour ou le triomphe de belles valeurs d'amitié. Un sketch aurait été suffisant.
Exemples: "La Beuze", "L'Italien", "Le Pari"... - La bande de trentenaires un peu bobo: ces films "choral" mettant en scène les "espoirs" ou les confirmations du cinéma français narrent les errances existentielles de jeunes gens (de 35-40 ans quand même) habitant souvent Paris, mais avec grand un appartement lumineux et très bien situé malgré des revenus souvent limités. Exemples: "Les petits mouchoirs", "Au secours j'ai 30 ans", "Ce soir je dors chez toi"...
- Le régionalisme "avé l'accent": quand les films français ne se passent pas à Paris, ils sont souvent centrés sur "la province", qui n'est plus simplement le cadre d'une histoire, mais presque le sujet du film, pour montrer que nos régions ont du talent. C'est Jean-Pierre Pernault qui doit être content. Dans ce cas, seuls les personnages secondaires ont un accent local. Il y a des limites. Exemples: "Bienvenue chez les Ch'tis", "Le Fils à Jo", "Les collègues"...
- Le personnage sketch: un "one man show" au cinéma sur 10 minutes, c'est (parfois) hilarant. De là à étirer le concept en une heure et demie, souvent centré sur un unique personnage... Le genre de film où regrette de ne pas avoir un plus grand seau de pop-corn, pour s'occuper. Exemples: "Coco", "Brice de Nice", "Chouchou", "Camping", "Cyprien"...
- Le titre tiré d'une chanson qui suffit à en faire un concept: faire un film d'un sketch, c'est déjà audacieux, mais obtenir un financement sur la seule base du titre ou d'un vers d'une chanson populaire, qu'on utilisera dans la bande-annonce, c'est encore plus fort. Exemples: "Elisa", "Quand j'étais chanteur", "Les Neiges du Kilimandjaro", "Laisse tes mains sur mes hanches", "J'me sens pas belle", "Pour le Plaisir"...
- La banlieue rigolote ou ultra-violente: dans les comédies, la banlieue est un endroit sympa où on rigole tous ensemble en tenant les murs, façon village des Schtroumphs. Dans les films "sérieux" avec une certaine tension dramatique ou les thrillers, la banlieue devient un lieu sordide ultra-violent avec un micro-climat nuageux permanent. En banlieue au cinoche, y'a pas de demie-mesure. Exemples: "Neuilly-sa-Mère", "Beur sur la ville", "Etat des lieux", "Ma 6-T va crak-er"...
- La défense du petit commerce: on voit très rarement de scènes de supermarché (hormis dans les films sur "la banlieue"), à croire qu'en France, il n'y a que des commerces de proximités traditionnels. Le cinéma français, c'est d'abord quelqu'un qui demande une baguette pas trop cuite chez un petit boulanger poli, avant d'aller acheter des roses chez une jolie fleuriste pas farouche. Exemple: "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain", "Paris"...
- Les voitures "un peu comme les ricains", mais en moins bien: dans le cinéma américain, la course-poursuite est devenue un exercice de style où des bagnoles de luxe s'emplafonnent à un rythme d'enfer. En France, l'équivalent de la Batmobile, c'est le "Taxi" du film éponyme, et quoi qu'on y fasse, dans les scènes de poursuite, il y aura toujours une Fiat Panda ou une Twingo dans le champ. Exemples: "Taxi 1", 2, 3...
- Les acteurs industriels qui vont au ciné comme à l'usine: il s'agit d'acteurs pour lequel on a souvent une franche affection (Kad, si tu nous lis), mais qui, durant une année ou plus, sont à l'affiche d'environ un film sur deux jusqu'à saturation. Exemple: Clovis Cornillac, Kad Merad, Audrey Tautou, récemment Jean Dujardin...
- Les grosses comédies pouêt-pouêt de vacances: les congés payés, un tournant dans l'Histoire du salariat, une mine d'or pour les cinéastes du genre Max Pécas (auteur de l'inénarrable "On se calme et on boit frais à Saint Tropez"). Une tradition du film estival qui perdure depuis les 70's et le carton des "Bronzés" et se termine en promo chez Arthur un soir sur TF1. Exemples: "Camping 1 et 2", "Les Bronzés 3", "Safari"...
- (bonus) La fonction publique à la française: les profs et les flics sont les plus représentés. Les premiers sont souvent au bord du "nervous break-down" mais avec une réelle vocation. Pour les seconds, on est loin du cop-movie outre-atlantique avec une explosion toutes les 30 secondes. En France il s'agit plus de "Police-Nationale-vos-papiers-bonjour" avec la maréchaussée en pull La Redoute, mal rasé et yeux cernés, qui reste le soir avec un sandwich jambon-beurre pour toute compagnie, quand ce ne sont pas des neuneus en képi-moustache parqués dans une estafette, de type gendarme (et/ou gendarmettes). Exemples: "Le plus beau métier du monde", "La journée de la jupe", "Taxi" (encore), "MR73"...
Et vous, vous en voyez d'autres ?