Avec une présentation du décor rapide, peu de personnages, une intrigue simple mais efficace et de l'action tout au long du roman, le thriller est souvent considéré comme de la lecture de gare, tout juste bonne pour les vacanciers idiots allant bronzer à la plage en juillet (ou en août, ça marche aussi). La plupart des thrillers nous viennent des States, mais avec des auteurs comme Maxime Chattam, Jean-Christophe Grangé, ou encore Franck Thilliez, la France n'a pas à rougir de ses homologues américains. Mais qu'ils soient français, ricains, belges ou russes, 99% des romans passeront par les mêmes étapes :
- Le prologue : très souvent, le roman commencera par un prologue. Celui-ci se situera généralement entre 10 et 15 ans avant l'histoire elle-même. Il s'agira d'un fait sordide; l'incroyable massacre d'une famille charmante ou la description d'un jeune enfant interné à l'asile psychiatrique. On ne comprend pas très bien ce que le prologue raconte, ni même le rapport avec l'histoire principale qui suivra mais on fait avec.
- Le héros : la plupart du temps, il est "quarantenaire", mal rasé, alcoolique ou drogué (mais ses collègues ne le savent jamais) et seul. Il a divorcé 5 ans auparavant, sa femme ne supportant plus ses trop nombreuses heures supplémentaires. Elle lui a toutefois laissé le choix entre elle et les enfants ou son boulot. Mais l'attrait pour la justice est plus fort que tout et notre héros a préféré sacrifier sa famille pour continuer son métier. Il se fait réveiller à 5h du matin par un collègue inquiet, qui ne peut pas, je cite, « t'expliquer ça au téléphone, il faut absolument que tu viennes!»
- Le premier meurtre : notre héros (disons Thomas) arrive, fatigué et avec la gueule de bois, sur le site de l'incroyable chose qui s'est passée. Le con de collègue qui l'a réveillé vient l'accueillir très pâle et inquiet. Il ne peut toujours rien lui dire, il doit « voir ça de ses propres yeux ». Il s'agira d'un meurtre sanglant, et particulièrement sadique. Personne n'a rien vu, rien entendu, et l'autopsie nous en dira plus. Pas le moindre indice ne sera retrouvé, et Thomas ajoutera : «C'est mauvais signe», un peu comme Horatio dans les experts, mais avec moins de classe. Signalons également que les tueurs en série ont une grande tendance à tous commettre leurs crimes dans le même district, celui de Thomas. Tout comme chaque soucoupe volante atterrit systématiquement sur New-York.
- Le Suspect : 150 pages plus loin, trois meurtres se sont enchainés. Exactement de la même manière que le premier. Le doute n'est plus permis, Thomas est quasiment sûr d'avoir affaire à un serial-killer. Malheureusement l'assassin est très malin, l'autopsie (très souvent pratiquée par un vieil homme étrange mais gentil) n'a apporté aucun élément si ce n'est que la victime a énormément souffert. Très peu de preuves sont retrouvées, voir aucune. Mais il existe toujours au bout du 4ème meurtre un indice nous menant tout droit au suspect parfait. Il n'a aucun alibi pour les soirs des meurtres, une grande maison isolée, parfaite pour séquestrer de jeunes femmes et surtout il connaissait les victimes mais a voulu le cacher aux inspecteurs. Bref tout porte à croire que c'est lui et que les 300 pages suivantes raconteront l'idylle de Thomas avec la nouvelle secrétaire du commissaire.
- Le témoin important : alternative au point 4. Les années passant, les romanciers ont commencé à se douter que les lecteurs ne sont pas tous des crétins finis et qu'à la longue, même les touristes les plus lents comprennent que le suspect parfait ne sera pas le coupable. Une variante est assez souvent ressortie ces dernières années : celle de l'important témoin. Il a des révélations très importantes à faire à Thomas à propos des meurtres, mais doit en discuter dans un endroit sûr (bien évidemment ce ne sera jamais au commissariat) et surtout seul, sinon il ne viendra pas. Le témoin ne viendra jamais au rendez-vous et sera retrouvé mort dans une cinquantaine de pages. Ce coup-ci commence également à s'user et les écrivains devront prochainement trouver une nouvelle alternative.
