Vous le savez sans doute, un enfant c’est comme un adulte petit qui ne saurait pas bien raconter une histoire, détesterait pas mal de légumes, serait capable de s’amuser pendant 10 heures de suite à lancer un ballon et serait disposé à croire qu’un mec est capable de parcourir le monde sur un traîneau volant conduit par des rennes en une nuit. Bref, pas tout à fait un adulte. Et il est vrai que, jusqu’à la fin de l’adolescence, on acquiert peu à peu des capacités cognitives qui feront de nous des adultes, avec un pic jusqu’à 11 ans. Dès lors, même si, depuis, on l’a oublié, nous avons longtemps eu une vision du monde radicalement différente de la nôtre, actuellement. Et c’est la science qui le prouve.
Dans leur jeune âge, ils sont incapables de généraliser
En gros, la reproductibilité d’un événement ne pourra être pensée par un enfant que dans les EXACTES mêmes conditions ayant contextualisé la première occurrence de l’événement. C’est-à-dire que si un bébé fait tomber un vase Ming en donnant un coup dedans, il ne comprendra pas que c’est le fait qu’il ait donné un coup dans un objet qui a provoqué la casse, mais que s’il donne un coup dans ce vase Ming placé à CET endroit, il tombera. Si vous déplacez le vase Ming ailleurs (en espérant qu’il ait survécu), le bébé recommencera et sera tout aussi surpris.
Leur rapport à l'empathie est entièrement déterminé par les figures de l'attachement
Selon si l’enfant se sent ou non en sécurité dans son attachement, il présentera naturellement des réactions totalement différentes face à la détresse d’autrui. Une expérience citée par Cyrulnik montre qu’un enfant mis en présence d’un adulte en larmes après avoir constaté qu’un ourson mécanique était cassé pouvait réagir de trois manières : si l’enfant a un attachement normal, il sera tenté de cajoler l’adulte et d’essayer de réparer le mécanisme ; s’il a un attachement défectueux, il restera sans réaction ; s’il a un vrai problème d’attachement, il pourra aller jusqu’à frapper l’adulte. Cela ne veut pas dire que l’enfant est psychopathe, mais que l’ensemble de son rapport aux autres est déterminé par son propre sentiment de sécurité affective. Qui peut évoluer avec le temps en fonction des figures sur lesquelles s’ancrera son attachement.
Les enfants pensent que tout le monde sait ce qu'ils savent
En gros, les petits enfants ne comprennent pas que ce qu’ils connaissent leur appartient et que d’autres personnes peuvent développer des pensées différentes à partir d’informations différentes. Cela signifie que, quand un enfant est présent lorsque l’on cache un objet et qu’on lui demande où une personne partie temporairement de la pièce serait la plus susceptible de chercher l’objet, il indique naturellement le lieu où l’objet est caché, quand bien même il serait témoin que la personne n’a pas connaissance de l’emplacement de l’objet. Ou que s’il veut que tu lui donnes ton jouet, c’est que tu le veux aussi.
De l'espace et du temps
Quand il commence à parler, l’enfant peut se saisir du monde au-delà du seul visible. Cela agit sur l’espace : si on demande à un enfant de dessiner un bateau, il dessinera aussi les hélices, pourtant invisibles directement, parce qu’il SAIT qu’elles sont là. Cela vaut aussi pour l’univers mental des autres, que l’enfant commence à mieux saisir à partir de 4 ans.
A partir de 7 ans, les enfants commencent à comprendre le fonctionnement du temps. Jusqu’à cet âge-là, le réel n’est qu’une succession de présents superposés sans continuum. D’où aussi la complexité à raconter une histoire avec un début et une fin et une logique.
L'enfant se construit en circuit fermé
Autre exemple cité par Cyrulnik, celui d’un enfant dont les parents sont déprimés : il aura tendance à valoriser les images tristes plutôt que les images positives en considérant que les images tristes sont sécurisantes. De fait, l’enfant construit son imaginaire personnel au regard de son environnement immédiat et des sensations qu’ils y associe.
Les enfants n'ont pas de conception naturelle de la morale
La morale est une pure conception éthique et construite : l’idée du bien et du mal n’est pas innée. Un enfant se comportera comme on lui dit dans le seul et unique but d’éviter une punition. Le schéma de pensée basé sur la morale n’intervient qu’après et sera de toute façon conditionné par le circuit de la récompense tel qu’élaboré dans la petite enfance. Si on demande à un enfant s’il est préférable de casser 12 verres sans faire exprès ou un seul volontairement, il aura tendance à dire 1 seul volontairement, parce que la volonté implique la punition.
Les enfants sont incapables de pensées abstraites
Les enfants de moins de 11 ans ont le plus grand mal à formuler des pensées abstraites. Leur système cognitif est basé sur le réel, le concret, et c’est notamment pour cette raison que les problèmes de maths leurs sont posés avec des histoires de pommes et de bananes. Ainsi, des études psychologiques menés sur des enfants de 9 ans montrent que, quand on leur demande où ils souhaitaient placer un troisième oeil, les enfants répondent presque unanimement « sur le front » alors même que ça ne sert à rien : ils reproduisent en réalité une image qu’ils connaissent. Passé cet âge, les enfants répondent plus diversement, parce qu’ils voient le bénéfice qu’ils pourraient tirer à avoir des yeux derrière la tête ou sur les mains.
De la reconnaissance faciale
On ne va pas se mentir : distinguer deux singes de la même race, c’est quasiment impossible, parce que nous ne sommes pas habitués à devoir différencier deux singes. J’ai le malheur de vous dire qu’il en va de même pour les humains. En revanche, les enfants de moins d’un n’ont pas encore cette habitude et il leur est tout aussi fastoche de distinguer deux singes que deux humains, parce que leur cerveau n’a pas encore été entraîné à le faire pour les humains. Les bébés sont donc plus physionomistes que nous.
L'apprentissage des langues
C’est Noam Chomsky qui a mis à jour une explication quant à ce phénomène dingue qui consiste, pour un enfant, à apprendre parfaitement un langage, voire deux en cas de parents bilingues, absolument tout seul et sans effort. Chomsky suggère l’existence d’un mécanisme cérébral permettant l’apprentissage des langues et dont l’utilité et la mobilisation cognitive disparaissent progressivement avec l’âge.
Les enfants ont du mal à distinguer la réalité de l'imaginaire
Quand les enfants s’imaginent des choses, ils sont tout à fait susceptibles de penser que ces choses se sont réellement passées. Mais ce mécanisme fonctionne essentiellement dans le cas d’une auto-stimulation de l’imagination. Si on raconte un énorme mensonge aux enfants, ils seront beaucoup plus susceptibles d’en douter (sauf pour le père noël, donc).
Les enfants sont formidables.
Sources : Listverse, Sciences Humaines