Depuis 2014, la guerre civile au Yémen est devenue une poudrière internationale. La population est prise en otage par un blocus empêchant tout ravitaillement. Les Yéménites meurent en grand nombre, privés d’aide humanitaire et de nourriture, tandis que le pays sert de terrain d’expression aux rivalités régionales et internationales sur fond de questions pétrolières. Une horreur.
Au départ, il s'agissait d'une guerre civile
Bon en gros, on va faire simple, mais c’est toujours la bonne vieille rengaine des chiites contre les sunnites. Au Yémen, les sunnites sont majoritaires d’une courte tête. Suite à la révolution yéménite en 2012, le sunnite Abdrabbo Mansour Hadi est élu président, remplaçant ainsi l’ancien président chiite Ali Abdallah Saleh. Une fois le pouvoir passé entre les mains des sunnites, les rentes sur les produits pétroliers distribués aux chiites ont été supprimées, déclenchant le mécontentement des Houthis, les chiites yéménites, principalement installés dans les montagnes du nord-est du pays et marginalisés. A cela s’est ajouté l’assassinat de représentants houthis au parlement et d’autres petits désagréments. Les Houthistes sont parvenus à renverser le président sunnite et à le forcer à se réfugier en Arabie Saoudite, en 2015. C’est à ce moment-là que le conflit s’est internationalisé avec l’intervention de l’Arabie Saoudite, dont le Yémen a toujours été une chasse gardée.
L'Arabie Saoudite a pris parti contre la rébellion chiite
Le clan Al Saoud est sunnite. Or, les réserves pétrolières de l’Arabie Saoudite, qui font la fortune du clan, sont situées principalement en territoire chiite. Autant le dire tout de suite, l’Arabie Saoudite a tout intérêt à maintenir un pouvoir sunnite au Yémen de peur de voir les Yéménites financer une tentative de contestation chiite sur son propre territoire. De plus, le clan Al Saoud souhaiterait mettre la main sur les rares exploitations pétrolières yéménites et sur les opérations de forage. Bref, le clan Al Saoud défend directement ses intérêts en faisant cette guerre.
L'Arabie Saoudite a adopté une logique de siège et de famine planifiée
En plus de son intervention militaire, l’Arabie Saoudite (et ses alliés sunnites, ainsi que les Etats-Unis et la France) a imposé un blocus naval, terrestre et aérien au pays, au mépris du droit international, empêchant tout ravitaillement alimentaire, médical et énergétique. Il s’agit d’une politique de famine planifiée visant à faire craquer les opposants.
De plus, les frappes de la coalition visent aussi des civils : en août, un bus civil transportant 29 enfants et 22 adultes a été frappé. 51 morts.
La famine est terrible et les maladies aussi
Un quart de la population yéménite, soit 7 millions de personnes, sont touchés par la famine. 1 million de Yéménites ont été victimes du choléra. Au total, 22 millions de Yéménites sont en très grand risque humanitaire, pour Human Rights Watch.
Un enfant meurt toutes les 10 minutes au Yémen
Ca se passe de commentaire.
Les puissances internationales se gardent d'intervenir pour ne pas foutre en l'air leur alliance avec l'Arabie Saoudite
Les Etats-Unis et la France ont impérativement besoin de conserver le soutien de l’Arabie Saoudite, leur principal allié dans la région, même si son rôle trouble en matière de financement du terrorisme n’est plus à démontrer. Par ailleurs, le pétrole extrait au Yémen est en très grande partie récupéré par l’Arabie Saoudite. L’Arabie Saoudite se sert de cette manne pour acheter des armes… à la France. La boucle est bouclée.
Dans le même temps, l'insurrection djihadiste d'AQPA continue et profite de la guerre civile
Depuis 1997, les djihadistes d’AQPA mènent une insurrection armée et terroriste. Le chaos du pays leur profite : ils ont été rejoints par une branche yéménite de l’Etat islamique. Ces terroristes visent principalement les chiites dans leurs attaques et forment donc une alliance informelle avec les forces de la coalition sunnite.
La France est très discrète sur ses ventes d'armes à l'Arabie Saoudite
Les enfants yéménites meurent-ils sous les assauts d’armes françaises ? C’est possible, mais les nombreuses commissions d’enquête parlementaires réclamées par l’opposition n’ont jamais réussi à obtenir de réponses de la part de l’Etat qui oppose à la connaissance du dossier une logique de secret défense. La position officielle de la France n’est pas de nier ces ventes d’armes, mais de refuser de les évoquer et, le cas échéant, de les minimiser.
Arabie Saoudite et l'Iran se font la guerre par Yemen interposé
D’un côté, l’Arabie Saoudite, sunnite, soutien historique des Etats-Unis ; de l’autre, l’Iran, chiite, ennemi historique des Etats-Unis, soutenu par la Russie. Le Yémen est aussi l’occasion pour ces deux puissances régionales en quête de leadership de se faire la guerre. L’Iran soutient en effet (secrètement) les Houthistes contre la coalition emmenée par Riyad, malgré les dénégations de Téhéran. Ces faits ont été établis par l’ONU.
Les dirigeants Houthis demandent de l'aide à la Russie
Face à l’enlisement du conflit et l’incapacité à trouver une solution diplomatique, les Houthis ont officiellement demandé à Poutine d’intervenir. Soutien de l’Iran et donc des Houthistes, son influence et la peur de voir éclater une troisième Guerre mondiale pourrait permettre d’accélérer les négociations de paix. Ou de vraiment faire basculer le monde dans une guerre atroce.
Y’a d’la joie.