- Le 6ème meurtre : sera effectué avec le même modus operandi que les cinq précédents. Mais quelque chose sera néanmoins différent. Le tueur se sera précipité et laissera un grossier indice de débutant sur la scène de crime, alors qu'il n'avait pas fait la moindre erreur auparavant (sauf un piège pour conduire Thomas au suspect parfait ). Cet indice en question sera une empreinte de pas avec de la terre ne pouvant provenir que d'un seul endroit dans la ville (la vieille usine chimique dans la zone industrielle), ou une miette de pain venant du dernier repas du meurtrier (provenant aussi d'une boulangerie bien spécifique). L'identité du coupable n'est pas encore révélée mais l'enquête s'accélère brutalement.
- L'appel : ce n'est pas un passage obligé, mais l'auteur y a souvent recours. Au moment où le patron de l'usine chimique ou la boulangère aura révélé les précieux indices, Thomas se rendra immédiatement vers l'habitation probable du coupable mais il se fera aussitôt interrompre par un appel, venant ou de sa femme, lui disant alors que les enfants ont été kidnappés et qu'il doit suivre scrupuleusement les consignes du ravisseur, ou bien du nouveau mari de sa femme (un con riche et plus jeune) lui disant qu'il est étonné de ne pas avoir vu sa chérie de retour alors que son cours de fitness est fini depuis deux bonnes heures. A ce moment, Thomas décidera d'agir en solo comme un gros téméraire, et n'aura plus rien à perdre.
- L'approche du dénouement : le point 7 annonce toujours la fin, mais il n'est pas toujours présent dans le roman. Si ce n'est pas le cas, la fin est facile à deviner. Alors que les 150 dernières pages étaient assez mornes et avec moins d'action, tout s'emballe brusquement. L'assassin, sentant sa fin proche, tente n'importe quoi pour s'en sortir. Ce qui rime en gros avec trois morts dans une supérette, et une nouvelle femme enlevée. Un policier retrouve par hasard Thomas dans la maison du coupable, que celui-ci aura quittée très récemment. En bref, si ça devient un gros foutoir avec plein de morts et de grosses révélations (mais pas encore l'identité du suspect), c'est la fin.
- Le coupable : on l'attendait depuis le début du bouquin, le coupable, le tueur, l'assassin, le fautif, le criminel, le serial-killer... Appelons le Harris.
C'est durant le face-à-face final que Thomas découvrira son identité. Le tueur sera d'abord caché dans l'ombre ou bien derrière sa femme et tenant un couteau sur sa carotide, si le point 7 s'est réalisé. Dans tout les cas, ce sera une véritable surprise, on avait cru que tout le monde était un coupable plausible pour x ou y raison, sauf lui ! Ce sera ou bien un simple témoin appréhendé et ayant amicalement collaboré à l'enquête ou un suspect rapidement relaxé. Une dernière solution est que le tueur soit un policier, une nouvelle recrue assez discrète mais très serviable. La scène finale commencera d'abord avec une parlotte entre Thomas et Harris : Pourquoi ? Comment ? Au nom de quoi ? ... Avant qu'une tierce personne arrive de nulle part et que tout parte en sucette. Des coups de feu tirés à tout va et un foutoir que McClane en personne ne renierait pas. - L'épilogue : Thomas se réveille à l'hôpital. Sa femme ou un coéquipier lui explique ce qui s'est passé : Il s'est pris une balle en plein c?ur ou dans le cerveau, mais s'en est miraculeusement sorti. Tout nous est expliqué à propos du tueur (qui sera toujours mort. Le coupable n'ira jamais au tribunal) et on comprendra enfin ce que racontait le prologue. Harris a eu une enfance malheureuse, avec un père alcoolique et violent, ainsi qu'une mère morte du cancer lorsqu'il avait 6 ans. C'était un adolescent introverti et solitaire, et de mystérieux faits (celui du petit Grégory noyé en voyage scolaire par exemple) ont accompagné son chemin. C'était pourtant devenu un adulte gentil et agréable, mais voilà, le mal était en lui. Dans les trois-quart des romans sa femme suppliera Thomas d'arrêter son boulot, qu'elle l'aime encore et est prête à tout recommencer à zéro.
Vous en voyez d'autres?
Sources : Maxime Chattam, Richard Montanari, Franck Thilliez, Harlan Coben...